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Ses doigts parcouraient les cicatrices ornant son épiderme. Dans le miroir, il détaillait les stigmates de son ancien travail de milicien, ce temps où il parcourait les rues, et faisait régner l'ordre dans Pelagia, et souvent par la violence d'ailleurs. La fin justifiait les moyens, toujours. Chaque altercation était une nouvelle exaltation. Mais c'était un passé, un passé où il n'était que chien, molosse au cou serré par un collier. Il vivait désormais dans un présent où il était à l'autre bout de la laisse. Il était le maître, le despote. Et quel despote ! Un sourire vint sur ses lèvres. Il ferma les yeux pour apprécier davantage la voix rocailleuse dont le gramophone crachait les complaintes. Il murmurait les mêmes palabres, l'accompagnant de sa voix caverneuse. Ses doigts caressaient désormais la relique qu'il portait autour du cou, ce vieux chapelet de l'autre monde, ce vieux chapelet qui fascinait tant Leona, ce vieux chapelet qu'il portait autour de son cou depuis la mort de sa sœur, depuis la mort de son amour.
I just can't stand it, the way you always put me down. I put a spell on you because you're mine.
Quelques années plus tôt, il lui avait chanté cette chanson que l'on entendait souvent dans la cité sous-marine, chanson en vogue sous les eaux. Il était éclairé de quelques bougies, préférant la pénombre. Il ouvrit les yeux, trouva une autre marque sur son corps. Celle-ci était une signature, celle d'une artiste. Azores devait bientôt venir. Elle devait bientôt toquer contre cette porte qu'il n'ouvrait que très rarement, peu de personnes ayant l'autorisation de pénétrer ce sanctuaire, ce temple où vivait encore et toujours le fantôme de la défunte, un temple dont il ne voulait pas prendre le risque de le voir être profané.
Il se détourna du miroir pour enfiler une chemise blanche. Il en remonta les manches jusqu'à ses coudes. Azores et lui expérimentaient ensemble, parfois, lorsque l'artiste avait besoin d'un cobaye, d'un cobaye ou d'un tortionnaire. Aaron se complaisait dans les deux rôles. Il se délectait de sa propre souffrance autant que de la souffrance des autres, et d'autant plus lorsqu'ils souffraient entre ses mains. Un jour, Il avait ouvert le feu, sur elle, face au public. Une balle s'était logé dans le bras de la jeune femme. Il aurait aimé tirer encore... Sur elle, sur les autres. Une balle pour eux, une balle pour toi, une balle pour tout le monde autour de nous. Il avait eu un instrument de mort entre les mains, et le poids de l'arme au bout de son bras lui manquait. Il avait le même sensation lorsque, milicien, il lynchait qui que ce soit au détour d'une ruelle. Il avait eu, entre les mains, droit de vie et de mort sur chacun d'eux. Il avait eu, entre les mains, le pouvoir des dieux.
L'a t-il moins aujourd'hui ? Tant de nuque à décapiter...
Il serra une cravate autour de son cou, comme l'on serre une corde autour du pendu. Une bouteille de vin attendait d'être dépossédé de son bouchon de liège sur le comptoir de la cuisine, petite pépite hors de prix qu'il s'était procuré, et qui attendait depuis une bonne occasion d'être vidée de son ambroisie carmin. Le gramophone faisait toujours tourner un disque acheté il y a peu. Quelques airs de blues régnaient en maître sur les lieux. Leona frôla son bras, faisant glisser sa main sur ses flancs. Il se délecta un instant de son doux parfum de mort, et elle disparut. Il se tourna alors vers les grandes vitres lui offrant une vue sur la cité sous l'océan, prenant une grande inspiration, inspirant la fragrance de l'absolue.
On toqua à la porte. Un sourire sur son visage. Il s'en alla l'ouvrir.
Aaron Dawkins possédait cette vision péjorative que l’on pouvait trouvé du plaisir au travers la douleur et la souffrance. Pour apaiser ses peines ambiantes, il se blessait. Il possédait des pulsions étranges, controversées. Et Azores Lullaillaco avait trouvé en lui un complice, un allié en quelque sorte. Ses pas la menaient vers lui, comme une maitresse se rendant chez son amant. Mais lui… il avait perdu l’amour il y a… L’artiste ne savait pas compter le temps. Ce n’était pas important, car un battement de cils plus tard, elle se retrouvait à toquer à sa porte.
Elle se tenait droite, avec l’ombre d’un sourire sur ses lèvres rouges. Une robe qui descendait jusqu’à ses genoux, serrées à la taille et des cheveux bien coiffés aux ondulations travaillées. Presque rien à voir avec la Azores qui performait. Et devant ses yeux maquillés il y avait une cravate qui étranglait un cou, et cet homme grand et large, capable de brisé en deux le corps de l’artiste.
« Bonjour. » Murmura-t-elle de sa voix grave avant d’entrer.
Elle déposa son manteau et son sac sur un support, laissa ensuite ses pas la porter lentement, au rythme de la musique émise par le gramophone. Elle s’approcha de l’instrument et prit un temps pour lire ce qu’elle écoutait. Berçant la tête, bougeant ses cheveux roux au aléas de l’ambiance, elle fit son chemin et ses doigts, agités, pianotant, glissèrent sur la bouteille de vin disposée là, à vue. Azores ne buvait pas d’alcool, son attention ne s’y porta donc pas.
« Qu’y a-t-il dans ton esprit, Aaron ? » Lança-t-elle en lui jetant des coups d’œil.
Ses mains effleuraient des surfaces, des textures. Azores avait besoin de toucher, comme si elle ne faisait pas confiance à sa vue, même après de nombreuses visites. L’homme était effrayant. Son autodestruction et sa brutalité n’avaient rien de saines. Pour les autres. L’artiste trouvait cela magnifique, naturel, véritable et instinctivement, ses élucubrations l’avaient menée près d’Aaron, tout en demeurant hors de sa portée. Ses yeux sombres et absents se levèrent tranquillement, alors que ses mains se promenaient sur le tissu de sa robe, serrant celui-ci, le lissant ensuite.
Et brusquement, elle attrapa, dans l’une des poches de son habit, une toute petite arme à feu, très féminine. Elle ouvrit le barillet pour le montrer à l’homme. Une balle, juste une seule. Azores arma le pistolet de manière hasardeuse, la pointa sur l’imposant dirigeant de Magnus et tira.
Rien.
Rien.
L’artiste rouvrit le barillet et laissa tomber la balle qui n’avait pas été projetée, au sol. Du bout de la chaussure elle la fit rouler plus loin. L’arme retourner parmi les tissus de la robe et Azores joignit ses mains dans son dos, gardant le silence. Au fond, l’idée de commettre un crime contre la vie, contre ses principes, avaient hérissé le poil sur ses bras et saccadé son souffle.
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Sujet: Re: Hurt me tender, hurt me true ▲ Azores Lullaillaco 04.05.16 13:20 parAaron Dawkins
Une cascade rousse s’écoula dans cet appartement mortifère, cet appartement qui avait cessé de vivre des années auparavant, cet appartement encore hanté par le parfum de la défunte. Peu de femme connaissait l’intérieur de ces murs. Peu d’homme également, bien qu’un peu plus tout de même. Le veuf remarqua le rouge des lèvres d’Azores lorsqu’elle passa près de lui, en un sourire, en un soupire. Sur son visage polaire se craqua un sourire réchauffant la glace d’une flamme fébrile, répondant aux salutations de l’artiste. Les quelques lueurs de la flamme se répercutaient sur ses pupilles, et Azores glissait dans la crypte dans laquelle résonnait le chant du gramophone. Elle prit possession des lieux, visiblement à son aise. Elle avait une sorte de passe droit ici, comme une pièce de pentecôte, comme un ticket de métro pour l’univers dément, décadent, d’Aaron, royaume reposant sur les vestiges pourrissant de la civilisation Léonienne. Elle effleurait les ruines d’un foyer baignant, auparavant, dans la lumière crue d’un amour incestueux, caché, invisible, maudit. Elle ne porta pas davantage d’attention sur la bouteille de vin, Aaron avait omis ce détail, mais tout de même, il sortit deux verres à pied, et prit en main la bouteille de vin.
La voix de la jeune femme se mêla, en une interrogation, à la musique. Il se tourna vers l’artiste, cette artiste dont il s’était perdu dans l’art pour noyer sa peine, désireux de transformer la douleur du cœur en douleur de la chair, la métamorphose d’une douleur psychosomatique lancinante en une douleur physique brutale, sans concession. Il la regarda un instant se balader, lisser les pans de sa robe, gardant la bouteille de vin à la main. Que pouvait-il y avoir dans son esprit ? La démesure. La démence. La grandeur. L’éclat ténébreux d’une brutalité despotique. Plus profondément, le chagrin. La nostalgique. L’amour. Encore plus profond, la peur. L’effroi. La terreur. Peut-être existait-il un système de strate spirituelle, l’esprit se creusant en cercle infernal jusqu’à la demeure du démon en nous. Azores était devant lui, l’arôme du vin se dégageait de la bouteille pour répandre un parfum d’alcool de raisin se mêlant à la fumée des cigarettes enterrées au fond d’un cendrier. Avait-elle l’intention de descendre en lui, de visiter les malbolges de son âme ? Il sourit, un demi-sourire sur ses lèvres drapées d’ironie.
« Je suppose qu’il va te falloir m’ouvrir le crâne en deux pour avoir réponse à ta question. »
Mais les mots n’ont pas le temps de mourir dans l’atmosphère figée. Sa voix se perd dans le canon d’un révolver invoqué de la poche de la jeune femme. Il regarde le barillet qu’elle lui montre, barillet orné d’une simple et unique balle. Il compte le nombre de chambre. Calcule rapidement deux pourcentages. Celui de la malchance de rester en vie, celui de la malchance de mourir sans avoir goûté au bonheur. Les hommes meurent, et ne sont pas heureux. Il ne savait qu’espérer. Mourir, ou vivre. Choisir l’un ou l’autre serait un choix par défaut. Elle arme le pistolet, le braque sur lui. Que vise-t-elle ? Son crâne, pour libérer son esprit ? Son cœur, pour abattre toute émotion ? Son ventre, pour faire éclater ses entrailles et voir ce qui s’y caché ? Son entrejambe, pour que monstre pareil ne se reproduise pas ?
Vise-t-elle tout simplement ? Son index appuis sur la détente.
Une fraction de seconde, un frisson parcourt l’échine du despote, un frisson s’intensifiant au fil de sa course. Une fraction de seconde de noir, rideau tiré, rideau tombé. Il est vivant, ou alors il ne ressent pas encore la douleur de la balle ayant perforé sa chair. Leona, assis sur le fauteuil, lui adresse un regard enjôleur sertis d’un sourire. Et elle disparait, sans l’emmener. Le barillet s’ouvre à nouveau, la balle tombe au sol.
« Quelle merveilleuse sensation, d’avoir la vie d’un homme entre les mains, de s’approprier le pouvoir des dieux, n’est-ce pas ? »
Il regarde la balle rouler sur le sol, un nouveau sourire sur les lèvres. Il avait affronté le canon sans sourciller, comme si rien de tout cela n’avait d’importance. Le spectre de la morte, le spectre de la Mort, était venu le revoir, mais sans le prendre. Il aurait aimé l’embrasser avant qu’elle ne s’efface. Simplement, ses lèvres contre les siennes. Simplement. Son regard revient sur l’artiste dont l’arme à disparu.
« Dis-moi, tu pointes souvent le canon de ce charmant revolver sur un homme ou c’est un traitement de faveur auquel j’ai droit ? »
Il s’avance lentement vers elle, de quelques pas, la bouteille de vin encore à la main. Le déclic de l’arme, ce frisson, cette caresse du néant, cette seconde d’hésitation entre la vie et la mort l’avait exalté, stimulant, sans doute, sa démence. Près d’elle, la surplombant de quelques centimètres, il plonge un peu plus dans ses yeux à la beauté souligné par quelques nuances de maquillages, et redresse la bouteille, comme pour lui demander, sans un mot, dans le silence suivant la mort, si, véritablement, elle ne voulait pas perdre quelques nuances de raison dans quelques gouttes de raisin.
Lui ouvrir le crâne ? Non. Azores ne s’imposait pas aux autres. Elle n’imposait pas à ceux qui lui faisaient face de s’ouvrir complètement. Elle aimerait, l’artiste adorait creuser l’esprit d’autrui, découvrir les petits secrets, les facettes cachées. Aaron était, un specimen, un homme qui n’avait pas le même cheminement ni les mêmes raisons qu’elle d’aimer la douleur et, contrairement à elle, il ne l’avait pas acceptée. C’était… différent. Elle le sentait. Elle voulait savoir pourquoi, mais Azores n’insista pas.
Il ne cille pas, car comme l’artiste, la mort ne l’effraie pas. Quelque chose l’y attend, ou il n’a rien à perdre à s’y rendre. Ces jours-ci, quelque chose retient Azores dans ce monde, cela la contrarie et à la fascine à la fois. Un froncement de sourcil un peu triste apparait sur son visage tacheté de son, un hochement de tête négatif.
« Les dieux ne tuent pas, seuls les hommes le font. »
Les êtres vivants, tous pressés d’envoyer les autres dans la tombe. Et puis Azores ne voulait tuer personne, ce n’était pas à elle de décider qui devait se rendre dans l’au-delà. Ce serait un crime contre la vie, un crime contre son code d’artiste. Elle ne pouvait imposer sa liberté aux autres. Cependant, la tête haute du Magnus pensait autrement. Ils en avaient discuté, et ils en étaient restés là. La femme frotte ses bras sur lesquels quelques poils s’étaient dressés. Elle avait eu peur, un instant, que l’unique balle perce le corps de Caligula. Aaron était toujours là, et il se tenait droit, avec sa bouteille dans la main. Ses yeux vides se redressaient sur lui.
« Serais-tu jaloux ? » Faible et très bref sourire. La Maitresse d’Art bouge la tête un peu. « Les autres penseraient que je veux les tuer, ils ne comprendraient pas. »
Parce que c’était ça, elle pouvait blesser Aaron et il serait parfaitement conscient que ce n’était pas pour lui faire mal. Il pouvait marquer la peau d’Azores, elle savait que ce n’était pas pour lui faire de la peine. Ils possédaient une drôle d’amitié, créée car leur deux univers avait une frontière adjacente. Elle regarda la bouteille pendant plusieurs secondes, clignant rapidement des yeux, à peine réveillée. Mais c’était l’Essence.
« Avons-nous quelque chose à célébrer, Aaron ? »
Elle plissa les yeux pour lire sur la forme de verre l’étiquette. Trop flou.
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Sujet: Re: Hurt me tender, hurt me true ▲ Azores Lullaillaco 08.05.16 14:52 parAaron Dawkins
Les dieux ne tuent pas, seuls les hommes le font. La voix d’Azores se fraya un chemin jusqu’à son âme névrosée, son âme nécrosée. Le corps sans vie de Leona lui revint. Sa sœur, son amour, gisant sur les pavés. Ses pupilles ténébreuses baignaient dans le rouge des faisceaux sanguins ayant éclaté sous la pression des deux mains autour de sa gorge. Ses lèvres étaient blêmes et froides. Ils n’avaient pas pus les embrasser. Pas devant les regards indiscrets. Il s’était contenté de son front, blanc et violacée. Qui d’autres que les dieux pour guider la main de l’Homme ? Tous n’étaient que pions d’une partie d’échec. Les dieux se fichaient pas mal des êtres humains, de leurs bonheurs, de leurs désirs, de leurs ambitions. Ils se fichent de nous. L’Homme n’était que comédiens de théâtre se fondant dans son rôle pré-écrit, préexistant à sa naissance. Point de libre arbitre. Aaron n’avait jamais tué, et il ne tuerait jamais. Ce sont les dieux qui le font. Et si la sensation d’avoir, entre ses mains, leurs pouvoirs le traversait, ce n’était encore qu’une illusion. Ce qu’il faut à l’Homme, pour être libre, pour pouvoir tuer à sa guise, c’est encore le pouvoir de tuer les dieux... Tuer les dieux.
Le rêve fut chassé par les mots de l’artiste. Sa voix fonctionnait comme la brise, amenant des grains de sable sur le macadam pour les chasser, au loin, lors de son prochain passage. La discussion chemina des dieux vers les hommes, des dieux vers Caligula. Dans l’horizontalité de la conversation, il venait encore après eux. Après. Toujours. Et dans l’axe verticale, transcendantale, il croulait sous leurs poids. Pour combien de temps encore ? Qu’importe, un sourire vint sur ses lèvres, éclairant à nouveau son visage d’une étrange lueur. Jaloux ? Il aperçut l’écho de son sourire sur les lèvres de la jeune femme. Avait-elle idée seulement de la manière dont le monstre de la jalousie était propice à lui dévorer les tripes ? Combien de charmant visage de prince avait-il éclaté, massacré, dépouillé de ses poings serrés ? Mais, rapidement, elle avoue que lui seul pouvait comprendre son geste. L’avoue lui cajole les esgourdes. Ses sourcils se haussent, prenant un air faussement surpris, comme flatté.
« Je considère alors que c’est un traitement de faveur. Encore un peu, et tu me confieras ton affection en me taillant une nouvelle cicatrice, Azores »
Il sourit, visiblement taquin. Une facette qu’il ne laissait pas voir, celle de l’affection sans doute. Même déguisé, grimé, il gardait quelque chose de sa superbe inquiétante. Il demeurait celui qui écrasait toute chose du poids de sa démence, du poids de son autorité, du poids de sa liberté. Mais la figure du despote sembla se fendre, sur quelques centimètres, pour donner sur autre chose, une autre couche, un cœur sous le marbre. Un cœur, oui, aussi pourri et nauséabond soit-il. La voyant plisser les yeux pour deviner l’étiquette, il remonte la bouteille jusqu’à son regard.
« Nous n’avons rien à célébrer, non. Disons que c’est simplement pour le plaisir des papilles. Et puis, c’est le genre de bouteille que je préfère partager en bonne compagnie plutôt que de boire seul. Un cru pareil, autant le partager, non ? »
Il s’écarte de l’artiste, retourne aux verres à pieds qu’il avait plus tôt en main. Il les remplis tout deux de ce liquide carmin, ambroisie de vigne. Les arômes se dégagent des deux verres pour flatter les narines. La robe est d’un rouge dont les abysses tendent vers le noir absolu. Il tend un des verres à la jeune femme, un sourire aux lèvres. La bouteille demeure sur le comptoir de sa cuisine. La balle du pistolet a stoppé sa course au pied du gramophone. Du coin de l’œil, il en aperçoit l’éclat doré. Il sourit.
« Cependant, si tu préfère avoir une bonne raison de déguster un vin… »
Il revient près d’Azores, brisant les quelques centimètres de décence qui s’imposait à eux depuis l’entrée de la jeune femme dans cet appartement. Glissant la main dans la poche de l’artiste, profitant de la proximité des deux chairs pour tirer quelques nuances de l’arôme de son épiderme, son nez effleurant quelques mèches rousses, il empoigne le minuscule revolver avant de s’écarter d’elle, un sourire presque malsain sur les lèvres. Quelques pas, et il fléchit ses genoux pour reprendre la balle. Il pose son verre de vin, le temps de la glisser dans une chambre du barillet. L’arme chargé, il reprend le verre à pied, revient à quelques centimètres de l’artiste. Son sourire est toujours là, et s’il y a une complicité sur ses lèvres, ce n’est pas ce qui les étire autant, non. Le canon croise, de quelques centimètres, le chemin du ventre de la jeune femme, avant de venir se poser sur la tempe de Caligula. Un subtil frisson lui parcourt l’échine, tandis qu’il plante son regard d’acier dans les yeux d’Azores.
« A la roue de la fortune! »
Il lève son verre, tranquillement, portant un toast. Une chance sur six qu’elle observe son crâne éclater en une gerbe d’os et de sang, son cerveau, réduit en lambeau, décorant les murs de cet appartement à la manière d’un Jackson Pollock. Une chance sur six qu’elle voit un homme se faire sauter le caisson. Mais d’hasard il n’y a pas… voyons voir si le meurtre et le privilège de l’homme, voyons voir si les dieux ne tue pas.
Un déclic, et rien d’autre.
Il avait affronté la perspective de sa mort comme il l’avait affronté auparavant, à la différence qu’il serait celui qui avait, entre les mains, le pouvoir de s’abolir soi même. Une fraction de seconde pouvant décapiter toutes les secondes possibles. Ses lèvres se tendirent en un sourire, il vit à nouveau tourner le barillet avant de boire une gorgée de vin. Sa main présenta le revolver à Azores. Son nez sortant du verre à pied, son sourire se fit plus grand alors qu’il récolta quelques gouttes de vin restant sur ses lèvres.
« Le hasard n’existe pas. Ce phénomène abolis la possibilité même de l’existence de la chance. Il n’y a que les dieux. Qu’est-ce qu’ils t’ont réservé, à toi ? »
Elle soumet une idée farfelue. La jalousie. Ce sentiment étrange et mal placé qui semble habiter la majorité des êtres humains peuplant la ville sous-marine. Qu’était-ce donc la jalousie ? Azores ne la comprenait pas, car elle ne considérait rien comme acquis. Son poste au Conseil, son incroyable talent artistique, l’Essence que lui apportait Siobhan, la noirceur du regard d’Abraham, ces petites possessions faciles à perdre. Hors de tout doute, elle les perdrait un jour où l’autre. Rien n’était éternel, et encore moins l’art. Voilà pourquoi elle brulait ses plus belles créations après un certain temps d’exposition.
Battement de paupière, air doux te serein. « Je ne crois pas que sur ta peau il y ait une place pour moi. »
Il n’y avait de place pour personne autour d’Aaron. Elle était déjà prise, et elle ne laisserait jamais cette place se céder. Par la suite, elle ne répond que par ses lèvres faiblement arquées. La Maitresse d’Art ne consommait pas d’alcool. Cependant, elle ne venait pas voir le directeur de Magnus pour respecter ses principes. Il était là pour tout briser avec elle, car personne d’autres n’aimait la destruction et le chaos. La Compagnie était chaotique, mais c’était simplement pour reconstruire. Azores aimait regarder le vide, l’absence de création.
Premier contact depuis son arrivée. Celui d’Aaron qui l’effleure pour aller chercher l’arme à feu. Le laissant agir, elle attrapa le verre à pied en même temps que lui. La femme l’approcha de ses lèvres mais n’en but pas tout de suite pour porter un toast avec lui. Quel être normal et décent laisserait un homme se pointer un pistolet chargé sur la tête ? Les yeux vides d’Azores se mettent à briller. Peu de choses étaient plus excitantes que la fragilité de la vie, que la vulnérabilité. Immobile, elle regarda Aaron agir… mais rien ne se produit. Elle expira son souffle et prit enfin une gorgée d’alcool.
S’avançant vers lui, elle prend le pistolet et ouvre son barillet. La prochaine balle. La prochaine balle l’aurait était la bonne. Ou la mauvaise. Celle qui détonnerait. Le bout de métal tomba dans sa main et l’artiste la glissa dans l’une des poches du pantalon de son compagnon de malheurs.
« Ils me réservent… » Elle s’arrête et pense. Elle n’est pas certaine.
Si peu de choses atteignaient l’esprit de l’artiste qu’ils étaient difficiles pour les Dieux de concocter de quoi qui la toucherait. Ils jouaient surtout avec son inspiration, lui arrachant ses muses pour l’empêcher de créer. Mais si les plaisirs ne pouvaient amener l’art, la douleur le ferait.
« La mort, je crois. » Et elle abordait ce sujet comme n’importe quel autre. « Je sens mon âme qui n’est maintenue que par deux ou trois cheveux à mon corps. » Sa voix grave devint plus aigüe, elle se mit à parler comme une ironie, un sarcasme. « Je vais devoir faire attention si je ne veux pas qu’elle parte pour un autre monde… » Azores était la dernière à retenir quoi que ce soit. « Je suis venue demander ton aide, Aaron. »
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Sujet: Re: Hurt me tender, hurt me true ▲ Azores Lullaillaco 15.05.16 14:31 parAaron Dawkins
Son épiderme était un curriculum vitae, son histoire se lisait sur cette peau parcourue de traces, de cicatrices, de cicatraces, fruit d’unions sauvages, de bagarres de rue, d’expérimentations douteuses. Chaque blessure l’exaltait, et sa souffrance se noyait dans l’hémoglobine suintant de ses plaies. Aaron les arborait sans honte, comme une femme portant un collier de diamant autour du cou. Mais il était indéniable que chacune d’entre elle, par un cheminement direct ou détourné, le ramenait à sa sœur, à la défunte. Non, il n’y avait pas de place pour qui que ce soit d’autres sur sa peau. Du moins, pas aujourd’hui. Et si certaines femmes, dans lesquelles ils s’étaient perdu après la mort de Leona, avait tenté de le marquer, elles n’en avaient fait l’essai qu’une seule fois. Une seule, et unique fois. Il n’appartenait à personne, si ce n’est à la morte.
Le revolver sur la tempe, remettant sa vie aux caprices des dieux, il avait observé la réaction d’Azores avant de presser la détente. Il avait remarqué cette lueur dans ses prunelles, et son souffle qui s’échappa de ses lèvres lorsque la balle ne traversa pas le canon pour se loger dans le crâne d’Aaron. Ils aimaient le chaos, c’était cela. Un goût commun pour la destruction. La fin de toute chose était d’une mélodie telle que ne pourrait jamais en jouer ce gramophone. Le despote n’en était que plus tyrannique, écrasant le monde du poids de sa liberté, de l’autodestruction qu’il portait en lui, et de sa démence et de sa décadence. Une folie qui aurait pus coûter la vie de la Maitresse des Arts. Le revolver avait glissé entre les doigts féminins. Qu’est-ce que les dieux lui avaient réservé, à elle ? Il imaginait le crâne de la jeune femme exploser devant lui, le sang tâchant sa chemise d’un rouge vermeil, et la balle se logeant dans le mur après avoir traversé le visage de l’artiste. Les dieux l’auraient tué, se servant de leurs folies communes pour abolir une vie, une autre vie, encore. Mais elle ouvrit simplement le barillet. La balle était dans la chambre suivante. Prête à partir dès qu’une pression serait exercée sur la détente. Personne ne mourrait ce soir. Du moins pas dans cet appartement. Non, pas dans cet appartement. Pelagia ne serait pas débarrassé de la démence rongeant ces deux êtres. Pas ce soir, non, pas ce soir.
Elle s’approche de lui, glissant la balle dans la poche de son pantalon. Il la regarde faire, son regard ne la lâchant pas. Il s’amusait. Terriblement. Rien ne tournait rond dans cette pièce. Deux amis jouaient de leurs vies, deux amis s’adonnant à une roulette russe vingt milles lieux sous les mers. Chacun trompant la mort devant les yeux de l’autre. Ils touchaient, du bout des doigts, la terrible fébrilité de la vie et son antithèse, la merveilleuse constance de la mort. La constance de la mort. Merveilleuse Constance.
Il porta de nouveau le vin à ses lèvres. Ce vin se mariant à la fin. Elle sentait son âme maintenu par quelques fils fébriles à son corps. La guillotine séparant l’immatériel et le matériel hissé, aiguisé, au-dessus de sa nuque dégagée de tout cheveux. La course de la lame ne serait pas gênée, elle s’abattrait net. Comme une épée de Damoclès prête à tomber.
« Tout ce que nous avons, tout ce que nous sommes, est d’un arbitraire déconcertant. Nous mourons, certains plus prématurément que d’autres. La vie est une course à la mort. Bien peu de personne sont capables de la mener dans les règles de l’art. Ils se mentent alors quant à la nature de la vie, la définissant comme un cadeau, ou en omettant volontairement son inéluctable éphémérité… Il n’y a que trop peu de personne assez forte, assez folle, pour courir vers la mort de toute l’énergie de leur corps, de leur cœur, de leur âme, écrasant la vie et le monde tout au long de leur course… »
Un nouveau sourire sur ses lèvres. Une course à la mort. La démence est son moteur. Le moteur d’une machine tyrannique et incohérente. Une machine destructrice d’âme et de monde. Et son essence, son essence, c’était cette vérité. Celle découverte sur le cadavre de Leona. Les hommes meurent, et ne sont pas heureux. Non, jamais.
Après avoir joué avec sa vie, après avoir fait le pari, ou non, que cette balle unique perdue dans l’une des six chambres du barillet lui perforerait le corps, ou non, l’artiste lui demande son aide. Il sourit, et s’en va s’asseoir dans l’un des fauteuils qui faisait face à une grande fenêtre donnant sur Pelagia, cité démente, cité enfouie, Atlantide vivante. D’un geste de la main, le verre à pied dans l’autre, il l’invite à prendre place dans un fauteuil proche du sien, tourné lui aussi vers les toits et les rues de la ville.
« En quoi puis-je t’aider, Azores ? »
Qu’importe la demande de l’artiste, elle aurait sans conteste l’appui du directeur de Magnus. Il ne lui refuserait rien, à cette femme chez laquelle il trouve un écho à sa propre folie. Et sa résistance serait de plus en plus moindre en fonction du degré de démence de la demande…
Et on peut courir vers la mort à toutes jambes, comme ils le faisaient si bien tous les deux. Azores faisait aller ses jambes jusqu’au bord du précipice, toujours plus près à chaque fois. Elle n’avait plus peur d’y tomber depuis longtemps, elle était prête à accueillir la mort à bras ouvert lorsque celle-ci viendrait… mais ce n’était pas pour maintenant, même si l’artiste avait l’impression de chanceler de plus en plus vers le vide.
Elle prend place sur le fauteuil gentiment offert par le directeur de Magnus. Elle s’y assied de travers, le dos contre l’accoudoir et les jambes jouant dans les airs. Azores eut même un petit mouvement de mains pour replacer sa jupe qui glissait sur ses cuisses. La tête en direction d’Aaron, elle pencha celle-ci vers l’arrière pour lui jeter un coup d’œil.
En quoi pouvait-il l’aider ? La moue neutre de la Maitresse d’Art afficha de nombreuses questions. Ses doigta étaient agités, se croisaient entre eux ou palpaient avec énergie le tissu luxueux du dossier. Elle hésitait à parler. Azores hésitait. Une attitude rare de la femme qui se montrait constamment comme inconditionnelle et sans limite. Sa mécanique n’agissait plus avec autant de fluidité qu’avant. Le doute planait dans son esprit embrumé, comme une remise en question de ce en quoi elle croyait depuis toujours. L’artiste acceptait les pensées et les opinions d’autrui avec facilité. Elle s’accommodait au monde qu’il lui était difficile de pleinement comprendre. Et elle était loin de tout savoir. Une main grimpait dans le cou d’Azores, venait pianoter jusqu’à sa joue. Un long silence et elle se décida enfin à parler :
« Là, tout de suite, que serais-tu prêt à faire pour Leona ? »
Leona, un nom proscrit. Azores n’avait pas peur de le prononcer, et elle savait qu’Aaron y était attaché. Elle n’avait pas demandé de détails, elle ne le faisait jamais mais, pour une artiste qui croyait en l’âme beaucoup plus qu’en le corps, leur relation, les doutes sur celle-ci, ne c’étaient jamais manifesté de manière méprisante, dégoutée. Au contraire, Azores acceptait pleinement que Leona ait amené avec elle dans la mort une grande partie de l’âme d’Aaron.
« Non pas pour qu’elle revienne, juste… pour elle. »
Et à chaque fois qu’elle ouvrait la bouche, elle se tordait un peu plus, adoptant une position inconcevable. L’artiste fixait les yeux du directeur, un regard assombrit par l’Essence, entouré de cils marqués de maquillage noir.
[Je suis dans la "je sais pas où on s'en va" squad]
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Sujet: Re: Hurt me tender, hurt me true ▲ Azores Lullaillaco 03.06.16 15:53 parAaron Dawkins
Même éphémère, la vie reste un présent. Oui, mais un présent qui se fane en passé et s’étiole vers l’avenir. Le despote faisait tourner le rouge carmin de son vin. Un courant se créait dans le verre à pied, un micro-siphon en son centre. Le jus de raisin s’enfonçait dans des abîmes de sang. Il observait cette citée maudite de son regard d’acier. Elle était malade. Elle était perdue. Elle tournait selon les courants, tournait, tournait, emporté par la foule dans une danse de la décadence. Emporté par la foule. Elle se rapprochait du cœur du siphon, se rapprochait du maelström qui la trainerait par le fond comme les tentacules monstrueux du Kraken. Cette force autodestructrice avait une beauté névrotique. We are all mad here. Personne n’est sains cent mille lieux sous la mer. Tout le monde est fou sous l’océan. Tout le monde. Lui, eux, et elle. All.
Elle prenait place sur le fauteuil, d’une manière qui ne pouvait être que sienne. Il vit la jupe glisser sur les cuisses d’Azores, jupe qu’elle replaça alors. Elle pencha la tête vers lui, son regard tomba vers le sien. Ses doigts s’agitèrent, une moue se dessina sur les lèvres de l’artiste. Les sourcils d’Aaron se froncèrent, interrogateur. Il ne l’avait jamais vu hésité pour lui demander un service, il ne l’avait jamais vu hésité pour lui faire une proposition, aussi démente soit-elle. Pas même lorsqu’elle est venu lui demander de lui tirer dessus, d’ouvrir le feu sur elle, devant un attroupement de curieux venu se délecter de l’odeur de la poudre, de la vue du sang, et du bruit de la souffrance. Non, jamais elle n’avait hésité. Pas même ce jour-là.
Le silence se fit long. Trop long. Mais il le laissa vivre, il la laissa prendre son temps. Son regard se perdit à nouveau sur Pelagia, et ses lèvres revinrent gouter l’ambroisie des vignes. Et quand le silence vint à mourir, le nom de sa sœur fut le couperet le décapitant, ce silence. Que serait-il prêt à faire pour Leona ? Un couperet, oui, ce nom était tombé telle la lame d’une guillotine. Sa tête serait tombée, s’il ne l’avait pas perdu depuis longtemps. Leona… sa sœur morte, sa sœur aimée d’un amour incestueux. Cet amour qui avait grandi dans l’ombre, dans l’ombre et dans cet appartement, dans lequel ils avaient vécus tout le deux. Et si il y avait bien deux chambres, il n’y avait bien qu’une seule literie qui fut réchauffé, occupé, souillé.
Leona… Les Dieux lui avaient pris.
Le regard du directeur tomba dans les yeux vagues de l’artiste. Ils étaient assombrit par l’Essence, les siens par l’alcool. Ils étaient de glace, de fer, des lames de poignard s’enfonçant dans les chairs, dans les cœurs, les âmes. Mais, dans les cils marqués de maquillage noir, ils s’adoucirent. A moins que ce ne soit là les effets du spectre de Leona revenant flotter dans cet appartement, autour de lui, une main glissant sur son épaule, sur son torse. Il sentait son souffle froid, son souffle de mort, caresser le lobe de son oreille. Il sourit, détourne la tête pour se perdre dans les eaux faisant office de ciel ici-bas.
Non, il ne pourrait rien faire pour la faire revenir. Mais que pourrait-il faire pour elle ? Que faisait-il pour elle ? Qu’avait-il fait pour elle ? Il était devenu fou de sa mort. Non, il l’était déjà. Son trépas ne fut qu’un catalyseur. Un catalyseur ayant fait exploser cette bombe de démence. Il s’était perdu dans l’alcool et la violence, et s’était retrouvé dans la démence à la suite de cette vérité fondamentale… Il ferma les yeux.
« Rien. »
Une main fantomatique se resserra sur son épaule. Des doigts exerçant une autorité, une pression. Cette paume sur son épaule était un symbole de domination. Des décennies durant, il ne fut que le chevalier servant d’une fille, devenu jeune femme, devenu femme. Chevalier ? Il se souvint des visages massacrés, de son obéissance aveugle, de sa servitude docile. Il ne fut pas un chevalier, il ne fut rien d’autre qu’un chien. Un molosse. Un limier motivé par son amour dément pour sa propre sœur. Un chien. Un molosse. Un limier qui obéissait aux ordres d’une maitresse qui n’avait, parfois, besoin de formuler aucun ordre. Un chien. Un molosse. Un limier.
« J’obéissais aux moindres mots de Leona. J’exauçais la moindre de sa volonté. On me voyait comme un chevalier servant. Il est tentant de me voir ainsi, c’est vrai, mais je n’ai jamais été qu’un chien, un molosse, un limier… Mais Leona est morte, et désormais le chien de chasse n’a plus de laisse, plus de collier, libre de mordre et de déchaîner sa folie canine. »
Son regard revient à Azores. Il tire d’un trait le restant de son verre de vin, verre qu’il repose sur l’accoudoir du fauteuil.
« Je ferais ce qu’elle me demande de faire, j’exaucerais la moindre de ses volontés, obéirais à n’importe lequel de ses ordres. Et toi, que ferais-tu pour celui que tu aimes ? »
Les mots s’étaient enchainés les uns après les autres, sans qu’il ne les maîtrise véritablement, sans qu’il les choisisse réellement, avouant à demi-mot son amour pour sa sœur…
Rien. Quelle curieuse réponse. Absolumment rien. Azores baissa -ou plutôt leva, vu sa position- les yeux, les fermant presque. Ses réflexions continuièrent de plus belle, l’artiste était un peu mélangée entre ce qu’elle entendait et toutes ses interprétations possibles. Aaron s’exprima de nouveau, un rien qui devint finalement quelque chose. La Maitresse d’Art battait des cils dans sa direction. Crispa-t-elle le visage sous ces informations ? Non. Pas d’expression particulière, juste ses deux oreilles tendues, attentives.
Un chevalier servant, un limier, un molosse sans laisse. Azores ne se rappelait pas la dernière fois qu’elle s’était imposée un tel collier, de telles restrictions. Aaron et elle partageait une folie similaire, mais une vision du monde si opposée. L’artiste esquissa un sourire, un peu large pour la situation, mais un sourire heureux. Au fond, elle était heureuse de pouvoir partager ce qui se trouvait dans les méandres de son esprit avec lui. De pouvoir s’exprimer subtilement, de manière confiante. L’homme ne suivait peut-être pas le fil de ses pensées, peut-être même qu’il ne la suivait pas totalement, mais il faisait tout comme. C’était… d’un léger réconfort.
Sur son siège, la femme se déplaça, se tortilla sur elle-même pour ramener sa tête à l’endroit. Ses jambes étaient un peu placées n’importe comment, à la façon d’une personne qui ne sait pas utiliser un fauteuil correctement, mais elle était confortablement positionnée, alors elle n’en faisait qu’à sa tête. Et ce n’était pas Aaron qui allait la juger pour ça.
« Ce n’est pas de l’amour, ça. C’est de la passion. Pure et brute. »
Et lui savait quelle importance la Maitresse d’Art accordait à la passion. Elle était la source de toute chose, une émotion véritable. L’amour ? Ce n’était que de l’asservissement romancé. Pourtant, Aaron semblait avoir été asservi par Leona. Avoir été amoureux de Leona. Une passion toute dirigée à l’intention de la jeune femme décédée. Et maintenant cette passion était libre, libre ! Et Azores se délectait d’en être témoin.
« Une journée, j’ai eu une nouvelle idée pour une performance artistique et… » Elle fronça les sourcils, ses yeux ne se détachaient pas de ceux de l’homme mais… c’était comme si elle ne le voyait pas, comme si elle parlait seule. « J’ai pensé à ces yeux noirs qui s’inquièteraient et… J’ai oublié l’idée. Elle s’est effacée. »
Un soupir s’échappa de ses lèvres rouges. Azores Lullaillaco était contrariée.
« Je ne peux me laisser contraindre de la sorte, c’est pour ça que je te demande ton aide, Aaron. »
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Sujet: Re: Hurt me tender, hurt me true ▲ Azores Lullaillaco 18.06.16 15:33 parAaron Dawkins
Pas d'amour, de la passion. De la passion pure et brute...
Le spectre de Leona s'évaporait lentement. Sa main glissait de son torse jusqu'à son cou, une caresse funèbre, puis elle rejoignit un éther. Elle partait. Elle partait mais il retrouverait son fantôme au cœur de la nuit, lorsqu'elle se glissera sous les couvertures, lorsqu'elle se glissera contre lui, lorsqu'elle se blottira contre lui. Ses mains froides retrouveront cet épiderme brûlante de démence, et il se délecterait de ce doux parfum de formol. Toute la nuit durant. Il dormirait au côté d'un fantôme. Un fantôme trop fantôme. Une illusion naît de son esprit, création d'un mauvais diable qui lui faisait voir la défunte là où elle ne pouvait être. Chaque apparition laissait au tyran un goût amer dans l'âme. Mais l'amertume était préférable au néant. L'amertume plutôt que le vide, n'importe quel sentiment plutôt qu'aucun sentiment. La peine, la démence, la rage, la passion, plutôt que le vide.
Azores avait certainement raison. Ce n'était pas de l'amour, c'était de la passion. Une passion que la mort avait transfiguré en salpêtre coulant dans ses veines.
Il quitta le fauteuil. La violence de son amour devait plaire à l'artiste. Aurait-elle aimé le voir massacrer les visages de ces hommes rôdant de trop près autour de sa sœur ? Aurait-elle aimé voir le sang couler le longe des visages qu'il avait martelé de ses poings ? Ses jointures trahissaient ses années passées à la milice, mais aussi ses excès de rage. La violence de son amour, la violence de leur amour. Un mégot écrasé sur une toile de velours. La toile brûlait. Le torrent s'écoulait de toute sa force, libéré des berges qui le retenait. Il sortait de son lit pour inonder les champs, pour balayer les hommes, renverser maisons et immeubles.
Ce spectacle lui plaisait-elle, à cette artiste ?
Il attrapa la bouteille de vin restée dans la cuisine, porta le goulot à ses lèvres pour en tirer un long trait de nectar carmin. Leona. Parler trop longuement de sa sœur, de son amour, l'affaiblissait. Mentalement, et psychiquement. Il se sentait le besoin de remonter la pente, de reprendre des forces pour ne pas que le marbre s’effrite. Lorsque l'acier de sa lame s'émoussait, il l'affûtait avec l'alcool. Leona demeurait son talon d'Achille, son armure se forgeait dans l'ivresse. Derrière chaque homme se cache un ivrogne.
Il revint au fauteuil, reprit place près d'Azores. Il remplit de vin les deux verres, à nouveau. La bouteille se vidait, rapidement. Leurs yeux se retrouvaient les uns les autres, mais elle ne le regardait pas. Le regard de l'artiste, bien que croisant le sien, ne le regardait pas. Elle ne le regardait pas et elle parlait seule. Comme si il n'existait pas. Son visage et ses yeux étaient emplis de vague, et elle ne se dévoilait que davantage. Sa demande apparut enfin, sans voile.
Conserver son indépendance.
Il avait vécu une majeure partie de sa vie avec un collier autour du cou. Mais, de laisse, aujourd'hui, il n'en avait pas. Il n'en avait plus. Il était ce loup sauvage lâché dans Pelagia, et Azores, menaçé par l'entrave amoureuse, avait peur de ne plus être libre. L'entrave amoureuse...
« Beaucoup te ferait de joli discours mielleux sur le pouvoir de l'amour, le bonheur qu'il nous procure... mais le fait est que l'amour est une déchéance. Un chien de l'enfer. Nous nous accoutumons tout simplement plus ou moins bien à la présence de ce chien infernal qui, coûte que coûte, contraint notre liberté individuelle. »
Il bu une nouvelle gorgée de vin. Sa liberté, désormais, était libre et entière, devenant fureur destructrice. Elle a fait souffrir, cette liberté, fait toujours souffrir, et fera toujours souffrir. Un sourire vint sur les lèvres d'Aaron, trahissant un amusement flirtant avec le sadisme et la démence.
« Mais tu te trompes si tu penses pouvoir être libre sans faire de mal. Nous n'avons pas tellement de façon de prouver que nous sommes libres. On est toujours libre au dépens de quelqu'un. C'est ennuyeux, mais c'est normal. »
Son regard revint à la jeune femme.
« Aimes, si le cœur t'en dit. Mais si tu dois aimer et que tu désires tout de même être libre, il va te falloir être prête à l'être au dépens de celui que tu aimes. »
Un silence s'installe. Aaron se redresse sur son fauteuil, se tournant d'avantage vers Azores.
« Sauf si tu attends de moi davantage que de simples conseils. Après tout, je suis à la tête de Magnus : si tu désires que ce chien de l'enfer disparaisse avant qu'il ne puisse te mordre, c'est parfaitement envisageable. »
Beaucoup lui ferait un joli discours, et ce n’était pas ce qu’elle désirait. Elle en parlait à Aaron, car elle savait que ses mots seraient différents. Ils n’étaient pas portés par le conditionnement constant du peuple, celui que l’amour est le but ultime à atteindre. Lui, contrairement aux autres, ne voyait pas l’amour d’un bon oeil. Ou du moins ce n’était plus le cas. Azores était incroyablement passive, elle était rebuter par l’idée de tuer, de blesser dans le simple but de faire mal. Pourtant la violence faisait partie de sa vie, de ses performances et des coups de pinceaux sur ses toiles.
Elle l’écoutait. Il avait raison, pourquoi ne pas juste laisser les sentiments se tisser ? Ses mains s’agitaient, tapotaient l’accoudoir du fauteuil, créait un bruit sans rythme, irrationel. Elles s’arrêtèrent seulement aux dernières paroles du directeur de Magnus. Azores écarquillait les yeux, surprise.
« Non ! Laisse-le vivre. » S’exclama-t-elle de sa voix grave, animée plutôt qu’endormie par l’Essence. « Qui suis-je pour brimer quelqu’un d’autre ? N’importe qui d’autre. »
La pensée d’Azores se heurtait à celle d’Aaron. On ne pouvait être libre qu’au dépens d’un autre. L’artiste vivait au jour le jour, sans chaine ni laisse, à son propre rythme, et ne croyait pas que cela puisse blesser qui que ce soit d’autres. Mais elle comprenait que si elle tombait pour une autre âme, elle devait se limiter. Se limiter et se mettre des conditions. À moins qu’Abraham se montre tout aussi libre qu’elle. Sans promesse ni lendemain, comme la première fois. Son absence ne lui pesait pas, mais sa présence la ravivait un peu.
Agitée d’Essence, elle se déplaça à nouveau. Un peu plus près d’Aaron, incapable de demeurer immobile.
« Suis-je appeurée ou égoiste ? Son désespoir m’a inspiré, tout comme le tien. Toute cette colère, ces questions, ces yeux qui cachent quelque chose... »
Un monstre. Ces yeux qui cache un monstre. Azores baissa la tête, laissant ses cheveux retomber autour de ses épaules. Elle se leva et se positionna devant l’homme. Doucement, elle lui enlève sa coupe de vin presque achevée pour la poser sur un meuble tout près. Elle arborait une expression douce, vide, délicate, perdue, alors qu’elle attrapait ses larges mains couvertes de sang pour le tirer, pour l’inciter à se lever.
« Tu m’aides beaucoup avec... » Elle lâche une de ses mains pour pointer maladroitement sa tête. Ses idées, délires, à verbaliser ce qui se tramait dans son esprit. « C’est très valeureux, tu ne trouves pas ? » Azores fait un pas derrière pour mieux le regarder. Valeureux, pour elle. Sadique, pour les autres. Un sourire s’élargissait peu à peu. « Montre-moi la liberté, Aaron. Mais pas de sang, pas aujourd’hui. »
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Sujet: Re: Hurt me tender, hurt me true ▲ Azores Lullaillaco 03.07.16 14:52 parAaron Dawkins
L'éclat de cette voix féminine lézarda sur la bouteille de vin, les verres à pieds, le gramophone, le sol, les murs et le plafond. Il imprégna chaque pierre, chaque meuble, et les vitres les séparant des entrailles de Pelagia. Comme un rugissement, un ordre, qu'on lui crachait au visage avec une puissance despotique. Laisse-le vivre. Un sourire vint étirer les lèvres du directeur de Magnus. L'amour est un chien de l'enfer qui avait déjà mordu la belle artiste. Désormais, elle oscillait entre la tentation d'apprécier l'ardeur du spectre des crocs contre sa chair, et l'instinct de fuir cette mâchoire qui avait fait couler le sang de son être. Un écartèlement entre la tentation et l'instinct, le cœur et les entrailles, les sentiments et la survie. L'amour et la liberté. Dans les mots d'Aaron, les deux semblaient devenir antithèse. Ou plutôt, l'un semblait exclure l'autre. La liberté est une épouse capricieuse, une femme jalouse et exclusive qui n'aime pas l'amour. L'amour a tendance à la contraindre, à l'aliéner, et l'espace de la liberté se réduit considérablement. L'amour est ce feu, ce maillet, qui tord et forge le fer, fait de l'épée une chaîne qui entoure les chevilles et nous fait marcher qu'au rythme d'une cacophonie métallique insoutenable.
La liberté doit alors l'emporter sur les sentiments. Et ainsi nous sommes libre, véritablement libre, au détriment d'autrui, toujours.
Azores ne semblait pas de cet avis, mais les mots du despote faisait trembler ses fondations. Leurs deux pensées entraient en collision, comme deux astéroïdes se rencontrant sous l'océan. Tirant une nouvelle gorgée de vin, il observait du coin de l'oeil les doigts de l'artiste qui s'agitaient. Si elle n'était personne pour brimer autrui, comme elle l'affirmait, personne n'est en droit de la brimer elle. Qui était-il, ce chien de l'enfer ? Quel était le visage de cette masse informe qui enserrait Azores dans les ténèbres ? Le vin coula en lui, laissant derrière lui les arômes du raisin. Les yeux de Magnus s'ouvriraient. Chaque mur était une oreille, chaque réverbère un œil. Il y aura un dossier. Un nom. Une photographie. Sous peu.
« Tu es apeurée et égoïste, mais contrairement à ce que l'on veut nous faire penser, il n'y a aucun mal à l'être. La peur n'est qu'un mécanisme de survie, et le narcissisme un mécanisme de vie. Avoir peur et être égoïste, il n'y a rien de plus rationnel, rien de plus sage. »
Mais lui n'était pas sage, lui n'était pas rationnel. Il était un golem animé par une mécanique démentielle. Une mécanique qui n'avait rien de logique, rien d'ordonnée. Il était chaos qui, naturellement, échappe à la logique. Il n'avait pas peur. Et quand à l'égoïsme... il était trop détraqué pour penser à sa propre conservation. Combien de fois avait-il imaginé sa mort ? Parfois même il l'avait fantasmé entre les mains de cette femme, cette femme qui lui faisait face, cette femme qui attrapait ses mains de tyran pour l'attirer à elle.
Il se leva. Il la dominait de quelques vingt centimètres. Le vin commençait suavement à grignoter son esprit.
Valeureux ? Aaron avait pour jeu de pervertir les valeurs. Beaucoup s'accorderait pour ne pas dire du despote qu'il est un homme valeureux. Azores l'affirmait, et il arbora un sourire, ce sourire ambiguë, ce sourire qui craquer comme une fissure déchirant la glace, qui avait pourtant une certaine chaleur. Une chaleur qui se faisait écho de celle que l'on trouvait sur les lèvres d'Azores, ses lèvres étirées en un sourire également.
Montre-moi la liberté, Aaron. Mais pas de sang, pas aujourd'hui. Les contours de la silhouette d'Azores étaient dessiné par les lumières nocturnes de Pelagia. Derrière elle, la ville, ses bâtiments, sa faune, sa démence.
« La liberté ne s'exprime pas toujours en lettre de sang. »
Son bras s'enroula autour de la jeune femme qu'il rapprocha de lui. Il la plaqua contre son torse, avec une force qui n'est pas dénuée de chaleur, de tendresse. La caresse des écailles reptiliennes sur l'épiderme brûlé par le soleil, un serpent s'enroula autour d'une cheville avant d'y planter ses crocs. Ses crocs, comme des lèvres qui en rencontrent d'autres. Comme un baiser. Comme une morsure. Au parfum épicée de la jeune femme se mêlait le musc corsé de son odeur. Et il l'embrassait, alors que le gramophone déraillait après avoir joué la dernière piste du vinyle. Un baiser mûrissant et mourant dans un silence morbide.
Et lorsque ses lèvres se détachèrent de celles d'Azores, il avait encore la chaleur de la femme contre lui. Il ne la relâcha pas, murmura simplement pour ne pas trop déchirer au couteau les chairs délicates de ce calme qui les étouffait.
« Elle peut cacher le fer de sa main dans un gant de velours. »
Et la liberté explose du détriment d'autrui. Comme un attentat à la bombe. Les lèvres d'Azores souillées par la démence. Ce sanctuaire profanée par des lèvres qui se rencontrent. Et le dos d'Aaron que la défunte, par vengeance, transforma en pyrogravure.
Elle se heurta a l’homme beaucoup plus grand et beaucoup plus large qu’elle. Une brusquerie digne de lui, physiquement menaçante pour le commun mortel qui ne se pose pas de questions sur ce qui l’entoure. Azores ne saurait prédire les gestes de l’homme. Il pouvait aussi bien l’attirer que la repousser, au fil de ses envies. L’amener près de lui était peut être une façon de l’éloigner de ce qui la brimait, de ce qui emprisonnait sa précieuse liberté. Et si Aaron remplissait son esprit d’autres choses que ces chaines dont elle se plaignait, elle finirait par oublier ce qui la retenait au départ.
Et Azores, qui avait aggripé les bras qui l’enserraient, ses doigts les tenant fermement au travers le tissu de son vêtement. Le bruit du gramophone à la fin de sa musique grinçait à ses oreilles, créait une atmosphère étrange. Une ambiance inquiétante dans laquelle l’artiste se laissait emporter, ses yeux sombres rivés sur le grand homme à la démence si intriguante. L’absence de sang ne signifiait pas l’absence de violence, après tout. Et qui voudrait se retrouver avec Aaron Dawkins dans ces moments ambigus, où même l’artiste ne savait pas si elle se ferait embrasser à nouveau ou s’il répondra avec une seconde brusquerie. La folie n’avait ni queue ni tête, et le sentiment de s’abandonner à quelque chose d’aléatoire et d’incertain animait Azores.
La Maitresse d’Art arracha sa poigne au bras du directeur et posa la paume de sa main sur son visage sévère. Elle cacha ses yeux, le privant de l’un de ses sens. Elle se colla un peu plus contre le mur qui lui servait de corps. Incapable de demeurer totalement immobile, les minces bras d’Azores tremblaient. Ils tremblaient pour la même raison que ses mains ne cessaient jamais de s’agiter, pour la même raison que ses yeux semblaient si souvent vides.
« De tous les sens la vue est le pire. Ferme les yeux, et ne bouge que si tu en ressens l’envie. »
Azores dédaignait l’idée de blesser qui que ce soit et Aaron le savait. C’était sans doute le seul qui comprenait que l’artiste s’affligeait violence non pas par tristesse ou manque de confiance, mais bien par passion. Le corps humain avait la possibilité de ressentir une panoplie d’émotions, d’état. Dès la plus tendre enfance il était conditionné à réagir à certaines situations plus qu’à d’autres. Azores se servait d’Aaron pour brouiller tout cela.
« Et surprends-moi. » Chantonna-t-elle sur un ton enjoué. « Inspire-moi, marque-moi plus profond que ces yeux noirs. »
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Sujet: Re: Hurt me tender, hurt me true ▲ Azores Lullaillaco 18.07.16 23:00 parAaron Dawkins
Le vieux vinyle ne tournait plus. Le gramophone ne jouait plus la moindre musique. Dans un silence funeste, alors que les ongles de l'artiste n'étaient plus loin de percer sa chemise, sa peau, sa chair, ses os, il avait prit ses lèvres tremblotantes des siennes. Il l'avait embrassé, faiblement éclairé par cette lumière tamisée, par les lumières de la ville. Il l'avait embrassé au détriment de cette ombre qui poursuivait Azores. Il l'avait embrassé au détriment de ce fantôme qui le hantait depuis des années. Mais il n'y avait rien. Pas d'amour. Pas d'émotion. Pas de sentiment. De la sensation peut-être. De la liberté surtout. Cette liberté qui vient à aliéner le propre corps de la jeune femme. Cette liberté qui fait voler en éclat son intimité, comme la muraille d'un château de carte sous les canons. Quelques secondes. Volatiles. Quelques secondes, tout au plus. Et ils se déconnectent dans le même silence, dans la même pénombre, dans les même lumière de cette ville qu'ils surplombent tout deux. Elle se laissa chahuter par la violence de sa liberté, par sa démence. Elle était cette barque ballottée par les flots d'un océan déchaîné. Aaron était ce prince travestissant toute valeur en horreur, en terreur, par la force tyrannique d'une logique implacable, d'une logique illogique, d'une logique libéré des chaînes du convenable. Il était l'aléatoire, l'insondable, le surprenant, l'inquiétant. Il était le Dément. Le dément en quête d'Absolu.
Un prince, oui, qui plonge dans le noir quand la jeune femme dépose sa paume sur ses yeux. De tout les sens, la vue est le pire. La phrase s'encra en lui. Le pire de tous ? Un sourire étira ses lèvres, fêlure sur un verre de vin. Un vin qui, d'ailleurs, habitait ses veines, son esprit, son cœur. Les contours du fantôme de Leona devenait flou. Le spectre n'était pas gravé à l'intérieur de ses paupières. Mais il était toujours vivace, et jaloux. Jaloux comme il l'avait si souvent été auparavant.
Ne bouge que si tu en ressens l'envie. Il aurait pu rester ainsi dans le noir, la nuit durant, à laisser ses pensées dériver sur les rivières du vide, sur les canaux des ténèbres, avec la voix d'Azores comme conducteur de barque. Laisser sa déraison parcourir les eaux d'une Venise décadente et malade. Une Venise à la démence Wagnerienne. Mais il n'y eut pas de barque. Pas d'eau. Pas de rame. Surprends-moi. Inspire-moi, marque-moi plus profond que ces yeux noirs.
Son sourire se fit plus grand sur ses lèvres. Quelques unes de ses dents se dévoilaient. Il avait quelque chose d'inquiétant. Quelque chose de dément.
Azores entretenait une relation complexe avec la douleur. Lui aussi. Il aimait avoir mal, il aimait souffrir. Il était un masochiste plus qu'un sadique, bien qu'il trouvait une complaisance dans chacun des deux rôles. Sa main caressa le bras d'Azores, remontant lentement jusque son épaule. Sans rien voir, il parcourait cet épiderme, ces muscles, ces os. Sa paume entoura cet épaule. Le tissu de la robe, il le repoussa. Il glissa sur le bras de la jeune femme. Il pouvait davantage profiter de cette peau contre la sienne. Cette peau qu'il parcouru jusqu'à cette nuque. Une nuque de plus à couper, pensait-il. Une nuque de plus. Cette même pensée lui venait à chaque nuque qu'il parcourait. A chaque nuque qui se dévoilait. Et cela le faisait sourire, au fond de ses tripes. Ses doigts continuèrent de glisser sur cette gorge, sur ses clavicules. Il effleurait la naissance de ces seins, avant de faire remonter sa main... cette gorge...
Inspire-moi, marque-moi plus profond que ces yeux noirs.
D'un mouvement, sans douceur, il la plaqua contre le premier mur se présentant. Un tableaux manqua de tomber sur le parquet. Cette main était toujours sur ses yeux qu'il avait, de toute manière, clos. Il revint contre elle. Et ses doigts enserraient ses gorges, l'étranglait. Marque-moi. Marque-moi. Il serra un peu plus cette gorge. Il sentait le sang pulser dans ces jugulaires. Et le souffle gonfler et dégonfler ce corps, et l'air manquer. Son visage se perdit sur cette épaule qu'il avait dénudé, et qu'il commençait à embrasser. A embrasser, à mordre. Et à suçoter. Marque-moi. Il laisserait une trace violacé sur cette peau. Deux traces violacés. Autour de ce cou, comme une corde. Sur cette épaule, comme une balle.
En l'étranglant, il retrouvait des sensations qu'il avait oublié depuis. Et du salpêtre se mêlait à ce sang, à ce vin, qui habitait ses veines.
Le despote lui faisait ravaler ce ton enjoué, cette chanson, avec laquelle elle avait prononcé ces mots. Ces mots qui encourageait le chien déchaîné qu'il était à mordre. A répandre le chaos. Inspire-moi. Marque-moi. Surprends-moi. Il la faisait souffrir, se pressant contre elle. Et sa bouche libéra sa chair. Et ses doigts, son cou. Le souffle pouvait à nouveau traverser ce corps. Et si la paume d'Azores avait quitté ses paupières, il ne voyait toujours rien. Ses yeux étaient toujours clos. La vue était le pire de tout les sens. Il lui restait l'odorat, le toucher, le goût, l'ouïe. Le parfum épicé de l'artiste, la chaleur de sa peau contre la sienne, les saveurs de sa chair entre ses dents, les mélodies de ses complaintes naissantes...
Il restait droit, aveugle, sans un mot, comme un golem.
Faites-moi souffrir C'n'est pas si dur et c'n'est pas pire Que de parler pour ne rien dire Et ça m'inspire !
La douceur était ce que la majorité recherchait. Partager une caresse ou une tendresse était quelque chose de désiré. De répandu. Azores ne dédaignerait pas un geste délicat à son égard, elle les appréciait, comme tout le reste. Cependant, pour une femme telle qu’elle, qui a exploré trop souvent au-delà de ses propres limites, ce que l’on appelait couramment plaisir avait grandi différemment. Son plaisir était la douleur. Des bleus douloureux, une plaie tracée toute en finesse ou les frissons ainsi que les sursauts qui parcouraient son dos jusqu’à remonter à ses bras. L’artiste entreprenait peu de relations, mais nombreuses furent celles qui se répétèrent. Les mêmes gestes posés, les mêmes petites attentions. Peu étaient ceux qui avaient réellement réussis à la surprendre, qui avaient réveillé son esprit endormi.
Mais Aaron… Aaron n’était pas son amant, il n’avait pas besoin de l’être. Il avait suffit d’à peine quelques mots pour les lier, malheureusement. Grande créatrice de Pelagia, Azores avait vu en le directeur de Magnus un alter-égo fasciné par la destruction tout autant qu’elle. Il partageait cette curiosité qu’elle trouvait chez trop peu de personne… Elle partagea le sourire inquiétant de l’homme. Voila, encore une fois, il avait compris. Et si elle ne se languissait pas déjà de la suite, elle aurait peut-être échappé un petit rire. Aaron possédait la force de la briser en mille morceaux, l’une des choses dont elle était pleinement consciente et elle l’aimait pour cela.
L’artiste, à son tour, ferma les yeux. Elle se concentra sur sa large main qui remontait lentement sur son bras. Délicatesse ou sauvagerie ? Plus sa main tremblait, plus elle la retenait contre le visage de l’homme tourmenté. Sa jolie robe commença à tomber et elle sentit l’air, son souffle, le sien, contre sa peau blanche discrètement tachetée. Elle demeurait inactive, passive mais agitée par la drogue, par ce qui avait imprégnait violemment ses veines.
Et la surprise, la première, la frappa aussi violemment que son dos contre le mur. Le coup de son corps lui coupa le souffle puis le heurt de sa tête brouilla sa vue. Elle se perdit le temps de sentir sur sa gorge les doigts puissants d’Aaron qui venaient l’étrangler. Sa trachée émit quelques craquements et ses muscles se crispaient sous la force qu’il exerçait. Son coeur allait de plus en plus vite, et l’air cessait de circuler. Azores, par instinct, se mit à chercher de l’air, à expirer du plus fort qu’elle le pouvait, bruyamment, douloureusement. Ses mains prirent brusquement la poigne de l’homme, l’aggripèrent de maigres forces. Pour l’encourager plus que pour l’arrêter. Et la violence qui oppressait sa gorge s’harmonisait parfaitement avec les baisers qu’il posait sur sa chair. La douceur de ses lèvres juste avant que ses dents ne tentent de perforer sa peau.
Relâchement. Ses jambes tombèrent au même instant qu’il retira sa poigne de sa trachée. Les conséquences commençaient à se manifester. Après une expiration trop grande, elle se mit à toussoter. Des points noirs et bleus marins obstruaient sa vue et si ce n’était pas qu’il la tenait étroitement contre lui, elle tomberait. Sa respiration était irrégulièrement et agressive. Azores avait de nouveau senti son âme au bout de sa bouche rouge. De ses yeux vitreux s’échappèrent quelques gouttes qui répondaient aux violences d’Aaron, mais qui ne signifiait en rien de la tristesse, encore moins de la peur.
Quand elle réussit à reprendre un minimum de conscience, elle ouvrit bien grands les yeux. Eet ils fixèrent avec folie l’homme qui ne la voyait plus. Du plus fort qu’elle le put, Azores serra son poing engourdi et le leva brusquement pour le cogner sur la pommette du directeur. Aussitôt, jaillit de ses jointures, un éclat de douleur. Sa structure faciale était beaucoup plus solide que ses mains abimées. Dans les jours à venir, chaque coup de pinceau donné se ferait en tremblotant. Sans vraiment de délai, elle attrapa le visage qu’elle venait de frapper et, tout en tressautant, habitée de spasmes légers, posa ses lèvres dont le rouge s’estompait et s’étendait contre la bouche d’Aaron. Si douces, mais remplies de tant de démence. Délicates, mais malsaines.
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Sujet: Re: Hurt me tender, hurt me true ▲ Azores Lullaillaco 24.07.16 12:21 parAaron Dawkins
Les yeux grand fermés. Il n'y avait que les ténèbres. Les ténèbres, et les ombres, et un peu d'obscurité. Des nuances de noirs. Aaron ne vit rien d'autre. Que des nuances de noirs, et pas l'éclat de ce fragment d'âme qui glissait entre les lèvres d'Azores, pour quitter ce corps faible qu'il étranglait de ses doigts. Il frissonna pourtant, abreuvé de ces plaintes, de cette souffrance, de ces tremblements. De la précarité de cette vie, de la précarité de la vie. Caligula coupant les nuques, Aaron étranglant les gorges. Et lorsqu'il relâcha la jeune femme, elle retomba. Ses jambes n'avaient plus la force pour tenir sous son poids. Elle tomba. Haleta. Inspira de grand bol d'air. Elle était ce cocaïnomane tirant de grande ligne après des jours de manque. Nous sommes tous shooté à l'atmosphère. L'être humain est un junkie de l'oxygène. Il en vivait, il en crevait. Elle avait faillis en crever. Quelques secondes de plus, et après que sa trachée ai une nouvelle fois craquée, ses poumons n'aurait plus travaillé, son cœur aurait déraillé, et son esprit halluciné. Quelques soubresauts, et cette poigne qui l'invitait à la maintenir ainsi, contre ce mur, avec ses doigts sur sa gorge, se serait fanée, comme ce corps animait par la souffrance et la douleur. La cadavre de la maîtresse d'art serait né dans son appartement. Et son fantôme, peut-être, aurait pu tenir compagnie au spectre de Leona qui le poursuivait depuis tant d'année. Jusqu'à ce que justice soit faîte, comme elle le fut pour sa sœur et amante.
Il avait imaginé ce cadavre sur le sol de son appartement. Les yeux clos, il ne voyait pas simplement les ténèbres.
De longues minutes de silence durant lesquelles son esprit vogua, planant sous des brises fantasmagoriques. De longues minute de silence durant lesquelles Azores reprenait son esprit. Elle portait, autour de son cou, la marque des doigts du golem, et sur l'épaule, celle de ses dents, de ses baisers. En contrepartie, sur sa pommette se grava les phalanges féminine d'Azores. Ce petit poing de femme s'écrasa sur son visage. Il ne l'attendait pas. Il ne l'avait pas pré-sentit. Les yeux clos, il n'avait pas vu venir le coup. Il recula d'un pas, il s'inclina légèrement sous le choc. La douleur s'élançait sous son épiderme. La douleur gonflait sa joue. Un feu se répandait. Il adorait cela. Il frissonna. Un sourire en coin vint sur ses lèvres. Et ses yeux s'agrandirent, comme exalté, même sans essence, ni alcool. La douleur suffisait. La souffrance. La peine. Il aurait voulu lui en demander encore. Lui dire qu'il avait mal, et qu'il en voulait d'autre. Qu'il voulait à nouveau que ce petit poing de femme s'éclate sur la gueule du molosse qu'il était, sur la glace de l'iceberg, sur le macadam de l'autoroute vers la décadence, vers l'Absolu. Mais pas un mot ne franchis ses lèvres que de pétales se déposèrent sur elles. Elle l'embrassait. Le cognait, et l'embrassait. Elle était le feu, qui brûlait et cajolait. La plume et le plomb. La lame et l'onguent. Et il en voulait plus. Il en voulait encore plus.
Alors il la décrocha de terre, soulevant ses jambes, l'invitant à grimper sur lui. Et il lui fit rencontrer, à nouveau, ce mur, contre lequel ce dos vint se heurter, encore. Ses doigts agrippaient ses cuisses, se glissant sous les pans de cette robe, déformant sa chair entre ses phalanges. Comme un fruit trop mûre que l'on éclatait dans sa main. Comme un verre qui se brise et entaille l'épiderme. Et ses lèvres revint sur les siennes. Il l'embrassa à nouveau, plus fougueusement sans doute. Et pourtant, il n'y avait nul sentiment sur ses lèvres. De la chaleur, mais pas d'amour, pas de tendresse, pas de pitié. Il n'était animé que par un instinct puissant de destruction. Il s'élançait comme il s'élançait après la lune, après l'impossible, après l'infini, l'univers, la mort. Et peut-être cherchait-il tout ça. Peut-être cherchait-il autre chose que la souffrance, l'animalité. La mort. L'infini. En Azores.
Tout partait en vrille, en quelques minutes, et cela semblait incohérent. Étrange. Improbable. Mais il n'y a encore que le probable qui est improbable pour des esprits malades, des esprits déments. Les « vraisemblablement » et autre « peut-être » sont plus incertains que l'incertitude, que les « jamais », pour eux. Et il l'embrassa, en faisant remonter le pan de sa robe le long de ses cuisses, et en croquant cette nuque qui s'offrait à lui. Sans sensualité, mais avec appétit.
« Tu es tarée, Azores... »
Mais il était tout aussi fou. Si ce n'est davantage.
Incroyable comment Azores semblait respecter un fantôme qu’elle ne voyait ni ne sentait. Le coup qu’elle avait porté ne laissera qu’une marque temporaire, une rougeur un brin bleutée qu’il se plaira à expliquer -ou pas- à ses collègues le lendemain. Incroyable comment l’artiste avait accepté, sans même sourciller, sans même y penser, la relation houleuse et hors-norme qu’Aaron lui avait décrite plus tôt. Les âmes ne possédaient pas de parenté, après tout et Azores leurs accordait beaucoup plus d’importance qu’au corps en lui-même. Oh, lui aussi, n’était pas à négliger, mais il était plus un vaisseau, une cage. Le cerveau, c’était l’âme. Elle qui liait les gens ensemble. Tant pis s’ils s’adonnaient malheureusement à être de la même famille.
Il n’y avait pas d’amour, car l’une des horribles conditions de l’amour était de ne pas blesser. Hors, Aaron et Azores ne faisaient que cela, s’attaquer. Entre deux baisers. Des gestes brutaux. C’était de la passion, évidemment ! L’artiste n’aimait pas qu’on les méprenne. L’amour était ridicule, elle apportait si peu. La passion était à l’origine de tout. La passion poussait à créer et à détruire. L’amour poussait à la honte, un sentiment qu’Azores ne connaissait pas, mais qu’elle aurait pu ressentir mainte et mainte fois depuis sa rencontre avec le golem. Mais non.
Ses pieds quittèrent le sol en se donnant un petit élan et ses cuisses se serrèrent contre les hanches d’Aaron. Ses larges n’hésiteraient probablement pas à détruire non seulement sa peau, mais également ses bas de nylon. Tant pis. Sentant son corps porté vers l’arrière, elle pencha la tête devant pour éviter que celle-ci se heurte au mur aussi violemment que ses omoplates. Souffle coupé, encore, qui s’exprima en une plante aigue, coupée par la bouche de l’homme qui ne semblait pas vouloir qu’elle respire. Tant pis. Elle continuerait à ressentir les choses de travers, de ses bouts de doigts engourdis, les tâches noires qui obstruaient sa vision. Azores ne voyait plus très bien depuis des années, de toute façon. L’inquiétude devrait naitre en elle, à chaque fois qu’elle allait à la rencontre d’Aaron. Il était cinglé, violent. Il était dénué de culpabilité face à la vie et à la mort et il n’avait pas hésité à l’étrangler. Les Dieux savaient, tout comme elle, qu’il se réjouirait d’avoir son cadavre sur le sol de son appartement. Cependant, elle restait là, les trippes serrées par l’extase et tout ce qui faisait d’elle… une tarée. Avec l’un des seuls voire le seul qui acceptait de la maltraiter comme elle le désirait. Le seul qui partageait la passion pour la destruction.
Elle tira violemment sur les cheveux de l’homme pour éloigner sa tête de sa chair, pour l’avoir en face d’elle. Tarée. Pourtant, elle, elle se trouvait plus ou moins normale. C’était les autres, qui s’en faisaient pour un rien, qui s’imposaient des barrières. Elle était la même chose qu’eux, mais sans rien pour la retenir. Sans l’hypocrisie. Azores prit un temps pour le regarder, admirer son insolence, le contempler. Dans une voix douce, un chuchotement légèrement exténué, elle murmura :
« Pourquoi ? Parce que j’accepte que la destruction soit une partie intégrante de ce monde ? Parce que je n’ai pas honte d’avouer que j’apprécie ton désespoir et ta brutalité ? »
Elle leva un sourcil, adoucit sa prise sur ses mèches blondes. Brusquement, elle détourna la tête et poussa quelques toussottements. Sa voix était plus rauque, abimée. Azores put apercevoir, sur son épaule, les traces que l’homme avait laissé. Des bleus des marques de dents… des marques de dents ? Elle esquissa un faible sourire, un souvenir. Sa tête bougeait lentement, ses pensées l’avait emmenée loin, pendant un moment. Trop loin. Au point ou quand ses yeux revinrent sur le golem, elle exprima de la surprise, mais pas pour bien longtemps.
Son sourire changea, pensant d’un doux rictus à de l’excitation, l’envie de destruction. Ses jambes s’enroulèrent autour d’Aaron pour avoir une prise plus solide sur lui. Ses mains rejoignirent rapidement son larges cou, ses doigts se plantèrent dans sa chair pour l’étrangler, comme il l’avait fait avec elle plus tôt. Ses sourcils c’étaient froncés, elle forçait. Elle n’était pas aussi puissante que lui, mais ses ongles sauraient compenser. Quelques secondes et ses mots, plus forts, agités, s’élevèrent.
« J’ai voulu lui montrer son âme, serrer son cou jusqu’à ce qu’il s’effondre. »
Elle lui avait serré sa gorge, à Abraham. Avec peu de conviction, à peine deux secondes. Alors qu’Aaron, elle le tenait autant qu’elle pouvait. Elle se sentait insulté, de pouvoir le blesser lui, mais que l’autre… L’autre, non.
« Mais… j’ai eu peur qu’il le prenne mal… »
Elle échappa la gorge de l’homme et se recula, se cognant violemment contre le mur derrière. Quand elle sembla se reprendre, ses doigts s’attaquèrent à la chemise du directeur. Elle la baissa, dégageant ses épaules larges, le torse fort que l’on s’attendait à voir de celui qui s’occupait de la sécurité de Pelagia.
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Sujet: Re: Hurt me tender, hurt me true ▲ Azores Lullaillaco 03.08.16 23:08 parAaron Dawkins
La destruction. L'abolition du monde autour de lui. L'abolition de ce qu'il est, de ce qu'il fut, de ce qu'il pourrait être. De courir vers l'absolu, vers la lune que souhaitait posséder Caligula, l'herbe finissait par ne pas repousser sous les semelles, sous la démence. La force névrotique d'Aaron était une force destructrice, aliénante, explosive, dominatrice, écrasante, étouffante. Il était l'avatar de la fin, l'incarnation du feu qui incendie, qui brûle, qui carbonise, mais ne réchauffe pas. Le feu mortifère, non le feu salvateur. Ses veines n'étaient remplis que d'étincelle, du napalm. Sur les hautes collines, il aurait regardé Rome brûlé, et il aurait chantait sous la nuit, au-dessus des flammes, accompagnés par les complaintes d'hommes, et de femmes, et d'enfant, périssant dans l'enfer qui se déchaînait. Il n'était pas Néron pourtant. Il était pire. Il était Caligula. Caligula sous les flots, Caligula Atlante, Caligula sous l'océan, prisonnier de cette bulle de verre voguant dans les profondeurs des eaux. Caligula qui décrochait de terre la maîtresse des arts pour la détruire, corps et âme, contre ce mur, dans cet appartement. Elle, si fragile entre ses doigts. Le golem tenant en ses mains une porcelaine de chine. Une porcelaine qu'il torturait, qu'il poussait à craquer, mais qui ne craquelait pas, et qui en demandait encore, et encore, et encore.
Les mains de la femme avait attrapé sa capillarité. Elle tirait ainsi, dessus, le séparant de cette chair qu'il malmenait. Elle acceptait la destruction du monde, celle qui logeait au cœur d'Aaron, entre son désespoir, sa brutalité, sa démence. Mieux, elle l'appréciait. Elle l'avouait. Sa voix était fatiguée, de douleur peut-être, d'essence aussi. Elle toussota. Signe de fébrilité. La Porcelaine. Et pourtant une voix si rocailleuse. Puis un sourire, puis un rictus, puis une envie. Il sentait ses cuisses être plus présente autour de lui. Comme du lierre qui enserre. Comme une corde qui maintient. Une chaîne qui capture et retient. Puis ses doigts, sur sa peau. Son regard d'acier effleurer le visage de la jeune femme qui n'avait d'yeux que pour son cou. Ses phalanges l'attrapèrent, comme les siennes avaient prise la sienne, de gorge. A ses phalanges se joignirent ses ongles qui semblaient vouloir rentrer sous sa peau, le faire saigner, l'égorger, le tuer. Il la laissa faire, la défiait du regard. Ses yeux ne tremblait pas. Son regard s'affirmait. Ses prunelles murmuraient. Vas-y. Fais-le. Fais moi frôler la mort. Fais-moi frôler la mort que je puisse lui cracher au visage. Fais-moi frôler la mort que je puisse lui montrer la force d'un vivant. Elle m'aura à la fin. Mais je lui cracherais dessus avant. Un jour elle m'aura, mais je l'aurais avant. Je n'ai pas peur d'elle. Tues-moi. Fais-moi ce plaisir.
Et Azores exécutait ses prières. Si elle n'avait pas sa force, il n'avait pas ses ongles. Il sentait le souffle lui manquer. Ses poumons crier famine. Il entrouvrit les lèvres, comme pour essayer de prendre davantage d'air que ses narines. Il sentait ses veines s'affoler, pulser, et son cœur dérater. Il souriait tout de même. Des perles de sang sur son cou. Elle lui parlait d'Abraham. Celui dont il ne connaissait pas encore le nom. Cet ombre. Une ombre qui entourait Azores. Cet ombre qu'elle avait invité à défier. Pour la marquer plus profondément que ces yeux noirs. Elle n'avait pas pu l'étrangler. Elle n'avait pas pus lui montrer son âme. Mais elle pouvait le faire avec lui, avec le golem, avec le despote. L'étrangler. Lui faire toucher, du bout des phalanges, le voile clair de la mort. Il avait du mal à parler. Le souffle lui manquait.
« Moi, tu peux me tuer. Tu peux me tuer, et je reviendrais te hanter. Je ne suis pas lui. Je suis... »
Un empereur sans royaume. Un homme fou à lier. Un molosse enragé. Un raz-de-marrée s'approchant des côtes américaines. Une bombe incendiaire. Un train sans frein. Un Nautilus qui chute. Une comète. La gravité. L'atterrissage et la chute. La nicotine et le cancer. Un pays sans frontière. L'Etna. Les abysses. L'univers. Une bouteille d'essence sur ta table de chevet. Une thèse et une antithèse métaphysique... Un espace total de liberté entière. Un sourire vint sur ses lèvres, comme provocateur. Il peinait à respirer. Il trouva la force de parler, de finir sa phrase.
« … Ton espace total de liberté entière. »
Un murmure soufflé sans souffle. A peine audible. Peut-être n'eut-elle rien entendu. Qu'importe, elle ne le tua pas. Il mourrait autrement, par une autre main, dans un autre lieu. Elle l'avait affaiblis cependant, ce golem. L'oxygène est le point faible de tout Homme. La porcelaine avait mis à mal le golem. Il reprenait son souffle, et son esprit, qui lui revenait peu à peu après un séjour lent vers le néant. Les boutons de sa chemise cédèrent un à un, sans qu'il s'y oppose. Et elle quitta sa peau. Balançant Azores d'un bras à un autre, il se sépara de cette chemise, l'envoya voler, tomber, plus loin, sur le parquet. Sur son torse se dévoilait ce vieux chapelet, ce vieux trésor de la surface, cette croix qui pendait à son cou, cette relique de Leona. Cette babiole qui l'on ne trouvait plus sous les eaux, et cette croix catholique qui n'avait aucun sens pour lui. Sur son flanc, une cicatrice. Des contusions un peu partout sur son corps. Il en espérait de nouvelle. De nouvelles contusions passionnées, gravées sur sa peau par cette femme qu'il maintenait contre ce mur. Une main passait dans son dos, jusqu'à ses omoplates, et il attaquait la fermeture éclair de cette robe, la tirait vers le bas, pour faire chuter la seconde bretelle le long de son épaule, et dénuder ce haut de corps, découvrir sa poitrine, son sous-vêtement. Pour la dénuder. Le tissu tombait, une chute qui faisait écho à celle de sa chemise. La chaleur de son ventre rencontrait la chaleur du sien. Son torse solide les rondeurs de sa poitrine. Il se pressa un peu plus contre elle. L'écrasant ainsi entre le mur froid et la chaleur de sa structure, il se permettait de lâcher une de ses cuisses pour attraper cette nuque, caché par ses mèches de cheveux. Attraper cette nuque, la serrer, la dresser, pour que leurs visages soit l'un face à l'autre. Il l'embrasse. Et ses doigts se serrent un peu plus contre cette nuque. Comme pour briser ses cervicales. Son autre main avait remonté sa cuisse, découvrant les courbes de ses fesses qu'il écrasait plus qu'il ne caressait. Son bassin flirtait avec le sien.
Les prémisses endiablées d'une danse de la décadence.
Ils se détruisaient mutuellement. Ils se détruiraient. Contre ce mur, sur l'un des fauteuils, le comptoir du bar, dans la chambre à coucher, dans la baignoire, dans la douche, qu'importe. Ils se détruiraient. Il la massacrerait. De sa passion, de sa démence, de son sadisme, de toute la mort qu'il porte en lui, de toute sa névrose. La porcelaine et le golem flirtaient. Il sentait l'excitation courir l'espace entre ses jambes. L'envie de la posséder ? L'envie de la détruire ? L'un, ou l'autre. Les deux, peut-être. Il lui rendrait craquelé, sa porcelaine. Il lui rendrait craquelé. L'on est toujours libre au dépens des autres. Peut-être parfois au dépens de soi-même.
Porcelain Do you carry the moon in your womb ? Someone said that you're fading too soon, Drifting and floating and fading away
Une mélodie, un chant, lui venait. Une mélodie, un chant, qu'il garda pour lui, alors qu'il attrapait du bout des doigts le tissu d'une culotte qui recouvrait le berceau de la vie, le cercueil de la mort. Et le fit glisser le long de cette peau, de ces jambes. Le berceau de la vie, le cercueil de la mort.
« Détruisons-nous, ma chère amie... Détruis-moi. »
« Mais je ne veux pas te tuer. » S’indigna l’artiste, sourcils froncés.
Elle admirait les traces rouges violacées sur le cou d’Aaron, puis remontait lentement ses yeux vers les siens. Tuer. Ce n’était pas ce qu’elle désirait, aucunement. Elle n’aimait pas le meurtre. Étonnamment, Azores Lullaillaco n’aimait pas la violence. L’agressivité avait quelque chose de charmant, c’était de la passion, c’était… consentant ? Sa fascination pour la destruction la poussait à aimer la douleur, l’agressivité dont elle manquait mais que oh ! Aaron, lui, possédait. Mais la violence, c’était quelque chose de différent. C’était gratuit, ce n’était pas tout à fait de la passion. La nuance était claire, dans l’esprit flou et rempli de l’artiste. La violence était négative, péjorative. Elle causait du tort, elle ne réglait rien. Mais l’agressivité, elle s’en languissait.
Même pas bout de souffle, il la soutenait toujours contre le mur froid. Il la gardait contre lui, retirait sa chemise et Azores s’affala un peu plus sur lui pour regarder ses cicatrices. N’étaient-elles pas magnifiques ? Elle les avait posées sur papier plus d’une fois. Un beau corps marqué par la vie. Elle s’en délectait une nouvelle fois, alors qu’il s’affairait à retirer sa robe. Elle fut coupée dans ses observations quand il l’attrapa par la nuque et la força à le regarder. Lentement, doucement, un sourire s’étira sur ses lèvres. Un sourire remplit de joie et d’espoir avec un regard à la vide et brillant d’intérêt.
Il continuait de l’embrasser, de lui faire mal et de poser ce geste affectueux et possessif. Et puisqu’il usait de sa force, elle utilisa ses ongles pour s’agripper à ses épaules, créer des égratignures en forme d’arabesques. Elle traçait des marques rouges au-dessus des cicatrices qu’il possédait déjà. Parfois, elle se laissait être plus douce, car elle appréciait les reliefs de sa peau. Elle desserra sa prise sur lui pour se concentrer sur ses pieds blancs qu’elle posa au sol. Ses jambes tremblèrent et elle se laissa choir contre Aaron pour retirer son sous-vêtement sans tomber. Elle se redressant, néanmoins, elle vint s’écraser contre le mur qu’elle avait réchauffé avec sa chaleur. Azores sentait que les muscles de ses cuisses avaient été meurtris sous la poigne de l’homme et sa vue était obstruée par ses cheveux roux en pagaille. Au travers ses mèches, néanmoins, elle le fixait, lui, le sadique. Le seul qui appréciait autant qu’elle de la blesser.
Sadique qu’elle avait frappé s’il avait tenté de se rapprocher à nouveau. Le frapper pour ensuite rire. Comme s’il s’agissait d’une blague. C’était drôle, car si elle n’avait pas eu envie qu’il lui casse un bras ou lui tordre le cou, elle ne serait pas venue. Elle se décolla du mur dans lequel elle semblait vouloir se fondre auparavant, fit un pas vers lui. Effleura sa peau aussi nue que la sienne, attrapa ses larges mains. Le mur était bien, le comptoir du bar, la baignoire, la douche, partout c’était bien, mais Azores le menait vers sa chambre à coucher. Quand elle sentir le tissu du couvre-lit toucher ses jambes, elle s’y laissa tomber, s’y hissa. Le regard de folie qu’elle lui lança fut ponctué d’un clin d’oeil.
« Détruisons ! Mais rappelle-toi, pas de sang. »
Pas qu’elle ne le supporterait pas, au contraire, le sang avait déjà fait partie de leurs ébats précédents. Mais cette nuit, non. Cette nuit ce serait des bleus, des marques violacées, des teintes plus froides apparaîtraient sur sa peau blême.
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Sujet: Re: Hurt me tender, hurt me true ▲ Azores Lullaillaco 12.08.16 22:01 parAaron Dawkins
Son dos était une nouvelle pyrogravure, un art chaotique, gravé à l'aveugle par des ongles fous sur des omoplates qui en demandaient encore et toujours plus. Son épiderme était strié de trop de coups de griffe. Des arabesques de passion, de frisson, de désir, de plaisir, d'exaltation. Des lambeaux de peau étaient resté coincés sous ses pointes en os qui l'avaient massacré. La passion n'était invisible. Cette passion ne l'était pas. S'exprimant dans la férocité, la douleur, les sensations sadiques et masochistes, elle transpirait de chaque pores de leurs corps. Des douleurs. Des contusions. Des ecchymoses. Des griffures. Des rougeurs. Des violacées. Des souffles lourds soulevant les poitrines. Des jambes encore tremblantes. Des yeux encore clos. Des membres crispés. Des esprits déglingués. Des draps démis, souillé, pervertis. Une faim satisfaite. Des corps si proches, haletant, bouillant, des corps ne cachant pas leurs nudités, comme Adam, comme Eve, comme ce couple dont la passion fut le point d'orgue d'une civilisation démente.
Elle avait relâchée l'emprise de ses cuisses autour de lui pour poser pied à terre. Du bout des doigts, il avait attrapé ce voile recouvrait son entrejambe. Elle lui échappait, mais ne fuyait pas. A travers la cascade de roux, des yeux qui en demandaient encore, des yeux qui en demandaient plus. Il se fit violence pour ne pas les satisfaire ainsi. Pour ne pas attraper ce corps pour le plaquer contre ce mur, pour ne pas relever les pans de cette robe, pour ne pas la faire ployer face à lui, ainsi, en avant. Mais elle s'était décollé du mur, et tout en effleurant sa peau, son corps, son torse, elle l'avait amené ailleurs. Vers la chambre à coucher. Et il l'avait suivis, débouclant sa ceinture, la faisant glisser, l'enlevant, pour la laisser tomber par terre sans plus lui accorder d'intérêt. Puis faisant sauter les boutons de son pantalon, et le laisser tomber, lui aussi, par terre, sans plus lui accorder d'intérêt. Il regardait Azores le guider. Elle avait quelque chose de mutin. Pourtant ce n'était pas de l'amusement. Cela n'avait rien d'une farce. Elle expérimentait. Et lui marchait, un pas après elle, dans le silence que le gramophone, éteins, avait laissé s'installer, dans ce silence seulement troublé par des bruits de pas, et des souffles chauds, lourds.
En caleçon, sur le pas de la porte, Aaron l'avait regardé chavirer, tomber, sur le lit, et se hisser au centre de celui-ci. Elle avait encore ce regard, la maîtresse d'art, ce regard dément qui servait de catalyseur à sa propre folie. Comme si la névrose appelait la névrose, que la folie poussait la folie à sortir le nez de sa tanière, et à s'exprimer, pleine et entière, de toute sa force despotique. Ce regard, ce regard de folie, et ce clin d'oeil. Une invitation. Une invitation au déchaînement des passions. Du feu remplaçait le sang de ses veines. Du salpêtre et de la haine. Ils se détruiraient. Elle le détruirait. Il la détruirait. Il grimpa sur ce lit, montant jusqu'à elle, la surplombant lentement. Il attrapa son visage dans sa large main, le redressa. Il embrassa ses lèvres qu'il détruirait de baiser. Et il la repoussa contre les oreilles. En se hissant, il avait perdu le dernier tissu qui le recouvrait. L'amour, c'était pour les enfants. Ils n'en étaient plus.
Et ils étaient nus désormais. Nus, leurs poitrines se soulevant inégalement. Ils reprenaient leurs souffles. Ils avaient détruit leurs esprits qui s'étiolaient dans le néant. L'endorphine était un psychotrope délicieux. Un néant. Et leurs esprits se noyaient dans ce néant comme dans un océan. Comme Pelagia sous les eaux, se noyant. Pelagia n'est qu'un esprit post-coït.
Son dos le brûlait. Lui dessus, elle en-dessous, inversement, et son dos n'était rien de plus désormais qu'une pyrogravure tracés aux ongles et au feu des entrailles, au feu du cœur. Des arabesques de passion, de frisson, de désir, de plaisir, d'exaltation. Il l'avait maltraité en retour. Tirant ses cheveux, sa main s'abattant sur ses fesses, et sa chair contre la sienne, ses mains écrasant ses poignées pour les maintenir au-dessus de sa tête, ses dents sur sa peau. Ils n'étaient pas des Hommes. Tout juste des bêtes, des animaux. Des animaux déments, incohérents, hors-normes, dérangés.
Il n'y avait pas eu de sang.
Le despote se redressa. De son dos lacéré lui vint une once de douleur. Il l'apprécia, tout comme il appréciait les fantômes des mains d'Azores enserrant son cou. D'un mouvement de tête, il fit craquer sa nuque. Il se leva, nu comme un verre. L'artiste pouvait observer son œuvre, ses marques rouges presque suintante de sang parcourant le haut de son dos. Presque suintante. Il n'y avait pas de sang. Elle n'en voulait pas. Pas ce soir. Et elle n'en aurait pas. Il farfouilla, sans un mot, dans des tiroirs. Deux bouteilles d'essences. Des bouteilles triangulaire, translucide, laissant apparaître une robe grenat. Deux êtres, un homme, une femme, nus, entrelacés. Le baiser. Le désinhibiteur. Il n'avait pas besoin de l'être. Ils n'avaient pas besoin de l'être. Nul besoin du baiser. Et pourtant, les deux flacons étaient là, entre ses mains. Il en dévissa un, le tira d'un trait. Une acidité, mêlée à une saveur fruit rouge, inonda sa bouche, sa gorge. Il envoya le deuxième flacon sur le lit, pour Azores. Des essences de qualité, à un prix astronomique. Il n'y avait rien de mieux. Si ce n'est la musique, peut-être, et les alcools fort de la surface.
« Tiens, revigores-moi toute cette créativité, toute cette démence, que tu portes en toi, belle rousse.»
Il farfouilla dans quelques tiroirs, tira une aiguille de couture qu'il passa sous la flamme d'un briquet qui traînait là, sûrement depuis la dernière fois qu'il s'était allumé une cigarette sans se lever de son lit. Une aiguille de couture, et un pot d'encre de chine. Il les posa sur le ventre d'Azores, encore enroulé dans les draps, une nudité partiellement caché. Il la regarda, subrepticement, il regarda ce corps nus, ce corps qu'il avait abîmé. Un sourire sur ses lèvres, et il s'allongea à côté d'elle, sur le ventre. Son esprit était à moitié attaqué par les effluves d'alcools, l'essence qu'il venait de boire, et des miettes d'endorphines qui lui restait de ces instants passé nus avec la jeune femme. L'autre moitié de son esprit était attaqué par la folie qui l'habitait. Il ferma les yeux, et s'offrait à elle sur un plateau d'argent. Il s'offrait à elle, comme une toile demandant qu'on la peigne. Il lui offrait son corps, comme un jouet. Un jouet qui demandait à ce qu'on le possède, que le casse, qu'on le torture. Il s'offrait à elle, sur un plateau d'argent. Sa chair sur un plateau.
« Tatoues-moi »
Une totale liberté. Elle avait une totale liberté. Elle pouvait faire ce qu'elle voulait de son épiderme, de cette aiguille, de cette encre. Un tatouage, comme un tatouage de prison, à l'aiguille et à l'encre. Ce qui lui passait dans son esprit à elle, son esprit à elle, à moitié attaqué par les effluves d'alcools, l'essence, et les miettes d'endorphines. Son esprit à elle, à l'autre moitié attaquait par la folie qui l’habitait.
Les livres vantaient ce qu’ils faisaient comme un moment magique, intime, spécial. Azores y voyait une forme d’expression comme une autre, un moyen d’extérioriser ce qu’il y avait dans sa petite tête rousse. Coucher avec quelqu’un ou ne pas le faire, quelle était la différence ? L’artiste comprenait difficilement l’importance de ce qu’elle et Aaron venaient de faire. Elle avait besoin d’être maltraitée et il avait répondu à sa demande. Il aurait pu la rouer de coups, mais il faisait preuve de beaucoup plus de créativité, de délicatesse. Un homme valeureux, n’est-ce pas ? Elle fut malmenée, sa peau déchirée et ses cheveux arrachés. La maitresse d’art avait agité ses ongles, soupiré, l’avait repoussé puis attiré. Elle avait probablement heurté sa tête contre le mur derrière, en passant. Par accident, mais comme tout le reste, cela lui faisait échapper de petits rires.
Et c’était ainsi que l’artiste réagissait, quand elle se blessait ; elle riait. Parce que c’était ça, l’Art. Ou du moins ce fut ainsi qu’on le lui enseigna. Heureusement, depuis les quinze dernières années, Azores l’enseignait autrement. De manière toute aussi audacieuse, mais moins démente. Ses yeux sombres s’écarquillèrent quand l’homme se leva. Il avait ses magnifiques traces rouges sur son dos. Des marques violentes dans sa chair. Elles avaient toutes été faites au hasard. Dessinées avec passion et désespoir. Azores roula sur elle-même, attirant la couverture défaite à elle, couvrant sa peau qui refroidissait. Si elle ne connaissait pas la pudeur, le froid n’était pas son ami non plus. D’une main maladroite, elle tenta d’attraper le flacon d’essence mais ne fit qu’agiter son bras dans le vide. Avant de le consommer, l’artiste l’inspecta. Renifla l’odeur, inspecta sa consistance. Excellente qualité.
Après l’avoir rapidement calé, ne savourant plus le gout des essences depuis longtemps, Azores roula sur le dos et posa ses jambes légèrement surélevées contre la tête de lit. Quelque chose qu’elle avait entendu de femmes du Premier Niveau. Elle laissa Aaron aller à ses affaires, fermant les yeux, prenant le temps de ralentir le rythme de sa respiration.
Il lui fit don de nouveaux outils pour créer. Azores prit un instant pour les observer, piqua le bout de son doigt avec l’aiguille vierge. Elle n’avait jamais fait de tatouage, mais ce n’était pas ce qui arrêtait la grande Maitresse d’Art de Pelagia. Attrapant le matériel, elle se retourna d’un coup pour se retrouver à moitié étendue sur le corps de l’homme. Elle se hissa, coude contre son dos meurtri, pour être à la hauteur désirée. Il était son appui, mais surtout son canevas. Elle ne faisait pas attention à sa posture, à ses égratignures claires qui striaient sa peau, beaucoup trop maladroite pour cela. Maladroite mais si talentueuse. L’encre était posée sur le matelas, l’aiguille armée dans la main agile de l’artiste. Sa respiration chaude s’écrasait contre la nuque d’Aaron, alors qu’elle réfléchissait calmement, sans aucune notion de temps, à ce qu’elle allait faire.
« Merci. »
Marmonna-t-elle tout bas, posant un doux baiser sur l’omoplate qu’elle s’apprêtait à piquer un millier de fois. Doucement, elle chantonnait, faisant aller son poignet, tendant le bras pour replonger l’aiguille dans l’encre noire. De petits points, de minuscules traces prenaient lentement, très lentement forme sur le dos du golem. Il s’agissait d’un travail de minutie et de patience. Parfois elle allait plus vite, parfois plus lentement. Il lui arrivait de piquer trop loin dans la peau, par accident plus que par sadisme. La douleur lui permettait de créer quelque chose d’extraordinaire. Petit mais magnifique. Se battre contre sa gorge tordue, ses bras meurtris, sa peau qui se parsemait de bleus violacés et de traces de dents. Sa main continuait de dessiner mais sa chanson s’arrêta d’un coup.
« Es-tu toujours un chevalier, Aaron, Aaron ? »
« PELAGIA »
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Sujet: Re: Hurt me tender, hurt me true ▲ Azores Lullaillaco 23.08.16 22:17 parAaron Dawkins
Sur des draps défaits, sur ces draps souillés, des draps de blanches soies et de sueur salée, le golem s'étendait comme une toile nouvelle, de chair et de sang. L'artiste testa son nouvelle instrument, cette aiguille, avec laquelle elle se piqua le doigt. Aaron ferma les yeux. Il ne vit rien de ce corps nu qui s'écrasa partiellement sur lui. Il n'eut que la chaleur d'une chair contre la sienne. La douceur de la caresse d'une peau contre la sienne, une douceur contrastant avant ses lasures rouges parcourant le haut de son dos. Elle ne le ménageait pas, comme elle ne l'avait pas ménageait quelques minutes plus tôt, et ne prenait pas garde aux blessures, ni à la douleur. Et qu'importe ! Il n'était plus qu'une toile, rien qu'une toile, une toile sur des draps souillés, des draps blancs et salés. Mais avant que ne vienne les piqûres qui le tatouerait, il y eut la brise du souffle chaud d'Azores. Quelques cheveux roux aussi, sur sa peau. Quelques cheveux roux, et un baiser également, un baiser qui vint, sur son épiderme, ponctuer un remerciement qui ne troubla aucunement le silence, tant il fut murmuré si bas. L'homme ne répondit pas. Il se laissa aller à un sourire pour toute réponse, un sourire qu'elle ne pu voir. Et il se laissa aller, son esprit dérivant, pendant que l'aiguille pénétrait sa chair pour la première fois. Puis une seconde. Une troisième. Et il ne pensait qu'à sa propre fin. Et son sourire n'en fut que plus grand. Comme apaisé.
La maîtresse des arts de Pelagia chantonnait pendant qu'elle inscrivait il-ne-savait-quoi sur son corps à l'encre noire. Chaque piqûre faisait naître, un peu plus, cette fresque éternelle d'art sur sa peau. Il ne comptait ni les piqûre, ni les secondes. Il se laissa simplement embarquer par les chansonnettes murmurées par Azores. Il ressentait chaque pointe s'enfonçant dans ses chairs, ainsi que l'encre couler et colorer celle-ci. Dans ses veines, encore quelques doses d'endorphine qui le détendait davantage. Comme cette berceuse chanté dans son dos. Il pourrait s'endormir, pour peu qu'à chaque nouvelle fois que l'aiguille le transperçait il ne se réveille pas.
Puis soudain, plus de chanson.
La question d'Azores acheva de le ramener sur terre, sous les eaux, dans Pelagia, sur ce lit. Un chevalier ? C'est vrai que bon nombre de personne l'avait vu de cette manière, lorsqu'il offrait son corps et son âme à Leona. Un claquement de doigt, un mouchoir qui tombe, un regard, et il ployait le genoux pour le flanquer dans le sol, et s'incliner. Ses désirs étaient des ordres. Et nul ne s'opposait aux désirs, aux ordres, de Leona. Pourtant, lui n'avait toujours vu qu'un chien bien dressé. Un chien bien dressé toujours flanqué à ses pieds, prêt à bouffer n'importe qui selon son bon désir. Peut-être avait-il une vision plus noire de cette relation avec sa sœur et amante. Peut-être. Mais il n'avait jamais été un chevalier à ses yeux, tout juste un chien. Un chien de l'enfer. Un de plus. Avec sa fourrure de ténèbres et ses six yeux rouges sang. Un chien de l'enfer sans enfer maintenant. Un limier sans laisse ni collier. Un chien libre mais crevant de faim, comme le loup. Et ce qui lui manquait, pour satisfaire son appétit, c'était autre chose. Quelque chose qui n'est pas en ce monde. Qui ne le saura jamais. La lune peut-être ? Quelque chose qui soit dément, coûte que coûte.
Un molosse en parfaite liberté.
Ses yeux se rouvrir, et il tourna son visage de l'autre côté, pour apercevoir Azores, ou en tout cas quelques parcelles de son corps dénudé. Le creux de son dos, ses fesses, ses jambes. Un chevalier hein ? Les traces de leurs ébats sur son corps fragile mais résistant, les stigmates de ses doigts autour de sa gorge, et le fantôme de la gueule de ce flingue braqué sur elle. Il aurait pu la tuer. Tant de fois. Tant de fois. Quel chevalier tuait la dame ? Un parjure. Un chevalier ayant rompus son serment, un chevalier devenu fou, un fou en armure et une épée au flanc.
« Quel genre de chevalier serais-je alors ? De celui qui a manquait de te tuer trois fois ce soir ? Existe t-il pareil chevalier ? Non, je ne suis qu'un chien, Azores. Un chien dans un monde où les chiens se bouffent entre eux. Sauf que j'ai les plus gros crocs. »
Un rire perce la caverne de sa gorge, et franchis ses lèvres. Il ferme à nouveau les yeux, après avoir laissé une dernière fois son regard parcourir la longueur de ses jambes, des cuisses aux talons. L'aiguille n'avait de cesse de le piquer, de le piquer, de le piquer, de le piquer. Les plus gros crocs. Il les mordrait tous, enfonçant ses canines si profondément dans leurs chairs qu'ils saigneraient, des jours durant, souffrant le martyre. Et un jour, un millier de gueule montrant les crocs seront face à lui. Enragés. Revanchards. Haineux. Ce jour là... Ô, ce jour là !
Il en frissonna. Frisson qu'il essaya de contrôler au mieux pour ne pas gêner Azores.
« Et toi, comment me vois-tu ? Chevalier, ou clébard? »
Marquer un corps a l’aiguille était un processus long, lent, qui nécessitait une patience légendaire. Azores n’était pas reconnue pour être une femme pressée, le temps n’avait pas d’emprise sur elle et ses collègues la raillaient souvent pour cela. Elle vivait comme elle l’entendait, légèrement, incapable de régler son horloge biologique. Elle avait essayé, mais elle et tout ce qu’elle touchait se portaient mieux sans que les minutes, les jours et les années n’aient d’influence.
Sa main était agile, piquait rapidement, mais elle progressait à la vitesse d’un petit crustacé. Même qu’elle avait ralentie pour susurra une douce question à l’oreille du golem. Ses mots soufflés, elle continua le travail machinal de l’aiguille sur la peau battue. Silencieuse et sans émettre de commentaire, elle fit ce qu’elle faisait toujours : elle écouta. Azores piquait et écoutait. Un vif mouvement de tête, brusque pour son corps las, envoya quelques mèches rousses derrière son épaule. Il frissonna, et encore elle ne fit rien. Ce n’était pas la première toile mouvante sur laquelle elle dessinait.
La conversation aurait pu s’éteindre à ce moment précis, mais Aaron et l’artiste avaient l’habitude d’échanger. De parler, de questionner, de répondre. Il lui avait demandé son opinion, qu’elle n’aurait probablement pas dit s’il c’était tu. Elle posa le contenant d’encre sur le dos d’Aaron, au creux de sa colonne, et passa son bras par-dessus ses épaules. Sa main attrapa sa mâchoire pour lui lever la tête.
« Ne serais-tu pas un chevalier qui répond aux désirs d’une dame en détresse ? » N’était-ce pas pour cela qu’elle était venue ? Pour qu’Aaron lui vienne en aide, la frappe et la blesse ? « J’aurais sans doute été bien différente si j’avais eu quelqu’un comme toi il y a quinze ans. » Elle embrassa sa pommettes et retourna à son art, sa pensée de nostalgie était déjà terminée.
Elle continua de piquer des arabesques, un peu plus agile à chaque coup. Il y avait un peu de sang mais, avec nonchalance, l’étendait du revers de sa main plus qu’elle ne l’essuyait dans le dos de l’homme. Au bout d’un moment, sa tête descendit, rejoignit la chair abîmée, mais elle continuait de créer.
Aaron, au creux de son esprit, était un monstre. Il en était conscient, mais Azores aimait les monstres. Elle adorait les imperfections, l’horreur. La maitresse d’art voyait en la destruction d’Aaron une inspiration, une grande qualité. Et la chevalerie faisait partie des nombreuses illusions dans lesquelles l’artiste se baignait. Azores imaginait des choses, voyait le monde d’une façon tout à fait tordue. La femme se remit à chantonner, une air sans rythme régulier, avec des morceaux connus et d’autres tout à fait improvisés.
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Sujet: Re: Hurt me tender, hurt me true ▲ Azores Lullaillaco 04.09.16 18:34 parAaron Dawkins
Le cul de la bouteille d’encre se posait sur son dos. Le froid du verre contre la chaleur de son épiderme. Et l’aiguille qui continuait de piquer sa peau. Et Azores, de plus en plus, sur lui. L’essence, se mêlant à l’alcool, traversait ses veines. Et l’endorphine, encore, coulant dans ses artères, caressant sa cervelle. Le despote connaissait peu d’instant comme celui-ci. Peu, depuis la mort de sa sœur et amante. Peu, depuis la mort de Leona. Peu, depuis qu’il a retrouvé le cadavre sans vie de sa moitié. Il sentait des perles de sang suinter sur son dos, et le dos de la main d’Azores les chasser. Le sang, remplacé par l’encre. Et le bras de la jeune femme, comme un serpent, glissant sur son ossature, autour de ses épaules, pour que ses doigts viennent accrocher sa mâchoire de bête. Son visage se redressa sans qu’il n’en donne l’ordre ni la directive. Azores le pilotait. Lascivement. Il se laissait guider par la caresse d’une peau contre son corps, par les doux désirs de la maîtresse d’art, et les impulsions en morse de l’aiguille pénétrant ses chairs. Il avait répondu à ses désirs. A ses désirs de violence, de douleur, de souffrance. Il avait répondu au sien aussi, et elle y avait tout autant répondu. Rien ne lui plaisait plus que la douleur. Rien ne l’excitait plus que la souffrance contre la peine. Son cœur pulsait la démence, l’injectait à travers tout ce corps, chaque parcelle de son être, comme un venin. Sa nature profonde revenait, des récifs de raison balayé par les vagues de la folie, déchainé par une tempête de douleur. Azores était un orage. Un orage que l’on ne soupçonne pas. Un orage dans un ciel clair dépourvu de nuage. Un orage qui embrassa sa pommette avant de lui planter à nouveau l’aiguille dans la peau.
« Si tu m’avais connu il y a quinze ans, tu aurais connus Leona, et c’est peut-être bien avec elle que tu aurais finis dans un lit, non avec moi. Elle était plus effrayante, plus attirante que moi. Personne ne le voyait, mais moi si. Elle avait un plaisir malsain de me voir écraser le visage de ses prétendants. Ça l’excitait. Combien de gamin m’a-t-elle envoyé en pâture pour satisfaire le gouffre de sa libido ? »
Beaucoup. Il se souvenait de sa manière de se glisser dans sa chambre, après qu’il ait massacré le fils de cette famille que ses parents avaient invité à dîner. Sa manière de se glisser dans sa chambre, dans ses draps, et de frotter son entrejambe chaude et humide contre lui. Leur première nuit d’amour. Il avait du sang séché sur les mains. Elle l’avait léché. Le sang et la sueur. La folie et la violence. Un résumé de leur première union charnelle.
« Mais si je t’avais surpris à l’approcher de trop près… »
Un sourire étira ses lèvres. Un sourire pour le moins malsain. Un sourire qui s’effaça rapidement. Un instant, il avait vu Azores sous ses phalanges, et son sourire démentiel, ses yeux fous. Qu’aurait-elle ressentis à voir ses pupilles injectés de sang la massacrer pour sa sœur ? Mais Leona était morte et Azores sur son dos, à le tatouer, après qu’ils aient souillé les draps de ce lit. Il n’y avait pas d’uchronie à imaginer. C’était sans intérêt. Futile. Et aux yeux de l’artiste, il était un chevalier répondant aux désirs de la dame en détresse qu’elle était. Il avait aimé y répondre.
« Quoi qu’il en soit, chevalier ou chien, il te suffit de toquer à cette porte pour que je t’offre ce que nul autre ne peut t’offrir… »
Ses yeux se fermèrent, comme si ses paupières tombaient sous la douceur des mots qu’ils s’apprêtaient à prononcer. Il y avait une forme de sérénité et de bien-être sur son visage, contrebalancé, toujours, par cette force glaciale, ce désespoir infini, cette vérité cinglante que les hommes meurent toujours malheureux. Par la démesure qui l’avait gagné depuis qu’il avait découvert cette vérité. Ses lèvres s’entrouvrirent, et il susurra.
« La liberté. La liberté de laisser ce feu en tes entrailles brûler ce monde. »
Son visage se tourne vers Azores, ses yeux à nouveau ouvert pour l’admirer s’atteler à son œuvre. Entre deux pics de l’aiguille, il bouge légèrement, sa main trouvant la peau de l’épaule de l’artiste, une peau qu’il caressa. Une caresse contrastant avec cette manière qu’il avait pu avoir de l’écraser entre ses doigts pour la maintenir contre ce matelas, un peu plus tôt.
« Ce monde est sans importance Azores, et qui le reconnait conquiert sa liberté. »
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