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Page blanche | Janvier 125 | Joshua [terminé]
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« PELAGIA »
MESSAGES : 290 POINTS : 3165 PRÉSENTATION : HiéroglypheFICHE DE LIENS : Livre des MortsAUTRES COMPTES : Aucun DATE D'INSCRIPTION : 20/10/2015
| Sujet: Page blanche | Janvier 125 | Joshua [terminé] 27.10.15 21:00 par Eirlys S. Hilbilge | Citer Editer Supprimer |
| C'était un jour qui en suivait un autre, la veille d'un nouveau tout aussi semblable. Et les dossiers suivaient les dossiers, des candidatures maladroites aux qualités impensables qui encombraient un bureau vierge de toute personnalisation aux dossiers soigneusement composés, plus rare, qui décoraient parfois d'un sourire le visage de la jeune femme. Quelque part, une odeur de café supplanta brusquement celle de papier, d'encre et de sueur. Il y avait une discussion dans un bureau, plus bas, chez les employés. Des rires. Cela n'avait probablement rien à voir avec un quelconque travail. Sans vraiment y penser, Eirlys décida de leur laisser un répit de cinq minutes avant de se rendre compte de ce qu'il se passe et d'intervenir. Relâcher la pression était tout aussi important que de la maintenir stable. Il fallait que certains pensent avoir la liberté de contourner les règles. Elle jeta un regard à la grande horloge qui décorait le mur en face d'elle. Notant mentalement l'heure du début des festivité, elle attrapa un énième rapport qu'elle ouvrit d'un geste las. Il y faisait mention d'un nommé Wells Joshua. Elle fronça un peu ses sourcils, et glissa sa lèvre entre ses dents. Le nom lui était familier, ce n'était pas la première fois qu'elle lisait quelque chose à ce sujet. Elle se leva, souple comme un soupir, son dos appréciant dérouler ses vertèbres. Sans se presser, elle ferma sa porte, baissa son store et ouvrit l'immense ventre de l'horloge. Elle aimait s'y cacher quand elle était enfant, quand elle rendait visite à Aeder, au bureau. Maintenant qu'elle avait récupéré l'objet, imposant et familier, elle l'avait aménagé pour qu'il continue à cacher ses peines et ses secrets. D'un geste assuré, elle en arrêta donc le balancier, glissant ses doigts derrière le poids. Du bout de l'index, elle effleura un bouton dissimulé et attrapa un livre de notes dans la cachette révélée. Elle referma le tout, relança le mécanisme, sans rouvrir ni store ni porte. Joshua Wells avait offert aux employés du recrutement une pause peu méritée. De retour à son bureau, Eirlys reprit le rapport qu'elle parcouru des yeux. Employé depuis quelques années déjà. Le genre d'homme sans faute. Sans talent non plus. Sans rien de spécial. Une note s'inquiétant de son état de santé faisait référence à de fortes cernes, une perte de l'élan vital, une probable consommation d'Essence. Son travail n'était pas mauvais per se. Il n'était pas bon non plus. Elle ouvrit son répertoire à W, sous paragraphe Joshua et remarqua plusieurs entrées de la même veine. C'était bien ça. Le rapport n'était pas le premier. Si rien n'était fait, ce ne serait pas le dernier. Le temps de Magnus n'avait pourtant pas besoin d'être gaspillé en rapports identiques. Si le dénommé Wells avait décidé de stagner dans la médiocrité, il lui faudrait le faire ailleurs. S'il y avait quelque chose à tirer de l'éponge à Essence, s'il y avait autre chose, s'il ne s'agissait que d'un talent mésusé, d'une opportunité qui n'attendait que d'être mise en valeur alors il fallait lui en donner l'occasion. Certes, il était déjà chez Magnus. Certes, il ne s'agissait pas vraiment d'un recrutement. Certes, elle outrepassait un peu ses prérogatives. Mais prévenir valait toujours mieux que guérir et s'il fallait, au final, trouver quelqu'un pour remplacer le sieur Wells, alors, c'était sa responsabilité, quelque part. - message a écrit:
- M. Joshua Wells est prié de se rendre dès que possible au Bureau des Recrutements et du Personnel.
E.S Hilbilge Le message avait à peine eu le temps de sécher avant d'être introduit dans le complexe réseau de tubes. Sans réfléchir plus longtemps au problème, elle ajouta une ligne dans son répertoire personnel, précisa les dispositions prises et rangea l'ouvrage dans un tiroir. Elle releva les yeux. Sept minutes. Assez rit. La transgression ne doit être permise que selon certaines règles bien définies. - règle 39 Lissant sa longue jupe blanche, Eirlys retourna à son bureau. Les rires s'étaient tus et l'odeur du café avait l'amertume du marc trop longtemps macéré. Dehors, on n'entendait plus que le grattement des plumes et le cliquetis des machines à écrire. Parfois, un maladroit faisait tomber des feuilles ou se cognait à son bureau. Parfois, un bruit d'air annonçait l'arrivée ou le départ d'un nouveau message. La fin de matinée s'annonçait studieuse. D'un geste las, la benjamine Hilbilge attrapa un énième rapport sur la souffrance d'une équipe en sous-effectif, là-bas, quelque part, dans les locaux de Magnus...
Dernière édition par Eirlys S. Hilbilge le 23.11.15 14:21, édité 3 fois |
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| Sujet: Re: Page blanche | Janvier 125 | Joshua [terminé] 29.10.15 12:26 par Joshua Wells | Citer Editer Supprimer |
| « Page Blanche » ft. Eirlys Hilbilge part 1 Du pain sur la planche, Une nouvelle publicité à pondre... Page blanche. Ce matin, c'est tout juste si Joshua est à l'heure, évitant, de justesse, le retard. Le café en intraveineuse, des cernes noires et marquées, un pas nonchalant, les deux mains dans le fond des poches. Il n'a pas envie. Pas envie de venir travailler, pas envie d'être le larbin de Magnus. Si seulement il pouvait se passer de ce travail, si seulement on achetais ses livres. Peut-être, si il avait davantage de renommée dans les milieux universitaires, pourrait-il être professeur. Peut-être. Pour l'heure, il était tout juste bon à concevoir des publicités vantant l'entreprise. Il était une fabrique de propagande. Si plus d'espoir habité son cœur, il déchirerait sans doute ses propres affiches, lorsqu'il errerait, au cœur de la nuit, dans les ruelles de Pelagia. Cette propagande qui illusionne les Hommes, qui leur donne de l'espoir. C'est semer de l'espoir au vent, le cultiver. Et ainsi raréfier le désespoir, moins utile que l'espoir pour la société, pour le monde, pour l'humanité. « On raréfie ainsi le désespoir, quand, en réalité, il est universel. Le rare ce n'est pas d'être désespéré, au contraire, le rare, le rarissime, c'est vraiment de ne pas l'être » 1 Mais la propagande est là. Et lui, désespéré, plutôt que de tuer son propre travail, il l'observe, et soupire. Remarquez donc qu'aucune affiche ne porte une marque, une signature, qui pourrait le relier à lui. Si il avait honte de son travail ? Oui, indiscutablement. Un jour, il abandonnerait tout cela. Joshua a du pain sur la planche. Une nouvelle publicité à pondre. Et devant lui, une page blanche, qui restait blanche. Il soupire, bois une nouvelle gorgée de café brûlant. Et un papier lui parvient. Une convocation. Une convocation, naissant certainement d'un énième rapport sur son travail, sa personne, ses cernes, sa fatigue. C'est que Joshua est un employé pour le moins particulier. Il se lève, boutonne la veste de son costume, bois à nouveau, et pose sa tasse de café sur son bureau. Le bureau des Recrutements et du Personnel donc. Et pas plus d'émotion que cela. Pas d'appréhension, pas de peur. Il songeait au meilleur, mais surtout au pire. Et le pire ne le bouleversait pas tant. Avec ou sans ce travail, son existence sera tout autant absurde, et dans sa tête résonne toujours la réconfortante mélodie du suicide. Il toque à la porte pour s'annoncer. Et entre. - On m'a demandé... ? Joshua apparaît dans le bureau de E.S Hilbilge, selon la plaque. Eirlys. La responsable du recrutement. Il referme la porte derrière lui. Avance. S’assoit de l'autre côté du bureau. Peut-être aurait-il dû attendre qu'on l'invite à le faire. A quoi bon attendre ? Plusieurs dossiers erre sur le bureau de la responsable. Parmi eux, le sien. Qu'est-ce qui est écrit à son sujet ? Manque de motivation, peu productive, souvent en retard, toujours fatigué, probable consommateur d'essence ? D'autres feuilles le concernant le présente comme un nihiliste suicidaire, dépressif, noir, morose, nocif et corrosif. Ces feuilles avaient peut-être raison. De la poche de sa veste, il sort son paquet de cigarette et son briquet. Il en tire un bâtonnet de cigarette qu'il porte à ses lèvres. Le briquet dans la main gauche, il relève les yeux vers Eirlys, ou Mme Hilbilge. - Puis-je ? __________ 1 : S.Kierkegaard |
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| Sujet: Re: Page blanche | Janvier 125 | Joshua [terminé] 31.10.15 14:10 par Eirlys S. Hilbilge | Citer Editer Supprimer |
| Les minutes se succèdent, le murmure studieux des bureaux ponctuant chaque seconde. Et puis, une surprise se répercutant dans les différents box. Quelqu'un est arrivé. On n'en entend pas les pas mais on les devine aux voix qui se taisent soudain puis reprennent, un ton plus bas. Déconcentrée, la jeune femme ferme et pose le dossier qu'elle étudiait, attendant de voir si l'on allait s'arrêter, finalement, à son niveau.
Une silhouette haute se détache enfin derrière le store tandis que le son sourd d'une main sur un panneau de bois lui fait lever la tête. Il a l'air grand, Monsieur Wells. Il entre sans être invité. S’assoit de même. Derrière sa veste boutonnée – symbole de fermeture à l'entretien – on devine un homme mince, maigre peut-être, à la peau diaphane et aux marques noires sous des yeux vides. Ses doigts fébrile attrapent un paquet de cigarette, en tirent une. Et finalement, la question. D'un ton tout aussi morne, sans émotion, la jeune femme répond simplement.
« Non. »
Elle ne s'est pas levée à son approche, comme elle aurait du le faire. Elle ne lui a pas sourit. Pourtant, malgré ses manquements aux politesses élémentaires, elle ne fronce pas plus les sourcils. Elle le regarde. Avec l'intensité neutre qui est la sienne quand elle ne s'est pas formé d'opinion précise. Elle le regarde et elle se demande ce qui lui vaut cet accueil. Est-ce une arrogance de façade, cachant une peur d'être recadré ? Une position de dominance inconsciente, essayant de prendre le dessus sur l'entretien ? Un réel manque de respect ? Parce qu'elle est une femme ? Parce qu'elle est jeune ? Parce qu'elle est de Magnus ? Elle a vu le regard du publicitaire se perdre sur son bureau. Elle prend le temps d'empiler les dossiers et sort une feuille blanche qu'elle pose entre eux. Pont ou brèche, ce sera à lui de le dire. Elle espère cependant qu'il n'allumera pas sa cigarette. L'odeur s'accrocherait aux tissus pendant des heures et elle trouve que la fumée du tabac lui donne un teint cireux. Seisyll fumait, un peu, quand ils étaient plus jeunes. Elle n'avait jamais réussi à lui faire perdre cette mauvaise habitude.
« Monsieur Wells, j'espère. »
Elle a cillé, une fois, pour hydrater ses yeux et le regarde à nouveau, sans animosité, sans sympathie, avec attention et intensité. Sa voix reste dans les mêmes tons, neutre et sèche, mais pas agressive. Elle ne l'apprécie pas vraiment mais elle n'a pas encore pris sa décision. Après tout, les sentiments n'ont rien à faire dans un milieu professionnel. Et puis il l'intrigue. C'est la première fois qu'elle a l'impression d'être aussi insignifiante dans ce bureau. C'est la première fois également qu'elle n'a pas l'impression qu'on essaie de la faire se sentir particulièrement insignifiante. Elle se mord une nouvelle fois la lèvre porte ses mains sous son menton, son stylo immobile sur le sous-main. Elle avait prévu une ligne directrice, elle décide de partir sur totalement autre chose.
« Que pensez-vous de votre travail, Monsieur Wells ? »
Ses sourcils ponctuent l'interrogation. Doucement, elle attrape son stylo. Ses yeux arrêtent de fixer l'homme pour tourner leur attention sur la feuille de papier. D'une écriture nette et sans hésitation, elle note le nom de l'homme, la date, l'heure. Puis, elle attend. Relevant les yeux sur lui, intense, presque curieuse. |
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| Sujet: Re: Page blanche | Janvier 125 | Joshua [terminé] 02.11.15 14:13 par Joshua Wells | Citer Editer Supprimer |
| « Page Blanche » ft. Eirlys Hilbilge part 2 Comme un couperet, non. Joshua fourre son briquet dans la poche de sa veste. Interdiction de fumer dans le bureau de la responsable du recrutement : noté. Un soupire presque imperceptible franchit ses lèvres, lorsqu'il en dégage le bâtonnet de nicotine, qui retrouve alors ses comparses dans le paquet de cigarettes. Une brise, à peine. Tout disparaît alors dans le sombre de son manteau, si ce n'est sa figure fatiguée par les heures de sommeil en retard. Il est encore à demi-penché, la main dans sa veste, lorsqu'elle demande, indirectement, une confirmation quant à son identité. Il ne lève pas le regard, murmure, comme pour lui-même au final : - C'est lui-même, oui. Joshua Wells.Il se redresse alors. Cherche le regard de la responsable, et le soutient. Elle ne cligne pas des yeux, ou presque pas, et il le remarque. L'on pourrait penser à de la défiance, oui, à un manque de respect, également, et même à de l'arrogance. Et pourtant, ce n'est rien de tout cela. Mais peut-être y a-t-il un peu de cela. Peut-être tout est plus profond, moins simple, et que les mots ne font que s'écarte de la vérité, trahissant la profondeur, saignant le réel, incapable de transcrire ce qui est vrai. Qu'importe qu'elle soit une femme, qu'elle soit jeune. Peut-être pense-t-elle que c'est à cause de cela qu'il a cette attitude. Et dans un tel cas, elle se fourvoierait. Peut-être essayera-t-elle d'aller plus loin, plus profondément dans les ténèbres. A ses risques et périls. Les autres mots d'Eirlys tombe aussi sec que son « non ». Elle est sérieuse. Trop sérieuse. C'est dommage. Elle lui demande ce qu'il pense de son travail. Un sourire éphémère sur les lèvres de Joshua. Ses yeux se ferment une seconde, plus longtemps qu'un simple battement, comme-ci le sommeil jouait avec ses paupières. Il ne s'endormirait pas, non, pas avec le café qu'il a bu. Mais Morphée joue de même. Salopard. - Ce que je pense de mon travail ? Vous voulez dire de ma productivité, ou de mon poste ? Parce que l'un dans l'autre, c'est pas glorieux.Elle note quelques informations le concernant, et concernant cet entretien, sur une feuille posée devant elle. Nom, prénom, date, heure. Et relève les yeux sur lui. Joshua fuit son regard. Non par crainte, mais pour observer les lieux davantage. Elle, n'observait que lui. Lui, son regard était plus large. Parce qu'elle connaissait déjà ces murs, cette pièce. Et que lui, non. C'est la supériorité de celui qui découvre face à celui qui est las. - Je n'aime pas mon travail. J'aime pas venir ici. Si j'avais la certitude de ne pas crever de faim en claquant la porte, je l'aurais déjà fait. Et quant à ma productivité, il convient de dire qu'elle est largement influencée par ce manque de motivation.Il passe sous silence ses insomnies et ses terreurs nocturnes qui ne sont pas sans avoir un effet sur son énergie, et donc sa productivité. En revanche, il n'hésite pas à évoquer son dégoût pour son travail, qui n'est là que pour lui apporter de l'argent, et de pouvoir continuer à vivre bien que misérablement. Pouvoir manger. Boire. S'acheter des essences, du café. Et de l'encre, et des feuilles, et des livres. Le strict nécessaire à sa survie dans cet univers absurde et abscons. Quelque part, il n'est pas sans savoir que sa réponse franche et direct soulève quelques questionnements. Ces réponses déplaisantes pouvaient lui faire perdre son travail. Mais lorsque nous n'avons plus d'espoir, que nous atteignons les cimes du désespoir, et les profondeurs de l'amertume... notre qualité première n'est pas la lucidité, mais une franchise désintéressée, pouvant tout aussi bien être un défaut de plus détestable. - Vous savez comment je fonctionne, mademoiselle... Hilbilge ? Je veux dire, là-dedans ?Du bout de son index, il tapote sa tempe, comme pour désigner son crâne. Oui, peut-être faudrait-il faire un détour par son cortex cérébral, son esprit, pour parvenir à une réponse plus concrète, plus profonde. |
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| Sujet: Re: Page blanche | Janvier 125 | Joshua [terminé] 02.11.15 16:15 par Eirlys S. Hilbilge | Citer Editer Supprimer |
| Cigarettes et briquet rejoignent les profondeurs d’une poche noire. Petit à petit, l’écheveau se démêle, l’homme se dessine derrière l’ombre. Il répond, avec plus de mots que nécessaire, caché derrière ses cheveux, comme si son identité était un poids, quelque part. Et puis, il se redresse, toujours aussi grand, pour soutenir son regard. Elle le laisse faire, soulagée qu’assis ils soient à peu près à la même hauteur. Elle n’aime pas lever les yeux sur les autres. Elle préfère les voir en face.
Elle trouve étrange cependant, cette impression d’affrontement pacifique entre eux ; Tous les ingrédients sont là pour une étincelle, et rien ne vient.
Rien que du silence et quelque chose d’indéfinissable qui attise la curiosité de la jeune femme. Il est arrogant, il est désagréable, il est détestable dans sa position face à autrui. Comme si l’autre n’était rien. Et pourtant sans fierté. Comme si lui-même n’était rien. Comme s’il mettait tout le monde au même plan et que ce plan était à peine humain. C’est débile comme impression, et pourtant c’est ce qu’elle ressent. Sauf qu’elle est elle, et qu’il est lui et qu’ils sont humains tous les deux, et que les règles, et que les codes, sont là pour une raison. Peut-être est-ce là la raison de son malaise. Peut-être n’a-t-il pas compris les enjeux derrière la société. Comme il n’a pas compris son unique question, qu’elle pensait simple, pourtant.
Sa réponse n’en est pas moins intéressante. Monsieur Wells semble être conscient de la nature de son travail. Derrière son explication simple, se cache une douleur, celle de ne pas aimer ce que l’on fait. Celle de savoir que l’on fait mal. Mais elle dévoile également un manque d’énergie. Cet entretien, ce n’est pas lui qui l’a demandé. Elle n’a pas de trace dans son dossier d’un essai d’amélioration de ses conditions. Comme s’il était malheureux mais ne faisait rien pour y changer quoi que ce soit. Elle le regarde fuir son regard, chercher dans son bureau quelque chose de quoi ? Rassurant ? Familier ? Ou qui la dévoilerait elle, peut-être. Mais les murs du bureau sont blancs, les étagères remplies de livres au kilo, décorées de bibelots institutionnels, sans sens. Seule, une petite balance de cuivre aux poids décorés se devine devant un tome du Code Civil Napoléonien. Et bien sûr, il y a l’immense horloge à balancier qui décore à elle seule tout le mur en face du bureau. Elle le regarde. Elle l’écoute en silence. Elle ne l’interrompt pas. Son stylo reste immobile, pour ne pas égratigner le déroulement de la pensée. La conclusion la surprend, elle n’essaie pas de le cacher. En milieu professionnel, qui s’intéresse à la pensée d’autrui ? Et pourtant, la question est tentante, probablement désespérée. Cet homme qui venait d’avouer travailler mal en toute conscience pour un simple manque de motivation cherchait-il qu’on le reconnaisse quelque part ? Eirlys penche la tête, un léger sourire éclairant son visage poupin.
« Je n’ai pas cette prétention, Monsieur Wells. Je vous soupçonne plus complexe que vous ne laissez vos supérieurs le croire mais je ne pense pas savoir comment vous fonctionnez. Je vous en prie, éclairez moi. »
Elle aurait voulu rebondir sur son mea-culpa précédent, seulement il ne lui en n’avait pas laissé l’occasion, lançant sa perche comme Ismaël son harpon contre la Baleine Blanche. Elle le laissait mordre pour cette fois, curieuse d’en apprendre plus. Elle avait – de toute façon – tout le temps pour reprendre le fil de l’entretien. Il convenait, pour le temps présent, de laisser filer un peu. |
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| Sujet: Re: Page blanche | Janvier 125 | Joshua [terminé] 03.11.15 15:10 par Joshua Wells | Citer Editer Supprimer |
| « Page Blanche » ft. Eirlys Hilbilge part 3 Il fallait alors s'aventurer dans son esprit. En tout cas, dans les premiers sous-sols. Hors de question de la guider, lampe à la main, dans toute cette caverne. Pour la préserver, autant que pour s'épargner la peine d'une telle entreprise. Joshua hoche la tête. « Eclairez-moi », dit-elle. Encore cette lumière inepte. Pour comprendre le philosophe, il ne suffit pas d'allumer la lumière, mais de l'éteindre. Et de laisser le noir nous entourer. Plonger dans les ténèbres. Dans la nuit. - Merci bien.... Quelle importance cependant à ce détour ? Comprendrait-elle mieux cet employé ? Ce publicitaire a la page éternellement blanche ? Qu'en tirerait-elle ? Sûrement plus que ce qu'elle pouvait tirer de ses rapports et des observations à deux clous qu'on lui adressait chaque jour. Des observations qui se contentent de la surface. Joshua déteste la surface. Métaphoriquement, il préfère les spéléologues aux randonneurs. Et durant ses errances nocturnes, il se fait randonneur urbain par le corps, et spéléologue par l'esprit. Le philosophe prend une inspiration pour entamer son argumentaire, Joshua se sent, professionnellement, sur un fil. Il sait qu'il peut chuter, et partir dans les prochaines minutes, sans jamais remettre les pieds à Magnus. Quelque part, il avait toujours su que ce jour arriverait. Peut-être serait-ce aujourd'hui, peut-être. En quelques secondes de silence, il organisa sa pensée. Jusqu'où remonter ? Jusqu'aux insomnies, évidemment. Il fallait faire un détour par les insomnies. La nuit, comme une éducatrice sans pitié. - Jeune, j'ai perdu le sommeil. J'ai perdu la capacité à me reposer. Et je considère encore aujourd'hui que c'est le plus grand drame qui puisse arriver à un être. Ces insomnies, en plus de me dérégler et d'être à l'origine de ceci... De l'index, il trace un cercle autour de ses yeux, comme pour désigner les crevasses noires qui les soulignaient. Ces cernes, comme des cicatrices enlaidissant le visage, trahissant ses errances et son mal, cachant le bien et le bon qu'il en tirait. - ...ont fait de moi un nihiliste. Je vous passe la définition de l'entièreté d'un tel courant philosophique, et les explications quant à ce que j'en tire et ce que j'y apporte. L'important, c'est que j'en suis venu à être profondément désespéré, dans le sens où je n'espère plus rien. Et maintenant, en un sens, que vend la publicité ? L'espoir d'un monde meilleur à l'avenir. Mon travail est donc à l'antipode de ma philosophie. A partir de cet instant, je ne peux avoir que du mépris pour lui. Et il n'est là que pour m'empêcher de mourir de misère. Un silence s'installe. A cet instant, Joshua ressent plus fortement l'envie de s'empoisonner de nicotine. Il se retient. Il renifle. Alors qu'il se tait, ses mains cessent de se mouvoir en un mouvement brownien, un mouvement revenant le hanter lorsqu'il s'explique, et qu'il n'a pas les mains dans ses poches. Pendant cet instant de silence, à nouveau, il soutient son regard. A l'extérieur du bureau, quelques bruits, des paroles à peine audibles, du mouvement. Une fourmilière. - Ne voyez aucune condescendance ni arrogance dans mes réponses, mademoiselle. Qui serais-je pour vous prendre de haut ? Vous n'êtes rien, et je ne suis pas plus quelque chose que vous.. Mais j'entends par là que, me sermonner quant à mon travail qui n'est pas des plus probants, me licencier, ou m'encourager à redresser la pente, ce serait là un acte d'espoir. Et que cet espoir n'aura, probablement, pas grandes conséquences... Ses lèvres s'étirent en un sourire désolé. Il se souvient de ce qui l'avait poussé à venir travailler ici : Pas tant la faim que le manque de moyens pour s'acheter des essences, pour s'acheter de quoi dormir, entre deux terreurs nocturnes. Ce n'était pas l'envie, non, ni même l'intérêt. Rien d'autre que le besoin de se sortir de la misère. - En d'autres termes, je pense que vous prenez là le risque de perdre votre temps. Mais peut-être serez-vous surprenante. |
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| Sujet: Re: Page blanche | Janvier 125 | Joshua [terminé] 03.11.15 16:05 par Eirlys S. Hilbilge | Citer Editer Supprimer |
| Il lui propose alors une plongée dans son esprit. Ses mots sont simples, ses phrases sont courtes. Les liens logiques ne se font pas toujours, tous les insomniaques ne se mettant pas à la philosophie (certains en fabriquent du savon) d’autant plus que la compréhension de l’esprit est mal vue à Pélagia et que si la jeune femme est toujours curieuse de comprendre l’âme des gens, elle sait qu’il est impossible pour elle de le montrer. Joshua, cependant, à s’anime et se transporte à travers ses paroles. Elle entrevoit un peu l’homme sous l’employé qui cherche derrière des mots simples et sans saveur à transmettre ce qu’elle ressent comme une détresse. Car il n’est pas de philosophie qui empêche de travailler dans n’importe quoi d’autre que l’exact inverse de ses certitudes profondes. Il ne se rend pas compte de ce qu’il dit – décide-t-elle – ou de ce qu’il dévoile. Une pulsion forte d’auto-destruction, un plaisir sadique à la difficulté, quelque chose en lui qu’il combat ou déteste. Elle ne le plaint pas. Elle constate. Elle écoute. Et, une fois qu’il a terminé, elle attend. Elle réfléchit. Elle ne sourit pas malgré une envie soudaine. Déjà parce que son sourire triste est douloureux. Ensuite parce que malgré l’amusement que lui procure la note d’espoir qu’il n’a pas pu s’empêcher de glisser à la fin de son discours contre celui-ci, elle n’est pas là pour montrer ses propres sentiments. Elle n’est pas là pour parler d’elle, pour se dévoiler. C’est une situation professionnelle. Doucement, elle repose ses avants-bras sur son bureau, ses poignets se levant pour jouer avec ses doigts. « Vous n’êtes pas là pour que je vous sermonne, Monsieur Wells. Ni pour que je vous encourage. Je ne suis pas votre mère. Vous êtes là parce que j’ai un problème et que je cherche une solution. » Lui faisant signe de ne pas parler, elle s’arrête un moment pour mieux choisir ses mots, tourner ses phrases selon ce qu’il lui avait apprit sur son fonctionnement. Elle se mordit la lèvre, leva le bras, posa son menton sur son poing, pensive. Un léger soupir s’échappe de son nez. Elle se sent lasse. Il la fatigue. « Je crois… » elle hésite mais elle se reprend. « Je crois que vous regardez votre emploi de la mauvaise façon. Notre publicité, votre publicité, ne sert pas à vendre l’espoir mais à perpétuer le status quo. Nous souhaitons la stabilité, la sécurité. Assez paradoxalement, l’espoir est une menace pour cette stabilité. Il rallie les causes, il renforce les liens, il crée des forces qui n’existaient pas. Nous ne voulons pas de ces forces. » Elle soupira à nouveau au souvenir de son frère qui avait toujours été si fort pour espérer, qui ne s’était jamais satisfait de ce qu’il avait, de ce qu’il n’aimait pas. L’homme en face de lui était l’antithèse de son jumeau. « Monsieur Wells, votre publicité doit toucher le cœur des gens, les former sans qu’ils ne s’en rendent compte pour les conformer aux attentes et aux besoins de l’entreprise. C’est un travail délicat qui ne peut être fait à contre-cœur. C’est un travail d’artiste. C’est comprendre l’humain et le modeler. C’est un défi. » Elle haussa tranquillement les épaules. « Vous êtes, je pense, un homme intelligent, probablement plus que beaucoup d’entre nous ici. Ce que je viens de vous dire ne doit évidemment pas sortir de ce bureau mais je pense qu’il était nécessaire que ce soit dit, afin que vous puissiez prendre une décision en connaissance de cause. » Plus assurée, elle se pencha en avant, cherchant le regard de l’employé, cherchant le regard de l’homme. « Vous êtes ici parce que j’ai un problème. J’ai un poste qui ne fonctionne pas. Je dois faire en sorte qu’il fonctionne. Est-ce que vous vous pensez capable de reprendre ce poste et de le faire fonctionner, Monsieur Wells ? » Elle veut une réponse honnête. Elle y croit d’ailleurs. Jusqu’ici, il n’a jamais tenté de lui mentir, ou alors, il l’a fait tellement bien qu’elle ne s’en est pas rendu compte.
"Et si non, qu'est ce que vous me proposez pour régler mon problème ?" |
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| Sujet: Re: Page blanche | Janvier 125 | Joshua [terminé] 04.11.15 22:44 par Joshua Wells | Citer Editer Supprimer |
| « Page Blanche » ft. Eirlys Hilbilge part 4 Joshua ne lui avait fait découvrir, au final, que les parois de l'entrée de la caverne. Il avait refusé de la faire entrer plus profondément en lui. Il pensait que cela suffirait. Qu'elle comprendrait. Qu'elle comprendrait qu'il n'est rien d'autre qu'une carcasse saccagé, étranglé par l'absurdité du monde et de la condition humain. Et qu'à partir de cet absurdité, après avoir fait un pas dans le nihilisme, tout devient sans intérêt. Son travail, cette ville, les gens, lui-même. La fourmilière avait beau se construire, grouiller de vie, constituer une société, élire des monarques, engendrer l'art, communiquer, être capable d'émotion... Elle n'en restait pas mois une fourmilière. Insignifiante.
Alors, elle lui vend le fait que la publicité ne véhicule pas l'espoir. Que l'espoir est néfaste pour Magnus. Qu'il vaut mieux que les Hommes ne se rallient pas, ne nouent pas de liens, ne créent pas de force qui pourrait faire basculer le monde. Joshua sent quelque chose en lui vaciller, sans le comprendre. Cette idée ne lui plaît pas plus que l'espoir semer à tour de bras. Sans qu'il ne puisse se l'expliquer. Pourtant, il se fout pas mal, lui-même, de nouer des liens. Il ne s'est jamais rallié à une cause. Il se rit de la Compagnie. Il n'a jamais ignorer les principes de la propagande. Il ne s'est jamais bercer d'illusion, il l'a toujours su présente dans toute société. Mais tout cela lui passait bien au-dessus, ou peut-être était-ce lui qui était trop haut pour que cela l'atteigne. D'un coup, elle l'atteignait. De plein fouet. - Vous me parlez donc de modeler des âmes pour les besoins de l'entreprise. Et pour les modeler, vous me demandez de comprendre les Hommes ? Dîtes-moi, mademoiselle Hilbilge, modeler la pensée d'une communauté, sans que celle-ci ne s'en aperçoive, pour contribuer au bon déroulement de la société... ce n'est pas un peu... dictatorial comme procédé ? L'idée d'être un engrenage de cette machine lui déplaît alors. Peut-être son inconscient avait-il sentit cela, et refusait alors de participer à cette mascarade. Il se souvenait alors de pourquoi il avait, plus jeune, décidé de ne vivre que de sa plume. Il s'était illusionné en affirmant que, en tant que publicitaire, il vivrait de sa plume, car ce métier demandant avant tout le sang de sa plume. Mais il n'avait fait que jouer sur les mots pour se convaincre. Car il n'avait plus de jouer. C'était cela, ou mourir. - Je n'ai pas signé mon contrat en tant que psychologue à tendance despotique. Mon travail d'artiste, comme vous le dites, est peut-être sur une de vos étagères, je ne sais pas, je ne vois pas très bien d'ici. Ce que vous me demandez... ce n'est pas un travail d'artiste. Joshua soupire. Encore une fois, il aurait envie d'une cigarette. Ou d'un café. Encore. Il se penche en avant, ses coudes sur ses genoux, ses doigts droit contre le bout de leurs semblables de gauche. Il se sonde un instant. Il n'a jamais pus s'expliquer ce problème de la page blanche qui le hantait. Pas seulement au travail. Partout. C'était comme les insomnies. Inexplicable. Et pourtant là. - Je ne sais pas si je suis capable de le faire fonctionner. Peut-être bien que ce problème de page blanche sera dissolu dans quelques jours, ou dans quelques semaines, quelques mois. Je n'en sais rien. La réponse lui vint alors. Ses yeux se fond plus grand. Il ne la regarde plus. Il se concentre sur un point fixe, et son regard se perds. Absent. Engloutis. Ailleurs. Comme lorsque jeune, il marchait au cœur de la nuit, et qu'il se perdait. Alors, Joshua murmure, comme pour lui. Elle l'entends sans doute, mais il murmure, tout d'abord, pour lui. Pour mettre des mots sur sa pensée, quitte à l'esquinter par le verbe. - Ce qui me faudrait... ce serait une Muse, peut-être. Oui, une Muse, qui sait... |
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| Sujet: Re: Page blanche | Janvier 125 | Joshua [terminé] 05.11.15 16:17 par Eirlys S. Hilbilge | Citer Editer Supprimer |
| Dictatorial ? Evidemment que c’était dictatorial. La propagande l’est toujours. « La liberté, c’est l’esclavage » avait écrit un auteur de la surface. Pélagia avait commencé comme un empire. Et le conseil qui les guidait n’avait rien d’élu. Il était nommé par une élite déjà au pouvoir et si, pour l’instant, l’accession n’était pas héréditaire, rien n’empêchait qu’elle le devienne un jour. C’était injuste mais c’était la loi. Et Eirlys préférait la stabilité de la loi à l’illusion de la justice. Joshua, visiblement, n’avait pas encore compris toutes les implications de la société dans laquelle il vivait. Elle bénissait ceux qui arrivaient à ce stade de dénégation. Elle, elle était entrée dans le monde les yeux grands ouverts. Encore une fois cependant, elle le laisse parler. Dévoiler ses illusions, ses idéaux, son âme et son esprit. Parce qu’elle aime bien l’écouter. Elle se sent attirée par le désespoir qu’il exprime. Par son aveuglement. Par ses convictions et ses principes. Son absence exprimée d’espoir et ses illusions. C’est un esprit complexe dont elle se doute bien qu’elle ne fait qu’effleurer la surface. Si elle arrive à mettre cet esprit de son côté, à le faire travailler consciemment et avec son âme, elle le pense capable de grandes choses. Elle n’est pas certaine cependant de pouvoir accomplir un tel miracle. Il faut dire qu’il ne l’aide pas, à repousser tout ce qu’elle dit. Peut-être qu’il a raison et qu’elle se trouve face à un mur. Tant pis. Les profondeurs sont faites pour être illuminées. Règle 22. Les ténèbres n’ont jamais été sa tasse de thé. Elle sourit, pour la première fois, avec une douceur amusée qui est rare lorsqu’elle travaille. On y voit un peu de sa désillusion à elle, de sa douleur. On y voit aussi la jeune femme gaie et rieuse qu’elle avait été, avant. En offrant ce sourire, en ne le cachant pas, elle tente un lien avec l’homme en face d’elle. Elle sait qu’elle risque surtout de se le prendre en pleine figure, mais elle tente. « Je n’ai malheureusement pas de Muse dans mes placards, Monsieur Wells. » Elle n’est pas assez bête pour croire qu’il essaie de la flatter en insinuant qu’elle pourrait en être une. Elle soupçonne qu’il pense à une autre. Seisyll faisait pareil parfois, quand il pensait à la sienne. Plus sérieuse, elle attrapa son stylo et commença à le faire tourner entre ses doigts. « Je pense, cependant, comprendre ce que vous me dites. Je suis désolée si je vous ai choqué en vous dévoilant les dessous de votre tâche, je pensais que vous l’aviez comprise et que c’était ce qui vous bloquait. Personne ne vous oblige à travailler dans un domaine si contraire à vos croyances, à votre être. Il y a plein d’opportunités en dehors de Magnus qui ne demandent aucun talent particulier. Vous auriez pu être serveur, prêtre, commerçant, aide… » Elle sait que cela sonne comme un début de licenciement mais il n’en est rien, elle veut juste lui faire entrevoir un peu ce qu’il fait de lui-même, et pourquoi. Car si mettre Joshua à la porte serait une façon rapide et efficace de régler son « problème », elle n’en a pas envie. Elle continue à pensé qu’il est simplement mal utilisé, que l’on pourrait lui trouver un poste plus adapté. « Mais encore, vous avez un talent particulier qu’il serait dommage de gâcher. Prenez notre conversation pour une opportunité et dites moi en quoi pensez-vous pouvoir être utile à Magnus. Quelle tâche vous conviendrait le mieux, à votre avis ? Qu’est ce que vous pourriez avoir envie de faire ? » |
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| Sujet: Re: Page blanche | Janvier 125 | Joshua [terminé] 09.11.15 0:20 par Joshua Wells | Citer Editer Supprimer |
| « Page Blanche » ft. Eirlys Hilbilge part 5 Peut-il sincèrement croire en un être providentiel, qui viendrait alors le tirer de son impasse ? Qui viendrait le soigner de ce cancer de la page blanche ? Peut-il, sincèrement, y croire ? L'espérer ? Non. Il ne pouvait pas l'espérer. Juste le songer. Rien de plus. Et quand son regard quitte le vide pour revenir à l'amertume du réel, ses yeux se teintent de cette pensée. Ses lèvres avaient prié une Muse, mais il n'y avait aucune foi dans sa prière, qui ne serait jamais exaucé. Jamais. La responsable du recrutement, sourit. Et confirme que l'être providentiel ne viendra pas. Pas d'elle. Pas de suite. Joshua note ce sourire. Il le note comme singulier. Au bout des lèvres de cette femme, il y voit quelque chose de fêlée. Il sourit à son tour. Un rictus tordu, d'amusement et de déception. - Bien sûr que non. Elle fait tourner son style entre ses doigts. Elle lui parle d'autres opportunités. Lesquelles ? Commerçant. Prêtre. Serveur. Non, jamais. Non pas qu'il dénigrait ces métiers, ni même qu'il les méprisait. Mais... non. Pas pour lui. Il ne vivrait que de sa plume. Il s'en tiendrait à cette conviction profonde que, dans l'absurdité de cet univers, la sienne trouvait son apogée dans la plume. C'était là son calling. Son appel. Son appel dans les tréfonds de l'absurde. Il est vrai, cela commence à ressembler à ses propos que l'on tient en préambule d'une mauvaise nouvelle. Il s'attendait à être renvoyé. Depuis longtemps. Sans pour autant avoir peur de ce licenciement. Et il la sent approcher. L'heure. L'heure de ce moment fatidique où il retrouverait la misère, et serait libéré de son travail. Mais elle ne vient pas. On lui propose autre chose. De disposer de lui-même, de se reconvertir, au sein de Magnus. Un sourire vint soulever le coin droit de ses lèvres. Et Joshua se lève. Sa main passe sur son visage, l'écrase, comme pour le tirer de quelque chose, de quelque part. Il pense. Effectue quelques pas dans le bureau. Le silence et le calme n'est alors que perturbé par le bruit de ses pas, de ses chaussures sur le sol. Et s'arrête de marcher. - Pensez-vous vraiment, mademoiselle Hilbilge, qu'une autre fonction pourrait me convenir. Regardez-moi, il n'y a nulle part d'autre où je pourrais vous être utile. Je n'ai que ma plume, rien que ma plume, et il n'y a que d'elle que je peut, que je veux, vivre. En ce moment, je suis incapable de faire mon travail. Un rouage est fatigué. Peut-être lui faut-il tout simplement un peu de repos.Car non, il n'y a aucune tâche dans cette entreprise qui ne lui conviendrait. L'aspect dictatorial de son travail lui déplaît, mais n'est pas tant ce qui l'empêche de le faire, ce travail. La publicité est à l'encontre de ses principes, de sa pensée, de sa philosophie, et pourtant, n'arrivait-il pas, auparavant, à passer outre ? Si. Il était le père de plusieurs publicité. Mais ne pouvait plus enfanter aujourd'hui. Comme si il était subitement devenu infécond. Comme si il était tombé malade. Malade... - Je suis malade.Il le reconnaissait enfin. Ce mot franchissait ses lèvres. Malade. Il était malade oui. Mais ne souffrait d'aucune pathologie. Son mal n'était pas biologique. Son mal n'était pas psychologique. Son mal était métaphysique. Métaphysique, et sans remède. Droit, devant le bureau d'Eirlys, Joshua fourre les mains dans ses poches. Peut-être était-ce le fin mot de cette entrevue. Le rouage n'était pas brisé. Il n'était pas grippé. Il était malade. Tout simplement malade. Une entreprise est une machine de chair et de sang, non pas de vapeur et de mécanique. Elle souffre des maux humains, non de ceux des robots. - Considérez-moi comme tel.
Dernière édition par Joshua Wells le 13.11.15 9:41, édité 2 fois |
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| Sujet: Re: Page blanche | Janvier 125 | Joshua [terminé] 09.11.15 11:49 par Eirlys S. Hilbilge | Citer Editer Supprimer |
| Il se lève, il tourne, il se presse la figure et comme la rengaine il va, il vient, il vire, il tourne, il se traîne1. Le bruit de ses pas couvre celui, discret, de l’horloge et soudain il rempli toute la salle de ce que la jeune femme perçoit comme de l’angoisse ou quelque chose d’approchant. Sa main presse son visage, comme s’il était pris dans les remous d’une réalisation quelconque ou qu’il avait l’impression de se noyer, elle ne sait pas encore. Un tel étalage d’énergie après une entrevue si léthargique la surprend et l’effraie un peu. Elle y voit une violence qu’elle n’avait pas vue. Une agressivité qu’elle pensait endormie. Et pourtant, il avait été agressif au début de l’entretien, elle l’avait juste oublié. Ce n’est pas tellement qu’elle a peur pour elle, qu’elle craint qu’il ne s’en aille et la plante là. Qu’il l’oblige à faire ce qu’elle n’a aucune envie de faire, le licencier. C’est la peur d’un échec. D’une erreur. D’une pièce mal posée sur l’échiquier. Et puis il s’arrête. Il la regarde. Il reprend la parole. Elle le fixe pour mieux comprendre, pour saisir chaque mot, chaque intonation. Elle veut vraiment mettre le doigt sur le problème. L’attraper, le retourner, le régler. Alors elle écoute de tous ses yeux, sans ciller, sans rien dire, sans juger, sans expression non plus. Elle attend. Elle entend. Elle apprend. Elle se mord la lèvre aussi parce qu’il ne l’aide pas, parce qu’il donne toutes les mauvaises réponses, parce que le problème est ardu et qu’elle a du mal à garder le fil de l’entretien avec les déclarations grandiloquentes et les gestes décalés. « Rasseyez-vous, Monsieur Wells, s’il vous plait. » Il est tellement grand qu’elle se sent toute petite et elle n’aime pas ça. Elle baisse les yeux sur sa feuille pour noter les grandes lignes de l’entretien. Qu’il est venu à l’heure, qu’il a reconnu le problème, qu’il se dit malade. Elle en rentre pas dans les détails. Ces notes sont pour elle, à la rigueur pour lui, pour le rassurer mais certainement pas pour la direction. Elle n’a pas encore décidé de ce qu’elle leur dira, à eux. Elle s’est appliquée cependant pour qu’il puisse lire de sa chaise s’il le décide. Elle pose son stylo et relève les yeux. Ses avants bras posés sur le bureau ont des faux airs de sphinx. Elle se sent légèrement stupide mais le cache de son mieux. « J’entends votre souffrance. Le soucis étant que si je vous déclare malade et inapte au travail, cela signifie des tests médicaux pour être certain que vous ne simulez pas, peut-être un aménagement de poste loin de cette plume que vous semblez tant aimer, voire un licenciement pour une cause aléatoire car la société ne peut s’encombrer de membres malades. Je resterais avec mon problème et vous votre misère. Vous considérer comme malade n’est pas la solution que nous cherchons. Même si j’admet que, pour vous, c’est un pas dans la bonne direction. » Qu’il soit malade, elle n’en doute pas mais les maladies mentales sont mal vues à Pélagia et il n’a pas besoin d’être encore plus mal vu. Elle respire un peu et continue. « Je pourrais, à la rigueur, envisager un aménagement de poste pour vous faire travailler à domicile si cela peut vous aider à vaincre votre blocage. Il faudrait convaincre le médecin d’une impossibilité momentanée de vous déplacer mais...enfin je ne suis pas certaine que ce soit une bonne chose pour Magnus… ni même pour vous, à y réfléchir plus avant. A voir. » Elle réfléchit à voix haute sans vraiment mettre de frein à ses pensées. Elle fait simplement attention à ne rien dire qu’elle ne pourrait assumer si l’on lui renvoyait ses paroles en haut lieu. On ne sait jamais. « Quand vous dites que vous ne pouvez et ne voulez vivre que par votre plume, s’agit-il de création littéraire pure ou est ce que la compilation et le travail d’archives et de recherche pourrait vous convenir en attendant que vous alliez mieux ? »
1"Dit quand reviendras-tu" Barbara |
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| Sujet: Re: Page blanche | Janvier 125 | Joshua [terminé] 13.11.15 9:42 par Joshua Wells | Citer Editer Supprimer |
| « Page Blanche » ft. Eirlys Hilbilge part 6 Joshua se tenait droit devant le bureau. Son regard devait plomber pour atteindre la responsable du recrutement. Dans le fond de sa poche, il sentait son paquet de cigarette. Il avait envie de fumer. D'inspirer ce goudron, de le laisser l’empoissonner, et expulser cette fumée dans laquelle il concentrait sa folie. Si fumer le tuait à petit feu, la nicotine l’apaisait. Ce qui n'était pas un moindre mal pour le philosophe. Mais il ne fumerait pas. Pas dans ce bureau du moins. Quand il aurait franchis cette porte, en revanche, licencié ou non, il cramerait le bout d'un de ses bâtonnets de mort. Autant qu'aux essences, au café, Joshua était accro' au tabac. Il pensait avoir dit le mot de la fin, mais elle lui demandait de se rasseoir. Être assis, devant ce bureau, pendant qu'on lui mettait sous les yeux ce qu'il voulait cacher, commençait à l'ennuyer. Au final, Joshua n'avait jamais demandé, à personne, de grande chose. Tout juste qu'on le laisse en paix. Pour autant, il ne pouvait en tenir rigueur à Eirlys. Il n'était pas assez idiot pour ne pas comprendre qu'elle essayait de le sauver, ou plutôt de sauver son emploi. Elle ne le licencierait pas, à moins d'un retournement subit de la situation dans cette entretien. Non, elle ne le licencierait pas. Ce n'était pas ce jour-là que Joshua perdrait son emploi. L'insomniaque s’assoit. Il est calme, malgré tout. Elle prends d'autres notes, griffonne sa feuille. De sa chaise, Joshua pouvait voir ce qui était écrit. Il voyait assez pour lire. Mais il ne lis pas. Il n'a pas cette curiosité. Elle pose son stylo, relève les yeux. Elle a une sorte d'impérialité. Une sorte d'impérialité antique. Mais elle ne déstabilisait pas le philosophe, trop pris dans les tourments et l'absurdité de l'univers pour reconnaître un quelconque statut privilégié à quiconque. Elle n'était rien d'autre qu'un rien, un accident, tout comme lui. Le considérer comme malade n'était, pour elle, pas une solution. Pourtant, c'est ce qu'il était. Tant qu'il ne serait pas guérit de ce mal métaphysique, qui n'est ni biologique ni psychologique, quelque chose le freinerait lorsqu'il s'agirait de faire son travail. Au-delà de son travail, ce mal le frène tout autant. Dans sa vie courante, il ressent le poids de sa propre absurdité, du rien dans le monde se jette sans la moindre cohérence. L'univers n'est pas cosmos, il est chaos. Et d'autant plus qu'il n'y a ni de pourquoi, ni de raison, Joshua étouffe. C'est le revers de la médaille de celui qui, dans un moment d'infini clarté, au cœur de la nuit, a compris que rien n'a d'importance, que le monde des Hommes est une chimère dans laquelle ils se complaisent tous. Mais, en vérité, tout le monde est étouffé par l'ennui. Certains vous diront qu'ils sont conscient de leurs conditions d'être humain, mais qu'ils vivent cependant. Ceux-là n'ont sûrement pas vu l'infini. Le silence éternel de ses espaces infinis... « Le silence éternel de ses espaces infinis m'effraie »2 Travailler à domicile ne lui semblait pas inintéressant. Entre l'alcool, le café, les essences, dans ce milieu dépravé, sale et bordelique dans lequel il avait toujours auparavant écrit, son syndrome de la page blanche pour s'effacer, s’estomper, disparaître. Eirlys, cependant, n'était pas convaincu. Joshua n'y mettait pas plus d'espoir, comme il ne mettait d'espoir en nulle chose. La responsable du recrutement formulait sa pensée à haute voix. Joshua suivait alors le déroulement de cette pensée. Et elle revint sur la décision prise par le philosophe, quelques années auparavant : Ne vivre de rien sinon de sa plume. Elle lui proposait un travail d'archive et de recherche. Une seconde de silence. Il s'agissait bien entendu de création littéraire pure. Mais peut-être le temps était-il venu de revenir sur cette décision. « C'est à dire ? » __________ 2 : B. Pascal |
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| Sujet: Re: Page blanche | Janvier 125 | Joshua [terminé] 16.11.15 15:26 par Eirlys S. Hilbilge | Citer Editer Supprimer |
| « C’est à dire que je vais vous proposer un marché, Monsieur Wells. Que vous avez l’après-midi pour y réfléchir et me répondre par « oui » ou « non » avant ce soir dix-sept heures. Si vous n’acceptez pas mon offre, vous restez à votre poste et je ne veux plus entendre parler de vous. Au prochain rapport, je vous traiterais comme n’importe quel employé et prendrait les mesures qui s’imposent. » Elle s’est redressée, son ton est redevenu sec et précis, elle sait où elle va, elle tranché, elle a prit une décision. Celle d’attendre et de voir, celle de tester et de juger. Celle de jauger et de récompenser ou punir. Elle a arrêté de voir le monde en noir ou en blanc, elle a décidé de regarder hors des cases et de se fier à son propre jugement. De suivre son propre modèle. Cela lui fait peur et, en même temps, elle est en paix avec elle-même. Elle pense avoir prit la bonne décision. Les épaules dressées, son regard fixé dans celui du jeune homme, elle a laissé sa lèvre tranquille et ses mains jointes reposent sur son sous-main en cuir, près de la feuille de papier. « Ma proposition, la voici. Vous allez vous rendre, sur mon ordre, demain à la première heure chez le Médecin du Travail. Vous vous débrouillez comme vous voulez mais je veux qu’il vous arrête au moins deux semaines. Trois serait mieux mais deux suffiront si vous craignez de ne pas être convainquant. Je me désintéresse de comment vous ferez, mais il est indispensable que vous passiez cette étape. » Elle leva la main pour calmer une éventuelle protestation. « Je vous crois quand vous me dites que vous êtes malade, seulement ce n’est pas le genre de maladie pour laquelle notre médecin d’entreprise vous écoutera alors vous devrez trouver autre chose. Et avant que vous ne me disiez que c’est impossible, oui, je me doute que vous ne guérirez pas en deux semaines, ou même trois, et non, je n’ai pas l’espoir ou l’intention de vous soigner. » Sa main se reposa, une fois l’aparté terminé et elle reprit ses instructions. Son ton, rapide mais posé, était de ceux qui n’acceptaient aucune critique. Cela ne voulait pas dire que Joshua ne l’interromprait pas. Il s’était montré des plus imprévisible. Elle espérait cependant qu’il ferait l’effort de l’écouter jusqu’au bout, malgré une nervosité qu’elle sentait croissante chez lui, pour une raison quelconque. Un manque d’essence peut-être. Ou un abus. Elle détestait l’essence. « Pendant ces semaines je veux que vous réfléchissiez à des publicités et que vous me les envoyiez par la poste à l’adresse que je vais vous donner. Ne me les envoyez surtout pas ici, il est illégal de travailler en arrêt maladie. N’ayant aucun moyen de prouver que vous n’êtes pas en train de gagner votre vie ailleurs pendant ce temps, j’attends de vous une qualité et une quantité accrue par rapport à votre rythme habituel. Prenez ça comme une période d’essai. » Elle s’interrompit une seconde, attrapa une carte de visite dans son porte-carte sur lequel elle inscrivit son adresse personnelle. Pas de numéros de téléphone, cependant, ce n’étaient pas des avances mais un marché qu’elle lui faisait. « Si votre travail s’améliore, que ce soit parce que vous travaillez de nuit, que vous vivez avec votre muse ou que vous sous-traitez vos travaux, peu importe, je m’arrangerais avec la direction pour que cet arrangement devienne permanent. Vous aurez moins de repos mais la même paie et serez jugé au rendement plutôt qu’à la présence horaire. Si votre travail est sensiblement le même ou que vous me contactez pour me dire qu’au final, le travail à domicile ne vous correspond pas ou que vous n’y arrivez pas, j’ai un poste pour vous dans les archives qui consiste à recenser les publicités déjà produites et à écrire des rapports sur leur efficacité en fonction des buts et des slogans. C’est un travail de compilation mais il pourrait, à terme, qui sait, vous donner une meilleure idée de ce que l’on attend de vous. Si votre travail est mauvais et/ou irrégulier, si j’ai le moindre soupçon de procrastination ou que vous vous moquez de moi, je vous assigne dans mon unité à mon retour et la seule raison pour laquelle vous utiliserez votre plume serait pour de l’administratif pur. » Une petite pause pour reprendre son souffle et repasser dans sa tête les mots qui étaient sortis tous seuls, comme ça, sans vraiment qu’elle y pense. Elle jouait gros jeu. Mais au moins, ce qu’elle faisait était juste. « Est ce que les termes du marché sont clairs ? Si vous avez des questions, c’est le moment de les poser, je n’aurais pas forcément énormément de temps à vous consacrer lorsque vous serez sorti de ce bureau et, pour être franche, je préfèrerais que notre conversation reste entre nous. » |
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| Sujet: Re: Page blanche | Janvier 125 | Joshua [terminé] 21.11.15 23:49 par Joshua Wells | Citer Editer Supprimer |
| Tout serait si simple si ces livres se vendaient. Certes, Joshua redoutait le succès, en cela que le succès est une forme de déchéance en soit. Mais il suffirait qu'il puisse vivre de ses écrits pour éviter tant d'épines supplémentaires sur sa couronne. Parmi elles, son travail, cette entreprise, et ces maudites publicités qu'il voit dans toute la ville. Joshua ouvre ses esgourdes. Souvent, au cours de cet entretien, il se sentait sur un fil, à quelques centaines de mètres de hauteur. Mais il ne serait pas licencié, Eirlys ne le licencierait pas. Pas tout de suite. Une dernière chance, voilà ce qu'il lui offrait. Son dernier round contre sa page blanche. Le ton de la responsable avait changé, et venait confirmer qu'elle avait pris sa décision. Et voilà qu'elle lui proposait désormais un nouveau contrat, un contrat officieux, un contrat où aucun papier ne serait signé, un contrat entre elle et lui. Personne de plus.
Et voici les nouveaux impératifs : Duper le Médecin du travail, gagner quelques semaines de congés, et, pendant ses semaines, se concentrer sur de potentielle pub à proposer, qu'il faudrait alors envoyer directement à l'adresse qu'elle lui remettait. Il s'agissait alors de travailler, chez lui, et de retrouver sa productivité. Peut-être que la nuit l'aiderait alors...Et peut-être ne reverrait-il pas la lumière du jour. Il deviendrait une sorte de mort-vivant, ne rôdant que lorsque les lumières sont éteintes. Il se réveillerait quand tous iraient se coucher. Il serait dans les rues quand plus personnes n'y seraient. Un fantôme, il marcherait comme une sorte de fantôme.
C'était de la nuit qu'était né ses écrits. De la nuit pouvait également naître des publicités pour Magnus. Des publicités qu'il regarderait un instant, en déambulant dans la ville, arrêtant son chemin. Avec un peu de chance, tout comme ses livres, ses publicités ne seront pas lus. Ces publicités qui maintiennent l'ordre, tenant le peuple par la laisse. Avec un peu plus d'engagement dans le creux du cœur, Joshua se serait rebellé. Mais il ne dirait rien. Car tout cela n'avait pas d'intérêt. Le bonheur et la liberté, en somme, étaient dépourvue du moindre intérêt. Les vagues du nihilisme emportaient tout sur leurs passages.
Joshua ne trouvait rien à redire, si bien qu'il ne protesta pas. Et quand bien même, elle ne le laisserait pas protester. Il était juste de penser que le laisser travailler à domicile pourrait lui être bénéfique, même si cela s'apparentait à une forme d'espoir qu'il ne portait pas en son cœur. Même cela, il n'arrivait pas à l'espérer. Il serait des plus heureux si sa plume lui revenait, certes, mais pas d'espoir, non, pas d'espoir. Et puis, travailler à domicile, cela lui épargnait déjà la peine du déplacement. Plus de conduite dicté au travail. Plus d'interdiction de fumer...
Alors la question ne se posait pas plus dans son esprit. D'autant plus qu'il n'avait guère de choix, au final. Le travail d'archivage de vieille publicité que lui proposait la responsable, en guise d'alternative, n'était pas ce qu'il recherchait, bien qu'encore fallait-il qu'il cherche quelque chose. Quelque part, Joshua refusait tout travail, n'acceptant que celui de la plume. Peut-être était-ce parce que, quitte à ne rien faire de concret, quitte à s'acquitter d'une tâche absurde, autant qu'elle lui soit le moins pénible. Et il n'y avait bien que la plume qui le comblait, tout du moins lorsque l'encre coulait de sa pointe. Alors non, il n'y avait pas de débat interne. Pas d'oscillation entre le « oui » et le « non ».
Il se penche légèrement en avant pour attraper la carte que la responsable lui tendait. Il la retourne alors, pour en lire l'adresse, et la mémoriser, et au final, elle tombe derrière le paquet de cigarette, dans la poche intérieur de sa veste, à l'abri dans la doublure noire. Il murmure, alors, en redressant son regard vers la jeune femme :
« Vous n'aurez pas à attendre le soir pour avoir ma réponse, mademoiselle. »
Il se lève, et lise la veste de son costume avant de relever la tête vers son interlocutrice. Ses paupières papillonnent malgré le café. Son regard d'acier désabusé tombe à nouveau dans le sien.
« Je m'occupe donc du Médecin du travail »
Un demi-sourire apparaît sur ses lèvres. Non, il n'est pas heureux pour autant, et pourtant. Il lui reconnaissant, peut-être. Les yeux de Joshua restent un mystère, et son sourire qui tranche son visage autant que les cernes le creuse n'évoque rien, et pourtant tellement.
« Merci »
Il lui tends la main. |
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MESSAGES : 290 POINTS : 3165 PRÉSENTATION : HiéroglypheFICHE DE LIENS : Livre des MortsAUTRES COMPTES : Aucun DATE D'INSCRIPTION : 20/10/2015
| Sujet: Re: Page blanche | Janvier 125 | Joshua [terminé] 23.11.15 14:20 par Eirlys S. Hilbilge | Citer Editer Supprimer |
| C'est à lui. La balle est dans son camp. Derrière son masque impassible et sûre d'elle, elle s'inquiète un peu de sa réaction. Jusqu'ici, le jeune homme a cassé tous ses espoirs et s'est amusé à sans arrêt la prendre à contre-pied. Il s'était montré tour à tour passif, agressif, arrogant et humble, sans jamais que cela ne sonne faux, sans jamais avoir l'air de se contredire ou de mentir, un paradoxe vivant, voilà ce qu'il était. Elle le voit alors se pencher, prendre la carte, la lire, la ranger. Accepter en quelque sorte, sans question, sans hésitation, sans remord. Elle en a, elle. Elle n'est pas certaine de lui rendre service. Travailler à domicile est l'une des choses les plus difficile au monde. C'est se séparer du cadre du travail. C'est amener le professionnel au milieu du personnel. C'est éprouvant pour les nerfs, pour l'hygiène de vie, pour le moral. C'est oublier toute vie privée. C'est renoncer aux vrais moments de repos. Aeder l'avait toujours fait. Il avait toujours amené un peu de Magnus dans leur grande maison. Mais il avait compartimenté cette invasion à son bureau seul. Et l'on savait qu'à l'extérieur de cette pièce, c'était Père et non le Cadre que l'on pouvait aller voir, sur les genoux duquel on pouvait espérer sauter. Mais Joshua ne semble pas conscient du piège. Il accepte. Il sourit. Il a presque l'air reconnaissant. Ca la rend mal à l'aise alors même qu'elle sait qu'elle tente de l'aider. Alors même qu'elle n'essaie pas de l'enfoncer, au contraire. Alors elle enfouit ce genre de sentiment bien profondément dans son esprit et elle se contente de lui renvoyer un sourire professionnel, sans douceur, sans sympathie, mais avec une reconnaissance de son effort et une confiance en lui qu'elle ne ressent pas vraiment. Elle qui n'a jamais eu confiance en personne.
Elle se lève pour lui serrer la main, tentant d'oublier ses cernes, l'étincelle dans son regard et le reste.
« Vous savez quoi faire pour me remercier Monsieur Wells. »
Toujours cette sécheresse et cette froideur. Elle n'a même pas fait exprès de les y mettre cette fois. Ils sont venus tous seuls. Toujours debout derrière son bureau, elle désigne la porte de la main. L'entrevue est terminée. Il est rentré tout seul, il peut bien partir tout seul.
Se rasseyant sans le regarder, la jeune femme prend la feuille quasi-blanche et la range dans son carnet de notes personnelles qui retourne aussitôt dans le tiroir. Elle le remettrait dans sa cachette lorsqu'elle serait certaine d'être seule. En attendant, elle attrape un nouveau dossier sur la pile, l'ouvre sur un nouveau nom, et se perd dans la contemplation d'un nouveau curriculum vitae.
The show must go on. |
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