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Sept 125 | C'est le plus grand des voleurs... [Tad]
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 Sept 125 | C'est le plus grand des voleurs... [Tad]



Ezekiel Hollister
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MessageSujet: Sept 125 | C'est le plus grand des voleurs... [Tad]   Sept 125 | C'est le plus grand des voleurs... [Tad] Empty02.08.16 13:00 par Ezekiel HollisterCiter Editer Supprimer 

    Les deux adolescents s’étaient immobilisés dans les fourrés. Ce moment, ils l’avaient attendu comme on attend… comme on attend un truc qu’on attend. Ils en avaient discuté, beaucoup, pendant qu’ils faisaient autre chose. Ils en avaient rêvé. Ils avaient eu peur. Ils avaient débattu pendant des heures sur les meilleures façons de faire entre la naïve impulsivité du blond et les sombres plans du brun. Ezekiel avait même appris à crocheter une serrure uniquement pour l’occasion. Ca n’avait pas été bien difficile. A peine quelques dizaines de minutes pour trouver la méthode et comprendre le mécanisme. Et puis quelques heures pour savoir comment le sentir au bout des doigts. Maintenant, à part les trucs les plus pointus, et encore, il se savait capable d’entrer à peu près n’importe où. Et puis entrer n’était pas le problème ; C’était sortir qui était important. Si possible sans Magnus au train parce que, mine de rien, il avait des études à finir.

    Il repéra une caméra qu’il montra à son camarade. Pour leur excursion du soir, il s’était trouvé un chapeau/casquette du niveau 3 d’un marron sombre moche qui lui couvrait la tête. Il avait passé un pantalon sombre aussi totalement banal et un haut d’ouvrier au moins aussi passe partout. La lumière s’alluma dans la maison, des voix en sortant. Puis la porte s’ouvrit, la lumière s’éteignit, quelqu’un passa le pas et s’activa sur la serrure. Pourquoi cette maison-là ? Elle était jolie, ça suffisait pas comme idée ? Il y avait sûrement une grande cuisine. Ils pourraient faire des cookies. Pour Tad, rêver à une vie meilleure. Pour Zeke, se rappeler de ce qu’il ne voulait pas devenir et chopper des matières premières.

    « T’es sûr de toi, tu vas pas te dégonfler une fois dedans hein. Parce que c’est parti là, on pourra plus faire machine arrière. »

    C’était surtout lui qui avait les foies. Pourquoi est-ce qu’ils faisaient ça déjà hein ? C’était ridicule, stupide et contre-productif. Sauf que s’il reculait maintenant, l’autre allait savoir qu’il avait peur et c’était très important pour lui de montrer que, justement, ce n’était pas le cas. Surtout au blond. Il fouilla dans sa besace, jouant avec son tournevis, ses pinces, ses épingles, ses outils. Il attrapa un peu de cirage puis se dit que s’en mettre plein les mains était pas une bonne idée alors il le rangea.

    « Bon. J’ouvre. Tu fonces. »

    A demi penché, il se glissa à travers les buissons jusqu’à la porte, évitant le champ de la caméra pour commencer à crocheter la serrure. Elle était plus compliquée que prévue, avec plus de points que celle de la fac. Il en sentait un…deux…trois…le deux était reparti…ah non le voila…quatre…et…et…le deux revient…quatre…et…cinq ! Un petit clic se fit entendre et la maison s’ouvrit devant les deux adolescents. Très fier de son succès, Ezekiel aurait pu s’arrêter là. Sauf que.

Tadeusz Neuer
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MessageSujet: Re: Sept 125 | C'est le plus grand des voleurs... [Tad]   Sept 125 | C'est le plus grand des voleurs... [Tad] Empty03.08.16 14:52 par Tadeusz NeuerCiter Editer Supprimer 

Planqué dans les buissons il attendait. Attendre n'était pas son activité préféré, mais l'inaction semblait avoir un effet bénéfique sur sa nervosité et son enthousiasme. Tadeusz avait déjà la tête pleines d'images, pas celles des baleines, celles-là le rendent mal à l'aise, le terrifient même. Celles qu'il imaginait maintenant était bien plus plaisantes et parfois il devait retenir un sourire idiot. La maison semblait si grande qu'ils pourraient même y jouer à s'y perdre ! À l'explorer ! Qu'une nuit entière ne serait pas certainement pas suffisante. Une vie non plus. Comment faisait les habitants pour s'y retrouver ?

Pianotant sur ses cuisses, la tête rentrée dans ses épaules, il attendait que Eze se mette à bouger. Parce qu'il devait se charger de la porte. Il devait se charger d'assurer leur entrée, il devait déjouer les caméras. Oui. Le brun devait se charger des parties les plus techniques et les plus rigolotes de leur expédition et c'était assez injuste. Mais après-tout lui même n'était pas arrivé à crocheter quoi que ce soit. Même pas sa propre maison. Il en avait d'ailleurs bloqué la serrure et il faudrait qu'il demande au brun de s'en occuper, avant que sa logeuse ne s'aperçoive de la dégradation de la porte de son grenier, celle juste après les escaliers.

Il réajusta son couvre-chef sur la tête, disgracieux, mais passe-partout, dans la nuit et remonta le bord de ses manches, trop grandes, qui descendaient constamment. Son regard suivit l'index de son compagnon pour fixer ladite menace. Il attendit d'abord que les occupants sortent, s'extasiant sur les beaux visages et les beaux vêtements qu'ils arboraient, un soupçon de jalousie sur le bout de la langue.

 « C'est pour ça qu'on aurait du voler des vêtements du quartier 1 ! réexpliquait-il, maintenant qu'ils s'étaient éloignés.  « D'accord, c'est plus voyant que nos frusques actuelles, mais beaucoup moins suspect. J'ai l'impression d'avoir un « regardez-moi je suis un voleur » accroché en plein milieu de front. Et quand le garçon le plus âgé lui redemanda s'il était prêt, le cadet lui donna un coup de coude.  « Mais oui, c'est quand tu veux, d'ailleurs.

Parce qu'il commençait sérieusement à en avoir marre d'attendre. Puis, semblant comprendre son impatience, le brun s'affaira soudainement dans son sac, signe qu'il avait finalement décidé d'y aller. Les mains tremblantes d'excitation, Tadeusz expira un sourire, hochant la tête quand le brun lui donna des instructions.


Il s'élança alors, tandis que le blondinet le suivait du regard quelques secondes avant de s'intéresser à la caméra. Il avait le timing et il était presque certain que son ami l'avait. Il ne doutait pas non plus que celui-ci arrive à bout de la porte, alors, tout ce qu'il avait à faire c'était de compter. De un jusqu'à vingt-cinq. À vingt-cinq il pouvait s'élancer à son tour, sans craindre d'être repéré.

Après vingt-cinq il avança, furtivement, le dos courbé et les jambes plissées. Ezekiel semblait avoir eu raison de la porte… Mais n'était toujours pas entré à l'intérieur.  « Ben reste pas planté là  ! Inquiet, l'adolescent se mit à scruter l'intérieur de la porte. Pas de chat pour miauler bruyamment, les occupants ne semblaient pas avoir activé de quelconque système d'alarme. Tadeusz fronça les sourcils et saisit le poignet du plus grand pour l'entraîner à l'intérieur.

 « Je ne vais pas t'apprendre que dans cinq secondes la caméra sera rivé sur toi et moi. »

Finalement entré, il referma la porte derrière eux, collant son dos contre le bois, en expirant toute sa nervosité dans un rire, libérant la poigne du garçon pour poser ses deux mains sur ses genoux.

 « On a réussi Eze! » Il soupira un nouveau rire.  « On y est ! Et regarde, ça a l'air plus grand que l'Opale. Je suis quasiment sûr que c'est plus grand que là-bas ! » Il s'avança un peu, prudent d'abord, puis ensuite, émerveillé.  « Tu crois qu'ils gardent des trésors? »

Le hall lui-même semblait pouvoir receler de nombreux secrets et de trésors merveilleux et il avait du mal à concevoir qu'aussi peu de personnes puissent vivre dans un endroit si grand.  « Même quand j'étais chez mes parents on s'entassait à trois dans un endroit encore plus petit que ce hall. Derrière l'émerveillement se cachait l'envie et l'agacement, mais il n'avait pas envie de se rappeler de sa vie d'avant. De toute façon, c'était pour ça qu'il était là. Qu'ils étaient là. Pour ne plus penser à la vie dans le quartier 3. Dans le quartier 2.



Ezekiel Hollister
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MessageSujet: Re: Sept 125 | C'est le plus grand des voleurs... [Tad]   Sept 125 | C'est le plus grand des voleurs... [Tad] Empty04.08.16 12:16 par Ezekiel HollisterCiter Editer Supprimer 

    « Non. On est bons là. Les gens de ce niveau savent tout de suite repérer qui n’est pas de chez eux. Tu pourrais porter l’intégralité d’une boutique sur mesure, ils le sentiraient quand même. Ils ont un sixième sens pour les gens comme nous. » Il l’avait testé à ses débuts universitaire. Il pouvait se saper comme un pingouin du dimanche, ils savaient quand même qu’il était du niveau 2 alors autant dire qu’il avait vite arrêté de gaspiller ses efforts et l’argent de sa famille. Maintenant, il se sapait confortable et facilement lavable et tant pis pour les ragots. Là, en ouvrier, ils n’attireraient la vigilance de personne. On s’attendait à ce que les gens du trois soient sales et bizarre. De toute façon il avait raison. Il jeta un coup d’œil sur la caméra, calculant sa rotation et ses angles de vue.

    Et puis c’était le moment. Il fonça, ouvrit, comme prévu, la porte sans trop de difficulté, tout excité par son succès. Il fallut que le blond le rejoigne et le tire à l’intérieur pour qu’il se rende compte du danger dans lequel il avait été, à faire le con là, avec ses calculs de points et sa joie d’avoir réussi à crocheter une serrure. Il en avait oublié de compter quoi ; Compter. Le truc qu’il faisait à l’envers, en dormant, en enlevant les nombres premiers. Le rire de Tad, communicatif, coupa court à ses récriminations mentales. Il rit aussi. Ils avaient réussis. Surtout lui, un peu le blond. Ils étaient entrés dans une demeure du niveau 1 et tout y était comme dans ses rêves. L’espace. Les couleurs. La beauté. Il se demanda s’il pourrait vivre un jour dans une maison comme ça. Ca, c’était la concrétisation du rêve de ses parents. Caser le Zeke dans un écrin tout en haut. C’était pour ça qu’ils bouffaient du chou S7. Pour ça. Exactement ça. Il inspira.

    « Ca dépend des trésors. Si on leur demande ils diraient que non. Mais pour nous, forcément, il y aura des trésors. Je me demande ce qu’ils ont comme livres. Je suis sûr qu’il y a des choses sur la surface. Je me demande chez qui on est… »

    Il s’approcha par automatisme d’un boitier électronique qu’il ouvrit d’un coup de tournevis pour en court-circuiter les fils. Il remettrait ça avant de partir, personne n’en saurait rien. Il sourit à nouveau, toujours un peu inquiet. Rentrer dans une maison c’était bien mais pour en faire quoi ? Quand ils en avaient rêvé, ils avaient parlé de se cacher, de jouer, de faire la cuisine. Lui voulait voir leurs livres. Mais ils n’allaient rien voler. Vandaliser une cuisine ça se faisait. Voler était un délit grave. Il regarda le blond qui s’émerveillait toujours – oui, c’était grand, on avait vu, c’était plus ou moins le principe et ça restait plus petit que l’université mais peut-être était-il blasé.

    « On a deux bonnes heures devant nous. Les trucs prennent toujours beaucoup de temps au 1, qu’il s’agisse de manger ou d’écouter de la musique, on est tranquille. D’habitude, les grandes pièces sont au rez-de-chaussée et les chambres au premier étage. Les domestiques dorment au second ou dans une pièce derrière la cuisine ou dans leur chez eux si on n’est pas chez des très très riches. » Il souleva un vase en porcelaine dont il n’avait absolument aucune idée de la valeur ou de l’époque. Il reprit, l’air docte. Il l’avait remarqué. Plus on ne savait pas, plus il fallait faire style qu’on savait. Ainsi, ses profs les plus pédants étaient immanquablement les plus ignares. Deux heures. 120 minutes. 7200 secondes. Ce n’était pas tant que ça finalement.

    « Ils n’ont pas l’air si riches que ça, eux. »

    Il soupira encore. Il avait décidément du mal à se laisser gagner par l’euphorie. Une petite voix lui soufflait que c’était la peur qui le paralysait comme ça. Peuh. Il n’avait pas peur. Il était au moins aussi courageux que Tad et le blond n’avait absolument pas l’air inquiet. Il piaffa un peu quand même.

    « Décide-toi. Qu’est-ce que tu veux faire d’abord ? C’est pour toi qu’on est là, je te rappelle. »




Tadeusz Neuer
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MessageSujet: Re: Sept 125 | C'est le plus grand des voleurs... [Tad]   Sept 125 | C'est le plus grand des voleurs... [Tad] Empty09.08.16 3:55 par Tadeusz NeuerCiter Editer Supprimer 

Du regard il embrassait ce qu'il voyait. Ce serait sans doute la première et la dernière fois qu'il mettait les pieds dans un endroit pareil. Coinçant l'une de ses mèches derrière son oreille il jeta un coup d’œil furtif à Eze. Le blondinet essayait de trouver un quelconque signe d'agacement. De déception. D'envie. D'angoisse aussi. Il savait que c'était ça l'avenir que lui réservait les parents d'Ezekiel et parfois il l'enviait.

Il enviait sa famille déjà. Moins cassée que la sienne. Moins terrible que la sienne. Ensuite, il enviait ses ressources. Intellectuelles, déjà. Il savait pertinemment que c'était ça qui le sauverait ? De la misère, du 2, du 3. Un jour Ezekiel Hollister serait un grand de ce monde. Un jour il vivrait sans jamais avoir à se soucier de demain. Il pourra bricoler tout ce qu'il voudra, inventer ce qu'il voudra, personne n'essaiera plus de refréner son esprit. Oui. Un jour ce garçon-là finira par être reconnu.

Mais ce jour-là, il est probable qu'il oublie le reste, qu'il se lasse du blond et de leurs aventures. Plus que probable, même. Quand on lui donnera un laboratoire, des livres, les moyens de réaliser tout ce que que son esprit ne cesse de vouloir concevoir, il sera sans doute trop absorbé pour se rappeler de son vieux copain du trois. Pour se rappeler aussi qu'ils aimaient bien traîner et jouer ensemble. Ça lui pince le cœur, au blond, parce que c'est l'un des rares amis qu'il avait réussi à se faire sur Pelagia et que sans lui, il serait sans doute en train de compter silencieusement dans le fond de son lit les poissons ou de s'inventer une vie moins solitaire. Pour l'instant il était là, et ça suffisait à calmer ses inquiétudes, généralement.

Mais qu'en sera-t-il dans deux ans ? Quand le brun sera trop adulte pour vouloir autre chose que la réussite ? Et lui-même ? Que fera-t-il dans deux ans ? Le coursier pour la Compagnie ? Cireur de chaussures ? Pire ? Si sa belle-mère le retrouve avant qu'est-ce qu'elle lui dira ? Est-ce qu'ils parleront encore de Wendy ? De son comportement ? De son avenir « respectable » ? Ses doigts ont des mouvements involontaires. Ça l'angoisse. Peut-être même qu'il sera mort quelque part, dans le fond de l'océan. Dans deux ans. Tué par l'homme ou par le désespoir. Tué par le manque et la solitude. L'autophobie était la plus grande faucheuse de Pelagia, les gens l'ignoraient, lui, il en était bien trop conscient pour feindre constamment l'insouciance. Non, décidément, l'avenir était bien trop angoissant. Pour lui et pour les autres.  

Il soupire discrètement et ravale ses inquiétudes. Il écoute, ça lui arrive d'écouter. Eze parle des livres – il parle souvent des livres – , même si l'adolescent doit posséder un certain nombre d'exemplaires chez lui, subtiliser un ou deux livres ne ferait de mal à personne, non ? Il écoute aussi quand il parle de la disposition des pièces. C'est comme si toutes les maisons du 1 se ressemblaient alors que toutes les maisons du 3 étaient différentes.

 « Tu crois que les domestiques sont là ? Je veux dire. Je pensais qu'on aurait la maison pour nous! » Une nouvelle inquiétude battait à présent dans ses tempes, faisait trembler ses menottes et l'incitait à regarder un peu plus fréquemment devant lui et au-dessus de lui, presque certains qu'un domestique allait surgir pour gâcher leur soirée. Parce que c'était ça, le plus embêtant. Mais rapidement, le brun le rassura. Ils n'étaient pas si riche que ça, d'après-lui. Et s'il le disait, c'est que ça devait être vrai. Le blond hocha la tête, retrouvant dans un même temps un peu de courage. Un peu plus de l'allégresse qui l'avait gagné quand ils sont entrés.

 « Imagine un peu, Eze' ! Une maison avec trop de pièces pour qu'on puisse s'en lasser ! Rien que pour nous ! Où est-ce que tu aimerais aller en premier. Dans la cuisine ? Trouver leur bibliothèque ? » Parce que lui-même n'était pas très certain de pouvoir décider où aller. Il aurait aimé faire semblant d'être le propriétaire de la maison. Tout simplement. Et s'y balader pour qu'une fois dans sa vie il ait l'impression que le monde lui appartient et que rien n'y personne ne peut l'arrêter. Même si son ami était persuadé d'être venu pour lui, lui-même était venu pour le brun. Pour qu'il ne soit pas obligé d'affronter tout seul la réalité du 1. Son avenir à lui.

D'un coup l'adolescent s'avance vers l'escalier, trop lassé d'attendre une réponse ou bien décidé à choisir, finalement.

 « Allons trouver tes livres. On mangera plus tard.» Il monte les escaliers quatre à quatre, trop insouciant, mais une fois arrivé à l'étage, il se fige un instant. L'endroit est décidément très impressionnant et il n'arrive même pas à imaginer sa vie dans un tel endroit. Sans attendre il inspecte minutieusement le couloir, entrouvre les portes une à une jusqu'à ce qu'il finisse par trouver la bibliothèque.

Tadeusz entre, sans attendre, avec hâte, comme si quelqu'un pouvait le surprendre. Maladroit, également, la sensation étrange de ne pas être à sa place. C'était sans doute le cas. Il ne lisait pas suffisamment pour paraître un tant soit peu éduqué, un tant soit peu savant. Alors qu'il imaginait sans mal Eze passait des heures dans le fauteuil. À bouquiner et marmonner. Chose qu'il ne ferait sans doute jamais. Le plus jeune n'avait pas la même fascination pour la lecture et les ouvrages que le plus âgé. C'était un peu le monde d'Ezekiel. Tout cet endroit. Même si le grand brun prétendait le contraire, il était sans doute plus à l'aise ici que dans une rue crasseuse du 3 à jeter des cailloux sur les passants. De cette constatation naissait de nouveau ses craintes et l'immense solitude qui l'avait saisi à la gorge quelques minutes auparavant.

Pris d'angoisse, le blond recula involontairement, soudain à-l’étroit dans cette pièce imposante. Il   cogne au passage un vase qu'il retient de justesse. Un soupir de soulagement plus tard et il le remet à sa place, grommelant des excuses. Camouflant tant bien que mal son mal. Cet affect inconnu qui lui broie le ventre. La sensation d'être de trop. De ne plus trouver sa place. Les tableaux aux murs semblaient le dévisager, colérique et le mettaient mal à l'aise. C'était une mauvaise idée de commencer ici…

Pourtant il contemple. Il contemple et il ne peut détacher ses yeux de ce tableau qui lui rappelle sa mère. Il murmure doucement à l'intention du plus grand, les yeux rivés sur le portrait d'une dame aux cheveux blonds, comme s'il était effrayé de rompre le silence:

 « Ma maman est… était issue du 1. Elle a pourtant choisi de vivre dans le 3 pour mon père. Parfois je me demande si elle ne regrettait pas cet endroit. Peut-être que oui. Il secoue la tête et saisi sa tresse pour y nouer ses doigts nerveusement. « Tu sais,  quand elle s'est enfuie de chez elle, elle a du se couper les cheveux, changer de vêtements, faire semblant d'être quelqu'un d'autre pour que ses parents ne la trouvent pas, qu'ils ne puissent pas la reconnaître. Et la ramener chez elle. » Il marque une nouvelle pause, pour se retourner, chercher un autre point à fixe. Quelque chose de moins familier. Laisser ses cheveux pour se concentrer sur l'essentiel.  « Et quand je lui demandais ce qui lui manquait le plus de son ancienne vie, elle me disait que c'était ses longs cheveux parce qu'ils n'ont jamais pu repousser, jamais. Pas comme avant. Elle me disait qu'elle aimait bien aussi quand on le les lui coiffait. Mais que ce n'était jamais sa propre mère qui le faisait. Pourtant c'était toujours elle qui coiffait les miens. C'est tout ce qu'il me reste d'elle. Ces longs cheveux. Alors tu vois, je les couperai jamais.» Il ne parlait que très peu de sa mère, mais Eze était son confident, alors, il aimait lui parler des choses dont il ne parlait jamais à personne. Des choses douloureuses aussi. Et triste. Comme des choses joyeux. Partager des rires et des secrets. C'était son ami, la seule personne à qu'il pouvait tout confier sans avoir peur qu'il se mette à le juger. Ou peut-être que si, mais ce n'était pas très grave quand il le faisait. Et son avis comptait, comme il lui donnait l'impression que son propre avis comptait. Pas comme à la Compagnie, entourés d'adultes qui pensent tout savoir mieux que lui.

 « Et toi… Et toi c'est drôle parce que tu vas partir du 2. Parce que quand tu seras plus grand tu auras sans doute une grande maison comme ça. Peut-être que tu seras ici, dans cette maison là ! Et que tu ne voudras plus revenir dans le 3. Il hausse les épaules, mais sa mine est pincée, ses bras croisés, comme s'il boudait.  « Mais c'est pas grave, enfin, maintenant ça ne l'est plus, parce que je sais que tu te rappelleras de cet endroit et de moi. Même quand tu regarderas tes murs. Enfin j'espère que tu n'accrocheras pas des portraits de toi sur les murs. Ce serait incroyablement narcissique. Il rit un peu, pour détendre l’atmosphère, puis reprend, avant que le brun ne puisse l'interrompre. C'est aussi pour ça que c'était important de venir ici ce soir. Pas uniquement pour faire des gâteaux dans une grande cuisine.» Il se laisse tomber sur le sol et se cale contre le mur.  « Tu devrais regarder attentivement ce qu'ils ont comme livre. Peut-être que tu pourrais leur en emprunter deux … ou trois ? Tu me lirais les histoires et je t'écouterai. Même s'il y a des filles ennuyantes dedans. »  Ils avaient toute la soirée, après-tout. Rien ne pressait.

Ezekiel Hollister
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MessageSujet: Re: Sept 125 | C'est le plus grand des voleurs... [Tad]   Sept 125 | C'est le plus grand des voleurs... [Tad] Empty10.08.16 16:57 par Ezekiel HollisterCiter Editer Supprimer 

Les domestiques n’étaient pas là. Les domestiques n’avaient simplement pas le droit d’être là, c’était leur moment à eux et s’il y avait une justice dans ce monde, et bien personne ne viendrait les déranger. Et puis ils n’avaient pas l’air d’être une famille à domestique. Les lumières ne clignotaient pas quand le couple était sorti, le système d’alarme avait été branché. Les domestiques n’étaient pas là. Il prend son ton docte, il fanfaronne, il rassure son cadet et il surveille les portes qui donnent sur les offices et rien n’apparait. Les domestiques n’étaient probablement vraiment pas là. Toutes les maisons du niveau 1 se ressemblent. Elles sont sur le même plan, elles cherchent les mêmes effets, de l’étalage des richesses aux murs eux même travaillés pour donner une impression d’immensité. Le luxe sous les mers, c’est l’espace, la hauteur sous plafond, l’air que l’on respire juste recyclé par les quelques plantes. Il sourit. L’émerveillement du blond est agréable. Il change. On n’a pas envie de lui dire qu’on se lasse de tout et que les gens ici ne voient plus les choses avec leurs yeux d’enfants. Il n’existe pas d’endroit assez grand pour apaiser la soif humaine d’en avoir plus, de vouloir aller plus loin. Lui-même sait que, quoi qu’on lui offre pour l’avenir, quoi qu’on lui donne, ce ne sera jamais assez. Il y aura toujours en lui ce feu sacré, ce besoin de savoir, de comprendre, de gouter, de toucher, de sentir, de voir, d’entendre, cette symphonie des sens sous tendue par un intellect jamais au repos. Ses yeux ne voient que les problèmes, permettant à son esprit de réfléchir à des solutions. Comme là, réfléchissant à la question qu’on lui a renvoyée comme une assiette trop salée à la cantine du campus. Il n’est pas un leader. Il ne sait pas inspirer par son comportement ou prendre une décision comme si c’était la seule qu’on pouvait prendre. Lui il a besoin de données, puis de mouliner, puis de sortir une réponse plus ou moins juste mais toujours raisonnée, à peine cuite par le feu de sa passion. Heureusement, Tad est plus instinctif que lui et s’élance soudain vers l’escalier.

Ne voulant pas être en reste, Zeke le suit, sa main légère glissant sur l’acajou et le cuivre de la rampe. C’est beau. Les courbes harmonieuses des marches semblent toute droites sorties d’une peinture comme celles que l’on peut voir aux murs. Mais il sait, lui, que ce n’est pas seulement esthétique. « Tu savais qu’une erreur d’un dixième de millimètre dans le calcul de l’espacement des marches d’un escalier le rendait impraticable ? » L’esprit est un super ordinateur qui calcule et qui compute à partir de milliers de données dont on n’a pas conscience. Le résultat s’appelle l’instinct, l’empathie ou la chance en fonction de comment on le ressent mais cela reste la somme d’une expérience, d’un apprentissage et d’un calcul. Tout, dans la vie, est calcul. L’air que l’on respire, calcul. Chimie. Marcher ? Calcul et mécanique. Parler, calculs encore, complexes mais réels. Les chiffres sont les clefs de l’univers. Il n’y a rien d’autre que du rêve, de la brume et des nuages. Et peut-être un peu de chimie pour la matière. Mais encore, pas forcément.

A son rythme plus posé, il rejoint son ami que les perspectives d’arrivée avaient bloqué. Logique. Cette fois, tout est dans la courbure des murs et les motifs des papiers peint. Peut-être a-t-on poussé le vice à jouer avec les cadres des tableaux. Il n’en est pas certain, l’illusion fonctionne sur lui aussi mais comme il en connait les astuces, il se laisse moins impressionner. Sensible à l’angoisse de son ami, il l’attrapa par les épaules, se voulant rassurant.

« T’en fait pas, c’est fait exprès. En fait, ils jouent avec les lignes, tu les vois droites mais elles sont courbes. C’est un vieux truc pour tromper ton cerveau et lui faire croire que c’est encore plus haut, encore plus grand et que ça va t’engloutir. Les gens qui ont fait la décoration voulaient qu’on se sente tout petit face à leur Famille mais on est mieux que ça parce que nous, on est vrais. Donc tu laisses couler sur toi pis tu verras, ton œil il le remarquera bientôt plus. »

Mais ça ne suffit pas et les vannes se sont ouvertes. Tad s’expose, se dévoile. Concentrer, le brun écoute son camarade lui raconter un morceau de sa vie. Il est touché par la confidence. Ce n’est pas quelque chose que l’on dit à tout le monde. C’est un morceau de cœur, c’est une pierre précieuse cachée dans du granit. C’est une confidence. Et pour l’adolescent qui, malgré l’amour de ses parents, est lui aussi très seul dans son esprit, c’est un cadeau immense. Il hoche la tête. Il ne sait pas trop quoi dire par contre. Maman du 1 qui s’est coupé les cheveux et petit blond qui ne coupera pas les siens. Il passa sa main dans sa tignasse sombre, trop courte à son goût.

« Tu as bien raison. On devrait avoir le droit de porter les cheveux qu’on veut. De porter les vêtements que l’on veut. De faire ou non des études selon qu’on est fait pour ça ou pas et pas selon ce que nos parents gagnent. Il faut des gens de tous niveaux mais ça ne doit pas être bloqué. Comme les courants d’eau chaude traversent ceux d’eau froide pour créer un tourbillon. Les choses comme elles sont sont mauvaises. Les riches, les pauvres, les niveaux. Je t’apprécie pour toi, je m’en fiche que tu sois niveau 1 ou 2 ou 3 ou de la couleur de tes yeux et du nombre de doigts que tu as. »

Il s’assied à côté de son ami. Son discours, tout discordant que ce soit l’a touché plus qu’il ne saurait le dire. Parce qu’il a raison. Parce qu’il est amer, triste, jaloux et qu’il essaie de le cacher. Parce qu’il y a une vraie affection et que c’est quelque chose qui résonne dans le cœur du jeune universitaire.

« On ne devrait pas avoir à se cacher ou à faire des choses pour vivre où on veut. On ne devrait pas cacher qui on est ou en avoir honte. Chaque être humain est unique et indispensable au tout. Le plus petit bébé orphelin du niveau trois jusqu’aux plus grandes des huiles du conseil. On devrait être jugés par ce qu’on peut apporter à la cité, c’est tout. Ta mère aurait du pouvoir aimer ton père et vivre avec lui sans couper ses cheveux. Et moi… moi je ne sais pas si je veux vivre ici mais je sais que je ne t’oublierais jamais, même si je ne penserais peut-être pas toujours à toi parce que j’ai la tête dans mes chiffres. Tu seras toujours bienvenu chez moi, quel que soit mon niveau. Je n’aurais jamais honte d’un copain. Jamais. »

Il sourit parce qu’il est quand même content d’être là, entouré de livres qui l’appellent avec leur belle couverture mais qu’il ignore parce que Tad est plus important que tout le savoir mort du monde.

« Je te lirais des histoires. Des histoires de la surface qui sont interdites ici et qui parlent de ciel, et d’oiseaux dans le ciel. Des histoires de loups dans les bois. Et des recettes de tarte à la viande. Des chats qui disparaissent et des petites filles qui tombent dans des trous. Et des rois des Gobelins et plein de choses. »

Et ça, ce ne sont que des histoires qu’il a déjà lues. Il y a tellement tellement d’autres bêtises à découvrir.

« Et je te ferais une machine à cookies. Quand je serais plus grand et que j’aurais ma maison ici. Je te le promets. Ce sera la première chose que je ferais avec mes sous. Une machine à cookie. Et si tu veux, je mettrais un portrait de toi sur mon mur. Qui m’en empêcherait, hein ?»

Il dit des bêtises, ce qui lui passe par la tête pour rassurer son ami de son soutient éternel. Amusé par l’idée, il se lève à nouveau, tournant dans la pièce immense, ses grands bras tendus à l’horizontal. C’est tellement bon d’avoir de la place. Tellement rare dans ce monde confiné. Il sourit.

« Tu crois qu’ils ont des livres qui parlent de cuisine ? On pourrait tenter un nouveau gâteau… et peut-être qu’ils ont du cacao. Il parait qu’avec du lait et du sucre, ça fait quelque chose de meilleur que toutes les Essences du monde… »

Tadeusz Neuer
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MessageSujet: Re: Sept 125 | C'est le plus grand des voleurs... [Tad]   Sept 125 | C'est le plus grand des voleurs... [Tad] Empty14.08.16 19:39 par Tadeusz NeuerCiter Editer Supprimer 

Parfois quand Eze parle, Tadeusz ne comprend pas. Parfois il lui faut quelques minutes pour saisir, parfois il lui faut plus de temps, une éternité. Parfois ça ne suffit pas et ça l'agace, ça l'agace tellement qu'il en croise les bras et qu'il se mure dans le silence. L'obstination d'un être à la fierté bousculé sur les lèvres. Il y a ces moments aussi où les mots sont confus, mais le sens est clair. Très clair. C'est quand il se raccroche aux choses qui importent et méritent d'être comprises qu'il se dit que Eze comprend trop bien les choses. Et dans ces moments là Tadeusz se dit aussi qu'il parle trop et qu'il ferait mieux de laisser parler Ezekiel pour toujours, de l'écouter parler en hochant parfois la tête car il avait l'art de comprendre le blond et ses états d'âmes, sans qu'il ait même besoin d'ouvrir la bouche en vain.

C'est que ses mots à lui à côté des siens ne font pas le poids. Sont moins beaux, moins important, même ses tournures sont moins belles, sont moins intéressantes. C'est que son esprit à lui à côté du sien ne fait pas non plus le poids. Peut-être qu'il est né trop bête ou alors que son esprit est trop maladroit ou pas assez exercé. Peut-être parce que Eze est plus grand que lui, qu'il sait plus de chose. Parfois à côté de lui il se sent un peu faire-valoir et ça le rend triste. Si triste ! Mais il éprouve trop d'admiration pour le signaler et il se perd dans le sens des mots trop compliqués et il oublie. Il oublie et il compati, il se dit que ce doit être fatigant d'avoir l'esprit trop vif, alors il se dit qu'il n'a pas le droit d'être jaloux et il écoute. Plus il écoute et plus il se dit qu'il devrait rester silencieux et écouter son ami parler, écouter et comprendre, écouter et supporter de tout son coeur. C'est qu'il ne peut pas converser au même niveau, ni débattre. L'inutilité de son esprit et la maladresse de sa langue le font rougir de honte, parfois.

Le blond dépose son visage dans ses genoux et soupir, sentant un tremblement désagréable l'assaillir de nouveau, la gorge, les yeux, les tempes, le ventre, le coeur. Alors Tadeusz écoute. Il hoche la tête quand son ami déclare que tout le monde devrait avoir le droit de faire des études. Bien sûr qu'il pensait pareil. Qu'on aurait dû l'autoriser à continuer à apprendre. Il se dit aussi que c'est injuste que ses parents doivent se saigner ainsi pour financer ses études. Mais l'esprit d'Ezekiel, celui qui comprend tout et qui ne semble jamais dormir doit être si lourd à porter qu'il se demande comment il fait même pour inspirer avec autant de confiance.

À sa place il serait mortifié. À sa place il serait angoissé comme jamais. C'est qu'il sait qu'il n'a jamais eu les épaules assez solide. Il envie son intellect, son aisance à comprendre, décortiquer les choses tout en sachant qu'il n'aimerait pas être à sa place. Et pourtant Eze lui dit qu'il l'apprécie pour ce qu'il est. Ça lui fait plaisir. Sauf que son ami ne sait pas réellement qui il est. Que personne à par lui-même ne le sait et que s'il savait il ne l'apprécierait plus. Il esquisse un sourire amer qu'il ne pourra jamais voir, de toute façon, la tête toujours enfouie. Il en arriverait presque à s'aimer, à force de l'entendre le complimenter.

Même quand son ami s'installe à côté de lui, il ne relève pas la tête. Parce qu'il a l'impression qu'il entendrait moins bien, que ses yeux seraient trop distraits par le décor. Parce qu'il faudrait qu'il arrive à garder le visage lisse quoi qu'il arrive, même quand le brun raconte des choses qui le rendent tour à tour blême ou rouge.Le blond écoute toujours les jolis mots. Quand il parle de la honte, il plisse les yeux plus forts, il sert ses menottes autour de ses jambes et hoche la tête, sans oser lui dire qu'il ne sait rien. Non, Ezekiel ne semble rien connaître de la honte et la confiance qui émane de lui le prouve. C'est qu'il n'a jamais eu avoir honte. Même quand il dit que chaque personne ne devrait pas avoir honte, il se  trompe. Enfin non. Il a sans doute raison, mais les choses sont comme ça depuis tellement dans le coin que tous ses mots sont trop rêveurs pour être crédible. Dans le fond, il est d'accord, sa mère n'aurait jamais du couper ses cheveux pour pouvoir vivre sa vie.

Ça lui redonne le sourire, même parce qu'il sait que Eze aimerait avoir les cheveux longs, mais que son entourage lui dit que ce n'est pas très convenable pour un jeune homme propre sur lui de garder les cheveux longs. Au moins lui même ne s'embête pas avec les bonne convenances. Il tourne la tête, la redresse un peu et saisit sur sa nuque des mèches courtes qu'il s'amuse à tirer soigneusement puis qu'il caresse, affectueusement pour glisser entre deux déclarations:

 « Pourtant tu devrais les laisser pousser, ça t'irait bien un catogan. »

Puis il reprend son sérieux quand la conversation dérive sur ce qu'il souhaiterait pour l'avenir. Il remet ses bras autour de ses jambes. Il écoute, surtout qu'il affirme des choses qui lui font plaisir, mais qu'il sait biaisé par sa jeunesse et son ignorance. Qu'importe, qu'importe, ça a le don de le rassurer. Au moins, il aura réussi à marquer l'existence de quelqu'un et quand la fin arrivera il sait qu'il pourra y repenser et moins souffrir la douleur de sa propre fin.

Les histoires. Oui les histoires sont importantes. Les histoires qu'il raconte, celles dont il a du mal à comprendre le sens. Celles qui le font rire, pleurer, qui lui font vivre des aventures imaginaires. Il n'avait jamais eu l'occasion de lire des livres interdits, pour la simple et bonne raison qu'ils sont interdits. Tout ce qu'il lui annonce lui semble extraordinaire, il ne connaît pas les trolls et les fées, il ne connaît pas non plus les loups, mais quand il parle de chats disparus et de filles qui disparaissent ça le fait rire, parce qu'il sait bien que ce sont les chose que Tadeusz déteste le plus. Qui l'intimident le plus aussi.

Eze, loquace, continue et ça lui convient à Tad, de toute façon il n'a plus trop envie de parler depuis un moment. Il a trop raconté de lui-même pour ce soir, de toute façon. Il semble plus certain de son avenir, finalement, comme si la conversation l'avait aidé à refaire le futur. Comme si la pièce l'inspirait plus que le hall qui le rendait bougon et froussard. Alors que Tadeusz c'est décomposé à mesure que l'autre garçon reprenait courage. Amusant. Comme s'ils avaient besoin du courage de l'autre pour retrouver un équilibre.

L'adolescent secoue la tête et rit. Il rit d'un rire étouffé et d'une joie moins terne que jusqu'à alors. Si son ami disait quelque chose, il savait qu'il ferait tout pour le réaliser. Il s'imaginait, devant une machine à faire des gâteaux que son comparse aurait amené dans le trois. Il s'imaginait aussi découvrir avec horreur un portrait à son effigie le narguer depuis le salon du plus âgé. Il secoue la tête et quand, finalement il défit le monde, depuis le sol, il ose enfin desserrer les dents pour dire :

 « Moi je t'en empêcherais. » La voix toujours secoué d'un rire, tant la situation lui paraissait ridicule et improbable. De toute façon il se doutait qu'il était à demi sérieux, mais quand même. Les dames et les messieurs des tableaux étaient souvent trop effrayant et solennel et lui-même n'avait rien d'effrayant ou solennel.

Eze se lève, Tad relève la tête et pose son menton sur ses deux genoux et l'observe. Il tend les bras comme s'il voulait enlacer le monde. Peut-être qu'il y arriverait, un jour. Et cette vision là, avait quelque chose de fascinant et d'étrange dans un même temps. Eze qui a des vêtements rapiécé. Eze qui semble si petit par rapport au reste de la pièce. Eze qui devient immense, pourtant, dès qu'il ouvre les bras. Eze qui pourrait conquérir le monde s'il le voulait. Si son esprit le souhaitait. Un Eze qui parle pourtant de gâteau au chocolat et d'envahir une cuisine. Peut-être que tout commençait ce soir. Peut-être que c'était son aube à lui. Peut-être que demain matin le monde serait à ses pieds ou du moins une partie. Qui réussirait sans doute à tout faire, même gagner la surface, sans qu'il n'essaie de le remettre en question ou de temporiser son ambition. Il était un spectateur désabusé devant la beauté d'un monde auquel il n'appartiendrait jamais. Le soutien infaillible. L'amertume de cette pensée fait de nouveau monter à soupir et il se lève à son tour pour  le rejoindre, sans tendre les bras, tout simplement pour le bousculer amicalement d'un coup de coude :

 « Il ne nous reste plus qu'à trouver cette fameuse recette magique.»

Tadeusz s'éloigne encore, cette fois pour chercher la lettre C. Après l'avoir trouvé, il se dit finalement qu'il devrait finalement consulter la lettre G. Comme gâteau. Et puis, après avoir parcouru le chemin qui le séparait de cette lettre, il s'arrêta pour se demander s'il ne valait pas mieux chercher à la lettre B, comme biscuits. Il s'arrête finalement et fait quelques pas en arrière pour contempler le rayonnage d'un air circonspect.

 « à toi l'honneur. C'est toi l'expert des bibliothèques. »



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MessageSujet: Re: Sept 125 | C'est le plus grand des voleurs... [Tad]   Sept 125 | C'est le plus grand des voleurs... [Tad] Empty17.08.16 14:50 par Ezekiel HollisterCiter Editer Supprimer 



Ils auraient dû être les rois du monde et ils étaient deux gamins perdus dans une bibliothèque trop grande, un blond roulé en boule en proie à ce qui ressemblait être de l’angoisse et un brun qui disait des tas de mots dans le désordre en une tentative maladroite et sincère pour tenter d’aider son ami à combattre un démon dont il avait du mal à imaginer la tête. Comment résoudre un problème sans énoncé ? En trouvant la cause, évidemment. Et si tout avait vraiment été chiffres et matière alors ça aurait été facile, sauf que Tadeuzs était autre chose, il était sentiment, des tas de sentiments qu’il éprouvait lui et qu’il savait exprimer sans les regarder sous la froide loupe de la raison mais comme on laisse une fleur s’ouvrir sans penser aux raisons d’être de la couleur de ses pétales ou à l’érotisme de son pistil. Le blond était honnête, la dernière chose pure de Pelagia, parce qu’il était émotion et impulsivité et il avait gardé comme un trésor cette enfance que l’étudiant sentait glisser entre ses doigts comme de la vapeur d’eau poussée par un courant d’air. Alors pourquoi était-il ainsi prostré dans l’antichambre du savoir ? Peut-être que le savoir blessait son âme d’enfant ? Peut-être que c’était ça, qui lui faisait peur et que lui en rajoutait avec tous les mots qu’il lançait comme des bouées pour empêcher son ami de se noyer mais qui peut-être l’assommaient encore plus ? Il ne savait pas. Les sentiments, il les vivait, il en avait pas peur, il aimait les regarder pour de vrai mais il ne les comprenait pas. Il ne savait pas les calculer, les prévoir, les contrôler. Le monde peut-être, les ressentis non. Maintenant qu’il y pensait, ça avait peut-être à voir avec le fait qu’il n’était pas un chef. Et que les êtres humains étaient vraiment trop compliqués à gérer.
 
Y a des mots qui touchent quand même parce que, à un moment, le cadet tourne la tête. Il a un petit sourire, un qui est que dans la bouche et pas dans les yeux mais il tire sur les cheveux de Zeke et ça fait rire ce dernier qui comprend bien l’allusion. Un jour, quand il sera assez grand et fort pour faire ce qu’il veut, il aura les cheveux longs. Il en ferait un catogan, pour plaire à son ami et il les laisserait dans son dos jusqu’au milieu des reins, parce qu’il peut et que c’est ça la liberté, de pouvoir avoir les cheveux libre ou pas comme on veut. Même qu’il ferait parfois des chignons pour ne pas risquer de les brûler avec un fer à souder et qu’il ne ressemblerait pas à une fille, parce qu’il n’en était pas une. Il ne serait pas anarchique. Il aurait juste les cheveux longs. Quand il serait libre de faire ce qu’il voudrait. Quand il aurait gagné ce droit. Qu’il aura remboursé à ses parents leur sacrifice. Du coup, le jeune homme, il parle de l’avenir, parce que l’avenir, c’est le rêve. L’avenir c’est quand ils seraient assez fort pour faire leur trou, leur place. Il l’imagine et il l’imagine drôle et plein de couleur, comme un bonbon géant. Pas trop sucré, avec des notes acidulées et sans aucune des traces d’amertume qu’il voit si souvent dans les yeux de son père et de sa mère. Ses parents. Il les adore et il les déteste en même temps. Surtout sa mère à qui il ressemble beaucoup trop, qui le protège comme un truc fragile et précieux et qui le croit capable de n’importe quoi comme s’il était quelque chose qu’il n’était pas. Sa mère, il l’aime mais il lui en veut de manger du chou tous les jours juste pour lui parce qu’il se sent coupable. Ezekiel ne parle pas souvent de ses parents. Juste pour dire le strict minimum. Au moins, les siens n’avaient jamais eu à se couper les cheveux. Il n’y avait pas dans leurs noms la sourde tristesse qu’il entendait parfois chez son ami. Alors il parle et il parle et il dit des choses qu’il pense tellement fort et qui en même temps sont de telles bêtises qu’il se promet intérieurement d’y arriver et de les faire. De donner au blond tout ce qu’il rêve lui, tout ce qu’il peut construire. Le monde qu’il touche du bout des doigts. Et il tourne pour oublier, pour se retrouver dans le tourbillon des pensées de son esprit. Et il tourne pour arrêter d’être grand, pour s’étourdir, pour voir les étoiles sous les mers. Tad a retrouvé sa boule mais un rire s’en échappe. C’est pas encore un rire très joyeux. C’est un rire bizarre. Une simple secousse du diaphragme. Il s’était jamais aperçu, Zeke, à quel point rire et pleurer utilisaient les mêmes indices. Le même tressautement des épaules, le même rictus de la bouche, les mêmes muscles pour deux émotions qui n’ont rien à voir. Qu’est-ce que les émotions se demande-t-il ? C’est une vraie question, une question sérieuse, le genre de question qui ne se résout pas d’un coup, plop plop plop dans son cerveau. Il doit comprendre. Il va devoir étudier. Il devient très sérieux soudain parce que la question EST très sérieuse. Il tourne encore mais ce n’est plus pour être étourdit, c’est pour faire le tour de la question, la question qui tourne dans sa tête, les murs qui tournent autour de lui, les émotions qui tournent dans son estomac. Et puis il arrête de tourner et il parle de nourriture, pour calmer tout ça, le roulis, les questions tout.
 
Et la nourriture, parce qu’elle aussi est magique, la nourriture répare tout.
 
Attendant que sol redevienne un peu stable sous ses pieds, l’adolescent reste là, les bras non ballants mais en l’air pour garder l’équilibre. Il aurait envie de fermer les yeux, sauf que c’est stupide parce qu’il faut juste qu’il calme ce truc dans son oreille qui lui dit que le monde n’a pas arrêté de tourner. Ca met pas longtemps, juste ce qu’il faut pour laisser le blond tourbillonner. Tad est un papillon. Un papillon d’émotion avec des ailes magnifiques sur le dessus et des faux yeux et des rires, et quelque chose de très sombre en dessous mais on ne sait pas quoi. Bref. Zeke reprend son air docte, tire sur sa chemise et s’approche d’un pan du mur de livre. Ses yeux dévorent les titres et les auteurs. Il en a lu la plupart. Ce passage-là parle de généalogie. C’est pas là. Il va à droite comme si c’était la seule option possible alors que la partie cuisine pourrait aussi bien être en haut ou à gauche ou sur un autre mur. Ca parle d’architecture. Demi-tour. Aller rapidement vers une toute autre section. Une section de madame. Il parle à mi-voix.
 
« Alors, je suis une fille, je veux décider du diner pour le repas pour les Darwin très cher, faut que je les impressionne avec mon cuisinier, je vais chercher un menu compliqué et sophistiqué tout ça mais je dois encore faire attention au chien et aux couverts et à ma robe et ma coiffure alors j’ai pas beaucoup de temps. Je suis agacée et énervée parce que Gladys n’a pas commandé le bon vin. Je rentre… »
 
Il se met devant la porte, adopte sans le faire exprès une démarche un peu féminine et tourne par réflexe sur sa gauche, vers le bas, accroupi.
 
« Et le vais là ! »
 
Il regarde les titres. Aha ! Trouvé. Il était trop fort.
 
« Vient voir, c’est ici ! T’as les « Larmes de Gargantua » c’est pour des boissons je crois. Et puis « Miroirs et Merveilles » ça c’est des gâteaux. Et des tas de trucs pour faire des poissons en croute ou cuire dans du sel. Je ne savais pas qu’on pouvait cuire dans du sel mais quand on y pense c’est logique. Je dois absolument apprendre cette méthode. Et puis… »
 
Il sortait les livres un par un comme un petit enfant éparpille ses trésors autour de lui. Celui sur les gravlax ouvert sur ses genoux avait la plus grande partie de son attention mais la pile des trucs sucrés commençait à prendre de la hauteur…


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