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Le diamant voit rarement la main du tailleur ; Janvier 125 ; Eirlys
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« PELAGIA »
| Sujet: Le diamant voit rarement la main du tailleur ; Janvier 125 ; Eirlys 01.11.15 19:50 par Constance de Malaussène | Citer Editer Supprimer |
| Il y a de ces tailleurs qui vous promettent le meilleur et ne vous rendent qu'une piètre imitation d'une brochure de magazine de mode, puis, il y a monsieur Laroche. Un personnage intriguant, qui d'un simple regard, sait ce qui vous siérait. C'était visiblement un homme admirable qui avait trouvé sa vocation. Constance l'estimait beaucoup, elle savait que l'argent dépensé pour réaliser ses vêtements était intelligemment utilisé, et que le temps passé était révélateur d'une qualité indiscutable. Ainsi, le deuil d'Yseult prenant fin, un renouvellement de garde-robe s'imposait. Elle poussa la porte vitrée, faisant résonner la clochette, et patienta devant le comptoir, jusqu'à ce qu'Eugène fasse son entrée depuis son bureau :
"Madame de Malaussène ! Quel plaisir, cela fait des semaines qu'on ne vous a pas vue, que nous vaut votre visite ?"
La cliente esquissa un sourire de politesse et s'enquit de répondre :
"Je suis également ravie d'avoir enfin le temps de passer chez vous... regardez comme je suis vêtue, je n'ai même pas pensé à remettre de la couleur à ma tenue. Vous comprenez, je suis d'avis qu'Yseult mérite de reposer en paix et je doute qu'elle aurait apprécié toute cette émotion autour de son décès."
En effet, depuis la mort de la Déité, Constance ne portait que du noir. Non pas qu'elle eût connu personnellement madame Verbeek, néanmoins, il était bien vu, en tant que vice-chef de Magnus, de montrer l'exemple. En outre, le suicide d'Yseult avait ému toute la cité et ses motivations restant floues, mieux valait se montrer également touchée et se fondre dans la foule. Monsieur Laroche acquiesça d'un air compatissant. Très croyant, il n'avait pas besoin de simuler sa tristesse et son incompréhension. Il soupira, passa une main dans ses cheveux et sortit son stylo rangé dans sa poche de costume de l'autre. Il tourna quelques pages de son répertoire afin d'arriver à la lettre M et de vérifier les mesures de Constance.
"Très bien. Selon mon registre nous avions préparé un cadeau pour votre anniversaire, comme nous en avons l'habitude avec nos clients réguliers. Je vais donc commencer par vous l'apporter, comme cela vous pourrez l'essayer et je prendrai note de votre prochaine commande par la même occasion, cela correspond-il à votre agenda ?"
Constance le remercia chaleureusement avant de lui avouer qu'elle n'avait rien de prévu pour le restant de la journée. Ensuite, elle prit place dans un fauteuil en cuir, non loin de la vitrine, alors qu'Eugène disparaissait dans la réserve. Elle croisa sa jambe droite sur sa gauche, ajusta sa jupe noire, tapota son chignon, déboutonna sa veste et finit par joindre ses mains ses genoux. Elle était prête à patienter. |
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| Sujet: Re: Le diamant voit rarement la main du tailleur ; Janvier 125 ; Eirlys 02.11.15 15:33 par Eirlys S. Hilbilge | Citer Editer Supprimer |
| Janvier était toujours plus sombre. Si la ville proprement dite gardait sa luminosité habituelle, les eaux qui l’entouraient semblaient prendre plusieurs tons de noir et de vert. Au dessus du niveau 1, le soleil ne passait plus les ondes et le temps paraissait froid, malgré la température constante. Ce changement jouait souvent sur le caractère de la jeune Hilbilge qui en devenait maussade. Ces deux dernières années cependant, le changement était moins palpable. Après tout, sa gaieté naturelle en avait pris un sacré coup.
Pour remonter le moral de sa fille adorée, Aeder avait décidé de lui offrir une belle robe, au tissu d’un bleu sombre damassé d’argent dans lequel se trouvaient des reflets verts et ocres rappelant les plumes du paon. Une robe d’orage auraient dit les contes d’autrefois, assortie d’un collier de métal blanc qui habillerait ses épaules. De quoi briller dans les salons, être le point de mire des regards, redevenir la poupée de porcelaine qu’elle était avec son frère. Une robe Laroche, pour ne rien arranger. Une robe qu’il allait falloir essayer avant de l’emporter pour de vrai.
Eirlys était en avance, comme souvent. Habillée sobrement d’une simple jupe ocre agrémentée d’un chemisier gris rappelant ses yeux, elle poussa la porte d’un geste décidé, laissant son vague à l’âme se cacher dans ses pupilles sombre. La clochette se chargeant de l’annoncer, la jeune femme parcouru du regard les étagères sur lesquelles trônaient différents modèles et chapeaux. Dans un coin également trônait Madame De Malaussène, Bras Droit de Magnus, Femme Influente, aka « celle qu’il ne faut pas faire chier de façon trop ostentatoire » si on voulait reprendre les ragots des bureaux sur lesquels elle n’avait pas trop trop d’influence. Elle était toute de noir vêtue, tenue normale ces derniers temps puisqu’elle portait ostensiblement le deuil de la Dame Verbeek. Tout ce noir avait, aux yeux de la jeune femme, quelque chose d’indécent. Les plus grande douleur étaient muettes. Celle du Bras Droit criait bien trop fort à son goût.
Pas qu’elle ait son mot à dire, évidemment. Constance n’irait jamais lui demander son avis et elle ne se voyait pas tellement aller parler mode avec son supérieur hiérarchique. Rien que de la rencontrer là donnait une toute autre ambiance au magasin. Elle ne pouvait cependant se permettre d’hésiter et se dirigea droit vers la femme d’affaire.
« Bonsoir Madame de Malaussène. Quelle surprise de vous retrouver là, j’ignorais que vous fréquentiez également l’établissement de Monsieur Laroche. »
Son ton était aimable sans être affable et son sourire poli mais sans chaleur. Elle ne cherchait visiblement pas à faire ami-ami, pas plus qu’elle n’était moqueuse, froide ou désagréable. Elle se pliait juste aux règles de la bonne société. Et comme elle était la moins gradée dans l’histoire, c’était à elle de faire les efforts. Elle reporta son regard dans la boutique, lissant distraitement sa jupe, cherchant quelque chose à dire.
« Il faut bien avouer qu’il possède un œil exercé et un talent non négligeable sur les choses de la mode. »
Et une langue bien lisse pour cirer les chaussures des puissants mais ça, elle ne le dirait pas à voix haute.
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| Sujet: Re: Le diamant voit rarement la main du tailleur ; Janvier 125 ; Eirlys 04.11.15 16:06 par Constance de Malaussène | Citer Editer Supprimer |
| Lorsque la clochette annonça un nouveau client, elle ne s'attendait pas à voir la cadette de son ancien amour caché. À combien d'année cela remontait-t-il ? Une bonne dizaine au moins... Eirlys était responsable des recrutements à Magnus. Constance avait déjà eu l'occasion de s'entretenir avec elle au travail et notamment lors des assemblées générales. C'était une salariée sérieuse, appliquant les instructions sans polémique et très investie, mais ce que sa supérieure appréciait particulièrement, c'était l'ambition qu'elle décelait derrière son regard sombre. Alors que l'ex-maîtresse s'apprêtait à se lever pour aller saluer son adjointe, cette-dernière la devança.
"Bonsoir Madame de Malaussène. Quelle surprise de vous retrouver là, j’ignorais que vous fréquentiez également l’établissement de Monsieur Laroche."
Si elle fréquentait l'établissement de Monsieur Laroche ? Constance haussa un sourcil. Comme s'il y avait un autre établissement pour les habitants du premier niveau ! Elle esquissa un sourire, bien entendu qu'elle ne lui en voulait pas, après tout, avec un père comme Aeder et un frère disparu, il était impossible de ne pas éprouver une certaine empathie.
"Il faut bien avouer qu’il possède un œil exercé et un talent non négligeable sur les choses de la mode."
En effet, cela était certain. De plus, il embauchait ses employés de façon très sélective, chaque couture devait être irréprochable sous peine de licenciement. Magnus devrait en prendre de la graine et mettre au pied de la porte tous les incompétents qui infestent certains pôles. Quittant ses réflexions professionnelles, Constance finit par se lever, afin de tendre la main à Eirlys.
"Bonsoir Madame Hilbilge, je suis aussi surprise que vous. En effet, je suis une cliente régulière de Monsieur Laroche. Vous aussi ?"
Il était impossible qu'elle en soit une cliente régulière, naturellement. Cependant, il n'était pas improbable que sa subalterne y achète quelques merveilles occasionnellement. Constance observa Eirlys quelques instants.
"Comment vous portez-vous ? Si je puis me permettre. Nous n'avons pas encore eu l'occasion de discuter en dehors de Magnus."
La question était délicate mais nécessaire. Il s'agissait ici de lancer une conversation avec un femme dont elle avait secrètement volé le père et dont elle était au courant des catastrophes familiales...
Le tailleur fit son retour à ce moment précis. |
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| Sujet: Re: Le diamant voit rarement la main du tailleur ; Janvier 125 ; Eirlys 05.11.15 15:44 par Eirlys S. Hilbilge | Citer Editer Supprimer |
| La jeune femme resta impassible aux levés de sourcils et aux sourires de sa supérieure hiérarchique, attendant de voir l’accueil qui allait lui être réellement réservé. Finalement, le Bras Droit se leva à sa rencontre et lui serra la main, une étreinte cordiale mais sans plus, ponctuée d’une salutation aussi plate que les siennes mais à laquelle Eirlys répondit néanmoins, avec sa courtoisie un peu sèche habituelle. « Ma famille lui est fidèle depuis de nombreuses années. » Cela n’avait rien de surprenant, entre gens ‘de la haute’ de se retrouver ainsi dans une boutique de luxe mais les platitudes étaient un ciment entre les peuples. Ils disaient quoi dire, comment le dire, pour parler sans se dévoiler, pour échanger sans pour autant se livrer. Pour la jeune femme, la politesse était ce qui maintenait les peuples ensemble. Sans elle, personne n’aurait jamais rien à se dire – mis à part les quelques affinités immédiates de chacun – et les hommes ne se regrouperaient pas. Sans la politesse, les règles de bienséance et les coutumes, il n’y avait pas de groupe possible. Et par là même, pas de progrès envisageable. Certes, elles disaient du rien mais c’était du rien important. « Je vais bien, merci, et vous-même ? » L’arrivée du tailleurs la dispensa de trouver quelque chose de neutre et plaisant à trouver au sujet de son père – qui passait sa vie à travailler, de sa mère – qui n’avait jamais rien fait d’intéressant de sa vie, ou d’elle-même – ce qu’elle n’avait absolument pas envie de faire. Aussi, plutôt que de se concentrer sur des banalités, elle préféra venir au secours du tailleurs qui semblait hésiter entre les deux femmes. « Oh, bonjour Monsieur Laroche. Je vous en prie, occupez vous de Madame. Son temps est bien plus précieux que le mien. » Sans écouter ce que l’homme pouvait bien avoir à lui dire, la demoiselle s’écarta un peu de la scène, laissant commerçant et cliente discuter boutique hors de portée de ses oreilles. « Ne jamais laisser traîner ses oreilles quand on n’est pas certain de vouloir entendre ». C’était la règle 14 ou 15, elle ne savait plus. Maintenant que Seilsyll n’était plus là pour fouiner dans son livre de règles, elle s’y intéressait nettement moins. Ce ne fut qu’une fois l’homme reparti pour on ne savait où qu’elle se décida à revenir à la charge. « En effet, je crois que c’est la première fois que nous nous rencontrons de manière informelle. » Ce qui était curieux, maintenant qu’elle y repensait car elles fréquentaient probablement les mêmes salons, les mêmes gala, les mêmes soirées. Il fallait croire que le gouffre des générations était plus grand qu’on ne le croyait. Elle se demanda quel âge pouvait bien avoir sa supérieure. Elle n’avait pas l’air vieille mais ses cheveux gris portaient à confusion. Probablement autour de l’âge de Père, décida-t-elle intérieurement. « Etiez-vous présente au Bal des Perclès il y a deux semaines ? Le repas y était tout à fait surprenant. Rien d'importé, un délice avec les fruits de la mer uniquement. » |
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