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Thanks for the memories. / Clio - 11.124
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| Sujet: Thanks for the memories. / Clio - 11.124 19.01.16 13:35 par Cal Gray | Citer Editer Supprimer |
| Le bar est calme. Normal, surtout pour les débuts de l’établissement qui va essentiellement servir de couverture à la fabrique de faux-papiers. Le seul problème, c’est que quand c’est calme, on n’a rien à faire pour s’occuper, pas de nouveau client à aller servir, ni auquel proposer de rentrer parce qu’il est déjà tard, et qu’il est là depuis l’ouverture. Non. Rien. Rien que les quelques « habitués », si on peut parler ainsi, qui s’installent toujours aux mêmes endroits, demandent toujours la même chose. Et ça, c’est simplement depuis, quoi, une semaine ? A peine. Même pas. Light n’a pas compté, compter les jours, très peu pour lui. Light est paradoxal. Il préfère s’enfoncer dans son ennui plutôt que de se trouver une occupation dont il se lassera très vite. Et d’un côté, il attend. Seis lui a dit, ou plutôt laissé sous-entendre, qu’une nouvelle tête arrivait pour prendre la suite du service, ou quelque chose du genre. Et Light n’a théoriquement pas le droit de bouger avant que cette nouvelle tête arrive. Dans la pratique, il se fout un peu de la théorie.
Un regard à l’horloge, accrochée au mur derrière lui, lui apprend que les secondes passent encore plus lentement que ce à quoi il s’attendait. Light soupire. La soirée promet d’être longue. Beaucoup trop longue pour lui qui ne déteste rien tant que de regarder le temps passer. Il regrette presque d’avoir accompagné Seisyll dans ce projet, de lui avoir dit qu’il l’y suivrait quoi qu’il arrive. Il n’a qu’une hâte, que le bar se remplisse un peu, que le bouche-à-oreille dont le grand patron a parlé ait enfin un effet. Qu’il puisse arrêter de compter les gens sur les doigts d’une seule main et de dépoussiérer un bar qui n’en aura jamais autant besoin juste pour éviter de mourir d’ennui.
Mais que fait la nouvelle recrue ? Light attend, guette le bruit de la porte de service qui se referme et qui indiquera la venue de cette nouvelle recrue qui, de toute façon, sera toujours plus intéressante que cette salle à moitié vide. Lui qui fait d’habitude plutôt tache dans le décor a l’impression d’avoir pris la même couleur que les murs à force de rester là, debout, à s’ennuyer. Il a envie que les choses bougent plutôt que d’avoir l’air de s’enliser comme elles le font, petit à petit.
Et puis finalement, il y a le bruit. Celui de la porte. Un sourire se dessine sur les lèvres de Light. La nouvelle tête est là, enfin s’il peut dire. Il jette un bref regard à la salle : il ne s’y passe rien, Seis ne lui en voudra pas s’il décide de déserter son poste au bar pour accueillir la nouvelle recrue. Et de toute façon, Seis n’est pas non plus obligé de savoir que son larbin de toujours a déserté son poste pour quelques secondes. Minutes ? En général, avec Light, ça ne se passe qu’en quelques secondes. Soit il arrive à s’entendre un minimum avec la personne, soit il se la met définitivement à dos. Autant faire en sorte que le courant passe. Ce serait bête de devoir travailler avec quelqu’un qui vous déteste. Pensée pour Moxie, et petit ricanement.
Quoique, il n’a jamais travaillé avec elle.
Light s’approche de ce qui fait office d’arrière boutique, déserte la salle et s’approche de la nouvelle recrue, avant de reculer aussitôt.
« Attends, il est sérieux, là ? »
Cette tête rousse, il la connaît. Il la reconnaîtrait entre mille, même s’ils se sont perdus de vue il y a un moment. Light rit un peu. Seis en a, de ces idées, même s’il n’est pas censé être au courant.
« J’y crois pas ! T’as réussi à te faire embaucher ici ? Dis-moi que je rêve, je pensais pas te revoir maintenant et encore moins ici ! »
Light sourit un peu.
« Salut, Clio. Ca fait une paie, hein ? » |
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| Sujet: Re: Thanks for the memories. / Clio - 11.124 06.04.16 20:55 par Clio Chatterton | Citer Editer Supprimer |
| « Non, maman. Non… Non, je… Maman. Maman, écoute-moi. Maman ! Tu peux dire ce que tu veux et taper les bras en l’air comme une enfant, je n’ai pas le temps de passer te voir. Et je n’ai pas d’argent à te donner… Plus tard, oui mais pas… J’ai un loyer à payer, maman. Et des factures, aussi. Je… Arrête. Maman, arrête. Tu… Bon, écoute. Je dois y aller. Je vais être en retard au travail et je… Au revoir, maman. »
Tout ce que le corps de Clio trouve à faire en réponse à ce dialogue, c’est soupirer. Sa mère lui demandait encore de l’argent. Du temps et de l’argent. Sio Clio avait encore quelques économies cachées dans son appartement, elle n’avait pas nécessairement le temps d’aller lui apporter ce laisser-passer magique vers sa drogue. Pas le temps. Pas l’envie, non plus. Si encore sa mère mettait l’argent de côté pour payer sa dette au bordel, Clio serait ravie de lui donner le fruit de son travail. Mais elle savait pertinemment que les billets et petites pièces passeraient dans l’Essence. Pour que sa mère se sente mieux, probablement. Cette conversation avec sa mère l’avait mise en rogne. Clio attrape son manteau, son sac et ses clefs à côté de la porte. Elle claque et verrouille la porte dans son dos.
Elle n’avait pas menti quand elle disait à sa mère qu’elle allait être en retard au travail. Et ça la mettait un peu plus en rogne. Elle était persuadée que Vivian attendait le dernier moment avant de l’appeler. Vivian savait que sa fille avait un boulot et qu’elle ne pouvait pas décrocher le téléphone quelques minutes à peine avant de partir. Peut-être que Vivian avait attendu tout ce temps dans l’espoir que Clio dirait oui afin de pouvoir raccrocher plus rapidement. Clio voyait un complot derrière cet appel. Vivian le faisait certainement exprès.
Puisque Clio était en retard, elle devait marcher plus vite. Respirer plus vite, également. Et ça aussi, ça lui tapait sur les nerfs. Puis, il y avait du monde aussi. Du monde qui ne marchait pas spécialement à la même vitesse qu’elle. Du monde qui la mettait un peu plus en retard et qu’elle avait un mal fou à dépasser. Ça ne faisait que l’agacer davantage. C’était donc une bien belle journée de merde.
Après avoir poussé quelques personnes, après avoir failli tuer deux ou trois petits jeunes qui prenaient de la place en criant très fort au beau milieu de la rue – saletés – Clio n’était plus qu’à quelques pas du but final : le bar. Elle accélère un peu plus la cadence, pousse la porte de service et s’autorise à souffler profondément. Elle retire son manteau, l’attache à un crochet fixé au mur et dépose son sac dans un coin. Elle lisse ensuite quelques plis sur sa tenue, en essayant de calmer les battements de son cœur. Elle était au boulot, maintenant. Vivian n’avait plus sa place dans sa tête. Dorénavant, il n’y avait plus que les clients. Les clients, le bar et rien d’autre. Elle sursaute quand elle entend une voix d’homme derrière elle. Elle se retourne, son charmant sourire sur le visage. Elle écarquille les yeux, surprise de retrouver ici, sur son lieu de travail, un ancien camarade.
« Oh mon dieu ! Non, dites-moi que j’ai une hallucination… »
Elle sourit, piétine un peu le sol en gloussant comme une nigaude. Puis elle sautille vers sa cible, abat ses deux mains sur les épaules mais le tient à bout de bras.
« Light ! Mais… Mais ça alors ! Tu es passé de crevette à gambas ! C’est incroyable, faut que tu me donnes la formule de ton régime ! Allez, fais un câlin à ta copine Clio ! »
Dernière édition par Clio Chatterton le 27.06.16 14:16, édité 2 fois |
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| Sujet: Re: Thanks for the memories. / Clio - 11.124 10.04.16 22:07 par Cal Gray | Citer Editer Supprimer |
| Appuyé au chambranle de la porte qui sépare l’arrière-boutique du reste du bar, Light sourit. Il a même carrément envie de rire. Il regarde la surprise passer sur le visage de Clio en souriant encore un peu plus, hausse vaguement les épaules l’air de dire « elle est bien ton hallucination ? » et reste où il est, les mains dans les poches, attendant la suite des événements. Finalement, la soirée promet d’être beaucoup plus passionnante que prévue. Si Clio est là, ça n’annonce qu’une chose : des souvenirs. Et le racontage de leurs vies respectives, depuis qu’ils se sont perdus de vue. Un bref rire lui échappe quand les mains de la jeune femme se posent sur ses épaules, et il retire les siennes de ses poches pour esquisser le même geste, finissant avec les poignets sur les épaules de la rousse, les mains négligemment croisées derrière sa nuque. Il incline la tête de côté, gardant son sourire.
« Le secret c’est des pains. Beaucoup. Et surtout dans la tronche, d’ailleurs. Au début c’est pénible mais ça finit par devenir efficace. Ceci dit, je recommande pas. »
Light attire Clio et la serre contre lui. C’est bref. Les câlins, ce n’est absolument pas son truc. Mais c’est Clio, bon sang ! Et c’est vrai que ça fait vachement longtemps qu’ils ne se sont pas vus, même pas aperçus au coin d’une rue quelconque dans cette cité engloutie sous la mer. Finalement, il la lâche, recule d’un pas ou deux, et cale ses mains dans les poches arrière de son pantalon.
« T’as changé, aussi. J’aime bien ta coupe de cheveux, même si je t’avoue que je me souviens absolument pas de celle que t’avais quand on était gosses. »
Ça fait loin. Tellement loin que, lui, ses cheveux ont eu le temps de prendre une teinte qu’ils n’étaient pas censés avoir avant un moment. Mais Light n’a jamais rien fait comme tout le monde, pourquoi sa génétique ne suivrait pas cette idée ? La dernière fois qu’ils se sont vus, ils étaient mômes, et lui, il en était à sa énième fugue de l’orphelinat, il était dehors depuis trois jours, occupé à fuir ceux qui le cherchaient, comme un peu souvent. C’était même comme ça qu’il avait rencontré Clio. C’était comme ça qu’ils s’étaient perdus de vue.
Il reste à continuer la conversation. Ce qui n’est absolument pas le fort de l’ex-mercenaire. Il pourrait toujours lui poser des questions sur sa mère, mais il ne sait pas si c’est vraiment une bonne idée. A la place il attrape Clio par le poignet et l’amène derrière le bar de la salle du petit établissement du niveau 1. Toujours désespérément vide.
« Alors… On a quelque chose comme des années à rattraper, non ? Raconte-moi donc ce que tu as fait pendant toutes ces années, et comment tu as atterri ici, on a du temps à tuer, comme tu peux le voir, les débuts sont durs et pour l’instant cet endroit est aussi habité que le fond de l’océan. Félicitation, tu rejoins le club des crustacés des grands fonds. »
Son sourire s’élargit l’espace de quelques millisecondes. |
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| Sujet: Re: Thanks for the memories. / Clio - 11.124 26.06.16 17:44 par Clio Chatterton | Citer Editer Supprimer |
| « Ça tombe bien, je n’aime pas le pain ! »
Des années. Oui, des années. Au début, au tout début de sa disparition, elle comptait encore les jours. Autant de jours sans avoir vu Light. Après, c’était des semaines. Des mois. Elle avait abandonné les années. Elle s’était mise à croire qu’il referait surface, un jour ou l’autre. Elle avait cessé de s’inquiéter pour lui – l’avait-elle seulement déjà fait ? Oui, sans doute. Quand elle était plus jeune, parce qu’elle s’inquiétait plus que de raison pour les autres. Et il avait fini par réapparaître. Plus grand. Plus fort. Un peu plus gros. Et avec des cheveux gris. Clio serre Light contre elle, aussi fort qu’elle le peut. Il n’avait jamais été très tactile. Elle non plus mais quand même un peu plus que lui. Avec les personnes qu’elle supportait avec facilité. Il évoque sa coupe de cheveux. Elle passe une main sur la tête de Light et ébouriffe ses mèches grises.
« Oh, avant ? J’avais les cheveux longs. La coupe courte, c’est encore assez récent. Mais tu parles de mes cheveux mais t’as déjà vu les tiens ? Chouette la coloration ! C’est médical ou c’est un effet de mode ? »
Light la traîne vers le bar et Clio peine un peu à le suivre, juchée sur ses escarpins à lacets. La salle est vide. Un peu pitoyable, vu comme ça. Il est encore tôt, les clients ne devraient pas tarder. Les débuts sont toujours difficiles.
« Oh c’est magnifique… J’ai toujours rêvé d’être un homard ! »
Ils sont prêts à échanger des nouveautés, des anciennetés, des banalités. Peut-être une ou deux tasses de thé, en passant. Elle tire un tabouret haut à elle et se hisse dessus. De toute manière, pour le moment, à part attendre, ils n’ont rien à faire.
« J’ai atterri ici en quittant mon ancien travail – un autre job de barmaid dans un bar miteux avec un patron immonde que je pourrais aisément poursuivre pour harcèlement sexuel. J’ai vu l’annonce en passant, je me suis dit que ça ne pourrait pas être pire qu’ailleurs alors j’ai passé la porte. Et… Tadam ! »
Elle gigote un peu sur son tabouret, passe une main dans ses boucles rousses.
« Mais raconte-moi, toi, le disparu retrouvé ! Parce qu’au fond, moi, je suis toujours restée au même endroit. J’ai continué à enchaîner les boulots en plus des études. Passé seize ans, j’ai enchaîné les boulots en plus des boulots et maintenant je suis là. Ah et j’ai été cocue, entre deux boulots, également. Mais toi ! Dis-moi, raconte ! J’étais même persuadée que tu étais mort ! »
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| Sujet: Re: Thanks for the memories. / Clio - 11.124 27.06.16 11:51 par Cal Gray | Citer Editer Supprimer |
| Light ne bronche pas quand Clio passe sa main dans ses cheveux. Il la laisse faire, se contentant de jeter un bref regard aux mèches grises qui passent dans son champ de vision. Médical ? Probablement, ouais, à ceci près qu’il n’a jamais eu l’idée d’aller demander à un médecin pourquoi ses cheveux avaient cessé d’être bruns depuis un bon petit nombre d’années. Il faudrait, peut-être, qu’il aille poser la question à quelqu’un de qualifier, mais il se dit que puisqu’il n’en est toujours pas mort, c’est que ça ne doit pas être trop grave. Au final, il hausse les épaules.
« Oh, ça fait un moment qu’ils sont comme ça. Ca a commencé j’avais… treize, quatorze ans ? J’ai jamais pensé à demander ce que c’était ou à quoi ça peut être dû, mais vu comme c’est parti, d’ici quelques années ils seront blancs. »
Ce n’est pas non plus comme si ça le gênait. Au début, peut-être, mais il a appris à faire avec, et ça ne le dérange plus. Plus autant qu’avant, et encore, il faudrait qu’il y pense. Ce qu’il ne fait pas, à moins qu’on le lui rappelle. Au final, ça lui va très bien comme ça. Il écoute Clio, tranquillement, en regardant machinalement les alentours, des fois que quelqu’un pousse la porte du bar. C’est désert. Même la fosse des Mariannes serait plus peuplée que ça. Ils sont juste deux homards au fond d’un endroit désert. Charmant tableau.
« Laisse-moi deviner. Tu lui as fait regretter de t’avoir trompée ? »
Il faut dire qu’il n’imagine pas Clio rester passive dans une histoire pareille. Ça ne lui correspond pas, comme scénario. Même si, au fond, c’est lui le pire des deux. Et de loin. Quand Clio lui demande de parler de lui, Light ricane nerveusement. Est-ce qu’elle veut vraiment savoir ? Probablement pas, mais, de toute façon, il passera certains détails sous silence.
« Oh, moi, je suis resté dans le niveau trois. J’ai continué d’essayer de me barrer de cet orphelinat à tout prix, de trouver un moyen d’échapper à l’école, aussi. Ça n’a pas vraiment fonctionné mais ils ont fini par me jeter dehors parce qu’il fallait bien pouvoir caser les nouveaux arrivants. C’était pas spécialement la période la plus drôle de ma vie, mais je connaissais déjà assez la rue pour savoir me débrouiller. »
Ce qui impliquait notamment de continuer à voler pour ne pas mourir de faim, rater deux cambriolages dont un qui avait achevé de l’intégrer à la Compagnie et qui avait, par la même occasion, fait de lui le larbin de Seis.
« Au final le moyen le plus sûr que j’avais pour me payer un appartement, c’était les combats dans l’arrière-salle de la boucherie. D’où les pains. J’ai même eu la possibilité de prendre une ou deux revanches sur quelques personnes que j’avais perdu de vue quand l’orphelinat nous avait lâchés dans la nature. Et j’ai atterri ici parce que j’avais essayé de cambrioler le patron et que ça a raté. »
Machinalement, Light sourit. Il préfère rire de cet épisode, même s’il avait bien failli y passer.
« D’ailleurs, si jamais tu oublies tes clefs, je sais crocheter une serrure. » |
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| Sujet: Re: Thanks for the memories. / Clio - 11.124 28.06.16 22:35 par Clio Chatterton | Citer Editer Supprimer |
| Ses cheveux sont comme ça. D’accord. Elle n’a pas fait médecine, elle ne fera jamais médecine, elle n’a jamais aspiré à faire médecine. Si elle avait fait des études, elle se serait intéressée aux autres. Elle aurait fait un travail proche des autres. Au fond, barmaid, ça lui plaisait. Il lui demande si elle a fait payer à Adam son infidélité. Elle y a pensé. Elle a pensé à saccager son appartement, à mettre le feu à ses rideaux, à finir toutes ses bouteilles et peut-être même à finir les cigares qu’un client lui avait offerts. Elle avait même pensé à empoisonner sa nourriture. Pour qu’il vomisse ses tripes une journée. Pour qu’il chie ses tripes une journée. Pour qu’il se torde de douleurs au moins une journée.
« Je ne lui ai rien fait. J’ai pleuré. J’ai cassé un service d’assiettes. Puis j’ai enfilé une robe, je me suis faite belle. Et je suis sortie boire un verre. J’ai pensé à me faire le premier mec qui m’offrirait un verre. J’ai vu la tête du mec. J’ai laissé tomber cette idée. J’ai seulement… Lâché prise. »
Light parle de lui. C’est comme si elle avait déjà entendu cette histoire. C’était la vie qu’il menait à l’époque où, gamins, ils s’étaient rencontrés. Il a continué à se battre dans les rues, il s’est payé un appartement en se battant derrière la boucherie – elle ignorait qu’on se battait à l’arrière de la boucherie, d’ailleurs. Il lui raconte qu’il a essayé de cambrioler le patron et que c’est pour ça qu’il travaille ici. D’accord. Normal.
« Bah dis donc ! T’en as fait des choses dans les rues ! Ça ne m’étonne plus que tu n’aies pas trouvé le temps de venir faire coucou à ta vieille copine Clio ! »
Elle tire la langue à Light avant de glousser. Oh et… Il sait crocheter une serrure. Elle écarquille les yeux.
« Attends, tu sais… Et dire que je trouvais ça incroyable de pouvoir mettre du mascara sans ouvrir une bouche de cinq kilomètres de long. C’est bon, tu gagnes ! »
Elle passe une main dans ses cheveux – encore, oui – et elle observe le bar, toujours aussi vide. Désespérément vide. Il est encore tôt, elle a bon espoir. Mais ça la désespère un peu cette sécheresse de clientèle.
« … Tu crois qu’on devrait se déguiser en homard et distribuer des tracts dans la rue ? »
Elle observe Light quelques secondes, en se taisant.
« … Tu serais plaisant en homard. »
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| Sujet: Re: Thanks for the memories. / Clio - 11.124 29.06.16 13:47 par Cal Gray | Citer Editer Supprimer |
| Light rit franchement en découvrant la surprise sur le visage de Clio quand elle apprend qu’il sait crocheter une serrure. Jusqu’ici, toutes les personnes à qui il l’a dit n’ont pas eu l’air surprises. Swann, ça ne l’avait pas surpris. Pas plus que Seisyll. Ceci dit, il avait débarqué chez eux par une fenêtre. Antonine a, peut-être, tout juste levé un sourcil. Quant aux chats du patron, ils en seront les derniers étonnés, surtout qu’il y a un kleptomane parmi eux. Pour se débrouiller dehors, il a bien dû apprendre deux-trois choses. Qui, au final, ne lui ont pas beaucoup servi. Il gratifie Clio d’une légère pichenette sur le front. Ils le faisaient déjà quand ils étaient gamins, pourquoi s’arrêter ?
« Eh ouais ! chacun son truc. En plus t’as pas besoin de payer le serrurier, ni de changer de serrure. Enfin. En principe. De toute façon, si tu me le demandes, tu sauras que tu n’auras pas besoin de changer de serrure. »
D’autant plus qu’elle serait tout à fait capable de le surveiller en train de berner le mécanisme de la fermeture pour être certaine de ce qu’il fait. A la limite, il serait foutu de lui apprendre comment crocheter une serrure. Et même, changer de serrure quand la personne d’en face a pris l’habitude de les crocheter, ça ne sert à rien. Tout au plus, ça lui prendra, quoi, cinq secondes de plus à s’énerver sur le mécanisme avant de le faire céder ? Cinq secondes de plus pour attraper un objet totalement aléatoire à lui abattre sur la tête sachant qu’il n’est pas suffisamment bête pour s’en prendre à une propriété avant d’avoir repéré les lieux. Et maintenant, s’il s’y essaie, c’est Seisyll qui s’occupera de son cas. Il préfère autant ne pas y penser et jette un regard à la salle.
Vide. Désespérément vide. Il soupire, regarde Clio.
« Je sais pas ce que je préfère entre essayer de crocheter la serrure du patron ou me déguiser en homard, je t’avouerai. Les résultats ne seront de toute façon pas glorieux, que ce soit l’un ou l’autre. »
Pour entrer chez Seisyll, maintenant, il frappe à la porte, dit qu’un chat est dehors, insiste longtemps jusqu’à ce que ce soit le faussaire boiteux qui lâche l’affaire et lui dise d’entrer. Light n’est pas un modèle de patience, mais il est borné. Machinalement, il croise les bras, sourit légèrement.
« Si je suis un homard, toi, tu es quoi ? Une méduse ? Par contre à ce moment-là, faudrait renommer le bar. Je sais pas si un nom avec homard ou méduse dedans c'est très vendeur. » |
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| Sujet: Re: Thanks for the memories. / Clio - 11.124 07.07.16 12:10 par Clio Chatterton | Citer Editer Supprimer |
| A quoi bon changer de serrure si la personne ayant crocheté la première est en mesure de crocheter la deuxième ? Autant cesser de se faire des cheveux blancs et abandonner tout de suite. Puis, ce n’est pas comme si Light allait faire une razzia dans son appartement et lui voler ce qui lui appartient – et dans le cas où il en penserait, il faudrait qu’il sache qu’elle serait en mesure de le retrouver, de le droguer, de l’enchaîner et de le torturer. Qu’on se le dise. A bon entendeur. Sauf qu’elle imagine que Light n’est plus un voleur, désormais. Qu’il ne fouille plus dans les poubelles à la recherche d’un reste gaspillé. Il a un emploi. Un appartement, aussi, d’après ses dires. Alors il n’a plus aucune raison de voler quoique ce soit – à moins que ce ne soit pathologique. Si tant est que le vol peut être pathologique. Elle pensera à se renseigner, genre à la bibliothèque.
Il n’a pas l’air d’apprécier l’idée d’être travesti en homard. Clio hausse les épaules, déçue. Elle le travestira une autre fois, dans ce cas. Elle en trouvera l’occasion. Elle le fera boire, boire, boire puis elle lui peindra les ongles en rose – ou en rouge – avant de l’achever à coups de pinceaux à maquiller. Qu’elle rigole. Qu’il souffre. Il en perdrait sa dignité mais Clio n’avait jamais été une personne cruelle, bien que certaines personnes semblent le croire.
« Oh. J’ai travaillé quelques années dans un bar nommé l’Éléphant rose. Avant, je ne savais pas ce qu’était un éléphant, du coup je suis allée vérifier à la bibliothèque. C’est un animal. Un animal énoooooorme. Avec de grandes oreilles – enfin, j’ai cru comprendre que ça, ça dépendait encore de l’origine de l’animal – et une longue trompe. Après, je me suis demandée comment Geoff – mon ancien patron – avait eu connaissance de ces animaux de la surface, lui qui a le cerveau mou d’une huître dans une assiette, servie avec salade. Après, on ne peut pas dire que l’Éléphant rose était un bar très réputé, hein. C’était un repère de pervers, la plupart du temps – je me demande encore comme j’ai fait pour ne pas être violée, tu vois le genre ? »
Puis, la clochette de la porte s’agite, révélant deux clients. Deux hommes en costume, propres sur eux. Clio se redresse, affiche un large sourire sur ses lèvres et salue les deux nouveaux arrivants qui vont s’installer dans un coin du bar, l’un en face de l’autre. Elle se penche vers Light, murmure pour ne pas se faire entendre par les deux clients.
« Ceux-là, ils sont pour moi. Un peu de charme, quelques plaisanteries. Je vais prendre leur commande dans cinq minutes et m’assurer qu’ils ne soient pas déçus de s’être aventurés en terrain inconnu. Avec un peu de chance, ils seront satisfaits et parleront du bar à leur entourage. C’est un peu comme de la prostitution, en fait. »
Elle passe une main dans ses cheveux, lisse les plis de son chemisier – et de son tablier, par la même occasion – avant de dresser un énième large sourire sur ses lèvres. Elle se lève et se dirige vers les messieurs, s’informe de leur commande, plaisante quelque peu avec l’un d’entre eux ayant l’air nettement plus extraverti que l’autre et retourne au bar afin de leur servir à l’un un gin martini et à l’autre, un whiskey. Elle dépose les deux verres sur un plateau une fois la préparation achevée et retourne le leur apporter, en leur souhaitant une bonne dégustation. Elle se hisse à nouveau sur son tabouret et regarde Light.
« En grandissant, j’ai compris que je pouvais tout obtenir si je roulais un peu des hanches, si je battais un peu des cils ou si je cessais de me comporter comme une midinette. Qu’on se le dise, je ne suis pas sûre que les hommes aiment les midinettes. Tu aimes les midinettes, toi ? »
Dernière édition par Clio Chatterton le 16.07.16 20:49, édité 1 fois |
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| Sujet: Re: Thanks for the memories. / Clio - 11.124 15.07.16 19:06 par Cal Gray | Citer Editer Supprimer |
| Light la laisse s’occuper des deux clients qui viennent d’entrer. Ça va aussi être son boulot à elle, maintenant, il la laisse gérer son premier soir. D’autant qu’avec les roulements, elle sera sûrement seule quelques heures par soir à chaque service. Quand elle revient, il l’écoute, hausse les épaules.
« Si par “midinette” tu veux dire une personne que tu as constamment envie de baffer, de mettre à la porte, et avec laquelle tu passes ton temps à t’engueuler pour rien… La réponse reste non. Ce sera sans moi pour les midinettes. »
Il sourit vaguement. Moxie, Moxie, et encore Moxie. Insupportable. Au moins autant que lui, à ceci près qu’elle est du sexe opposée, et qu’au lieu d’être une ex-mercenaire qui s’ennuie derrière un bar, elle vend l’image de son corps en dansant au Blue Velvet. Les quelques mois de leur cohabitation étaient houleux, et il se demande encore pourquoi ils ont gardé contact. Peut-être parce que l’emmerdeuse aux costumes bleus peut se montrer utile, glanant des informations involontairement pendant qu’elle distrait quelques personnes de tous les niveaux de Pelagia. Moxie danse bien. C’est un des seuls souvenirs qu’il a d’elle, d’ailleurs.
« Et sinon, tu fais souvent du bénévolat dans la prostitution, comme ça, juste par plaisir d’aider les gens ? »
Pas le temps de sourire un peu plus, ni même de ricaner. Clio réplique en lui assénant une magnifique taloche, bien méritée, sur l’arrière du crâne. Il sursaute un peu, proteste vaguement, sans plus. Il l’a méritée, celle-là, il ne peut pas le nier. Il l’a même cherchée, en creusant suffisamment pour que ça finisse par lui tomber dessus. Ça ne lui est encore jamais arrivé avec le patron, mais ça promet de finir par se concrétiser s’il continue de le provoquer dès qu’il en a l’occasion. Une manière pour lui de se rassurer et de se dire que son employeur a abandonné son idée initiale de le noyer. On fait mieux, comme entretien d’embauche. En tout cas, pour autant qu’il sache, il y a mieux quand il est ensuite question de recruter quelqu’un. Comme tout simplement ouvrir la porte du bureau qui reste habituellement toujours fermée et discuter avec la personne.
C’est ce qui a dû se passer pour Clio. Enfin, Light l’espère.
« Sinon. A part tes années dans ce bouge glauque, qu’est-ce que tu as fait d’autre ? J’ai l’impression que tu as fait beaucoup plus de choses que moi, ou en tout cas tu as plus bougé. »
En tout cas, elle a sans doute fait plus d’efforts que lui pour essayer de se sortir du niveau trois, même s’il y reste pour pouvoir mettre un maximum d’argent de côté et essayer, un jour, s’il en a l’occasion, de voir la surface, parce qu’il ne compte pas rester dans cette bulle de verre jusqu’à la fin de ses jours. Les seules fois où il daignait sortir des ruelles sombres des bas-fonds de la ville, c’était pour repérer les endroits du niveau d’au-dessus qui allaient subir son habileté croissante à venir à bout des serrures qu’il rencontrait. Le patron avait pu tester, même si ce n’était pas la serrure qui avait souffert ce soir-là, mais plutôt le carreau de verre trop fin que la cité avait décidé de mettre à toutes les fenêtres. Quant aux combats clandestins, si on peut appeler ça bouger pour sa vie, ils peuvent toujours compter dans la balance.
« T’as forcément fait autre chose. Dans mes souvenirs, tu tenais pas plus en place que moi, fallait toujours que tu t’occupes avec quelque chose, parfois t’étais la pire. L’école ça te suffisait pas, avoue-le. T’en avais forcément marre de rester assise sur une chaise toute la journée. » |
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MESSAGES : 585 POINTS : 4077 PRÉSENTATION : www.FICHE DE LIENS : www.DATE D'INSCRIPTION : 29/07/2014
| Sujet: Re: Thanks for the memories. / Clio - 11.124 16.07.16 20:50 par Clio Chatterton | Citer Editer Supprimer |
| Par midinette, Clio entendait tout sauf ce qu’il avait énoncé. Elle entendait ces fausses adolescentes dans l’âme, amourachées du premier venu. Celles qui rigolent forts avec de petits couinements de cobaye et celles qui parlent fort, par la même occasion. Elle entendait les femmes coquettes et superficielles, ces femmes qui fardaient de mille et uns fonds de teint coûteux et de mille et unes poudres colorées. Donc tout sauf ce qu’il venait d’énoncer. Light lui demande s’il lui arrive de pratiquer régulièrement le bénévolat dans le milieu de la prostitution et Clio répliqua par une tape sur l’arrière du crâne, les lèvres retroussées en un sourire narquois. Il n’y avait que ça à répondre. Light savait qu’elle avait travaillé au bordel – pas en tant que prostituée, plutôt en tant qu’assistante au ménage et autres corvées. La prostitution ne représentait donc pas un tabou aux yeux de Clio puisque faisant inévitablement partie de sa vie.
« Tu n’as que ce que tu mérites, Cal. »
Elle insiste bien sur son prénom – son véritable prénom. Elle articule de manière exagérée en papillonnant des yeux. Elle ne l’appelle comme ça que lorsqu’il est question de l’ennuyer. C’est encore une manière de le punir de s’être moqué d’elle de manière si effrontée. Il lui demande si elle a fait des choses de sa vie et Clio hausse les épaules.
« Si par bouger, tu entends « travailler » alors oui, j’ai bougé. Déjà, je mettais de l’argent de côté pour payer ma « dette » au bordel – tout est une question d’argent pour la matrone. Ce que je mangeais, ce que je buvais et ce que je coûtais en vêtements était inscrit sur mon ardoise et j’ai tout effacé le jour où j’ai déposé mon butin fait de babysitting, de repassages, de ménages et de corvées diverses. J’ai pris un petit appartement dans le Niveau Deux – plus pour m’éloigner de ma mère que du Niveau, en fait. J’ai essayé de trouver un boulot dans un boui-boui miteux faisant office de salon de coiffure – je passais le balai, je faisais des lessives – mais ça payait pas des masses alors j’ai cumulé avec d’autres boulots comme faire des ménages, des babysitting ou encore aller faire les courses pour les personnes plus âgées. J’ai même fait la lecture à une petite vieille qui voulait que je relise le même livre encore et encore… Puis, il y a eu l’Eléphant rose, qui payait mieux mais qui était difficilement supportable à cause de Geoff – qui ce bar a été d’une telle jouissance… Et maintenant… Maintenant je suis ici. Célibataire, serveuse, satisfaite de ma vie et de mon boulot. Fin ! »
Elle repense à ce qu’il dit de l’école, comme quoi ça ne la suffisait pas. Une moue se dessine sur ses lèvres.
« Ce qui ne me suffisait pas, à l’école, c’était les années limitées que j’allais y passer. Moi, j’aimais bien l’école. J’adorais l’école ! J’aurais voulu y rester, à l’école. Ça me plaisait de me plonger dans les livres, les notes à potasser. Tu sais, je ne me suis jamais faite d’illusions. Je savais qu’à seize ans, je ne serai plus scolarisée – du moins pas gratuitement et ce n’était pas avec mes petits boulots à droite et à gauche que j’allais pouvoir payer le reste du cursus. Du coup, je n’avais jamais eu de rêve comme devenir médecin ou avocat. Et au fond, ça ne me dérange pas. Quand tu vois comment ces pauvres êtres finissent dans les bars, parfois… Mais j’aimais bien l’école. C’était… C’était comme une pause, tu vois ? Juste… Rester là, assise sur un banc à écouter un type nous enseigner des trucs et ne pas penser à faire la lessive ou la vaisselle ou les courses de truc ou de garder le gosse de machin… C’était apaisant. Je n’étais même pas mauvais en classe ! J’étais la première de mon Niveau ! D’accord, il y avait deux ou trois Niveaux Uns devant moi mais j’étais devant les autres. Parce que j’aimais ça. Plus que de faire le ménage, en tout cas… »
Elle repousse une mèche derrière son oreille avant de reprendre.
« Mais toi, dis-moi. Raconte-moi. Ça ne peut pas se résumer en « J’ai essayé de voler des gens, j’ai été recruté comme barman. », si ? »
Dernière édition par Clio Chatterton le 17.07.16 21:29, édité 1 fois |
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| Sujet: Re: Thanks for the memories. / Clio - 11.124 16.07.16 23:06 par Cal Gray | Citer Editer Supprimer |
| Son vrai prénom claque dans l’air comme lui claque sa langue d’agacement contre son palais. Elle avait vraiment besoin de le ressortir de sous le placard, celui-là. Poussiéreux, et indésirable. Light soupire, sèchement, et serre machinalement les poings, sans rien dire. La taloche n’était apparemment pas suffisante, mais il fera avec. Il n’a pas spécialement le choix, de toute façon. Jusqu’ici, il n’y avait eu que deux personnes à continuer de s’obstiner à l’appeler, de temps à autres, par son vrai prénom. Le patron. Et un éminent décédé. Autant dire que le palmarès n’est pas bien brillant, et c’est justement ce qui lui convient parfaitement dans cette histoire. Il écoute Clio. Parler d’elle, de ce qu’elle a fait, de comment elle a réussi à s’éjecter du bordel dans lequel elle a passé son enfance. A la revoyure, la matrone et son incroyable système pour garder un maximum de gens sous sa coupe.
Clio est bien la seule des deux à avoir un jour apprécié l’école. Rien ne lui plaisait, à lui, dedans. Toujours les regards de ceux qui ne sont pas du niveau trois. Toujours les regards des instituteurs qui savent que de toute façon, jamais personne du niveau trois n’a réussi à atteindre l’université. Ils devaient tous se dire, vivement le seizième anniversaire, vivement qu’on en ait un de moins. D’ailleurs, maintenant qu’il y repense, il n’a strictement aucune idée de sa date d’anniversaire. Il a toujours suivi ce qu’on lui disait à l’orphelinat. Et quand il en était parti, il avait commencé à compter. Pas dur, après, quand il avait rejoint les combats clandestins, la petite entreprise d’à côté du patron, et la Compagnie. Il sait quel âge il a. Point barre.
Nouveau soupir, plus calme. Il a presque oublié que Clio a eu l’audace de dépoussiérer son prénom d’origine. Et lui, qu’est-ce qu’il a fait ? A part devoir broder une histoire à servir, au fur et à mesure que la rouquine lui parlait. Il ne peut décemment pas lui dire pour la Compagnie. Ni pour Aldebaran. C’est déjà risqué de lui parler de l’arrière-salle de la boucherie, mais c’est la seule chose qui explique son passage à une morphologie normale pour sa taille. La rue, ça ne fait pas tout.
« Bah, tu me connais. L’école, c’était pas mon truc, du tout. J’ai jamais vraiment aimé. Les regards, les messes basses, et j’avais l’impression que même les professeurs ne voulaient pas de moi dans leurs classes, alors pourquoi les accabler de ma présence, hein ? J’ai séché un nombre incalculable de cours, et je n’allais certainement pas aller à l’université. Pas de parents, l’orphelinat qui me jarte pour pouvoir caser les petits nouveaux… En plus de pas vraiment être du genre à me résigner gentiment à faire ce qu’on me dit, j’ai bien fini par me débrouiller seul. Tu t’en souviens, c’est dans un de ces moment-là qu’on s’est rencontrés, mais c’est globalement resté pareil après qu’on se soit perdus de vue. »
Un petit silence. Il peut toujours lui parler de Swann. Sans vraiment l’évoquer. En trouvant une excuse à sa mort. Le temple pourpre, par exemple. On n’a jamais vraiment fait le compte de toutes les victimes, on dit même qu’il reste des corps dans l’eau, squelettes que les poissons ont fini de nettoyer de toutes leurs chairs. Charmant tableau en perspective. C’est toujours mieux que rien. Il ne peut pas lui dire. Pas maintenant. Peut-être même jamais.
« Au final, eh ben… Oui, on peut résumer ça comme ça, j’ai essayé de cambrioler le patron, et maintenant je fais barman. Il n’a pas été le seul à en faire les frais, d’ailleurs, pendant un moment, je vivais de ça. Je prenais juste ce dont j’avais besoin, et je disparaissais avant que quelqu’un ne se réveille. Mais, au final, c’est un peu plus compliqué que ça. J’ai essayé de cambrioler le patron et un de ses amis. Ils partageaient un appartement, à l’époque. L’ami en question était peintre. Il a préféré me garder comme larbin, et j’ai fait l’assistant peintre pendant un moment. Jusqu’à sa mort, en fait. Il était dans le temple quand la bombe a explosé. Et du coup, quand le bar a ouvert, je me suis retrouvé ici. C’était ça, ou retourner dans la rue. J'avais déjà tenté la rue, j'avais pas envie de recommencer. »
Il a réussi à ne pas ciller en évoquant Swann. Même s’il n’a pas prononcé son nom, le souvenir du peintre est encore trop vif pour être indolore. Light a même un vague sourire, un de ces petits ricanement qui le connaissent.
« Bon, et en bonus, j’allais me prendre des pains dans la tronche quelques soirs par semaine pour me défouler et les rendre. Rester bien sagement dans mon coin ça n’a jamais été un domaine dans lequel je suis doué. » |
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| Sujet: Re: Thanks for the memories. / Clio - 11.124 17.07.16 21:30 par Clio Chatterton | Citer Editer Supprimer |
| Clio l’écoute raconter. Elle l’écoute lui confier sa vie, ce qu’il a fait du temps où ils se souvenaient encore l’un de l’autre, du temps où ils se disaient « Tiens, et lui, il devient quoi… ? » avant de retourner vaquer à des occupations plus importantes. Non pas que les amis ne soient pas importants aux yeux de Clio mais l’argent, la liberté et le travail l’étaient encore plus. Quand Clio travaillait, elle ne pensait à rien. Elle ne pensait ni aux factures, ni à sa mère, ni à la politique et encore moins aux problèmes de ses amis qu’elle prenait parfois trop à cœur. Alors elle l’écoute. Parce que Clio aime ça, écouter les autres, en apprendre sur eux. Elle l’avait fait toute sa vie, pourquoi s’arrêterait-elle maintenant ? Quand elle était petite, elle écoutait sa mère et les autres prostituées se plaindre. Elle a grandi, elle s’est fait des amis à l’école, des amis qui se confiaient à elle. Ensuite, il y avait eu les employeurs. Les employeurs et les clients, également. Appuyée sur le comptoir du bar, elle attendait que les autres aient vidé leur sac en flots de paroles, des flots qui ne tarissaient jamais. Peut-être Clio inspirait-elle confiance ? Peut-être les gens voyaient-ils Clio avec un sparadrap sur les lèvres, muette comme une carpe ? Ça ne l’avait jamais dérangé d’écouter les autres ni de prendre soin d’eux.
C’est pour ça qu’elle écoute Light, assise sur son tabouret. Elle l’écoute lui parler de sa vie de vols et de misère, de menus larcins qu’il effectuait aux dépens des autres en crochetant les serrures en échange de quelque chose à se mettre sous la dent. Elle comprend ça. Elle ne le comprend que trop bien. Fut un temps, elle se serrait la ceinture pour payer les factures et ne pas se faire virer de son nouvel appartement. Alors Clio ne portait pas le blâme sur les vols. L’ami du patron est mort. C’est triste ça. Elle est désolée pour lui. Elle ricane quand il dit que rester tranquille, ça ne lui correspondait pas. Elle passe une main dans ses cheveux.
« Alors, qui est pire que l’autre quand il s’agit de ne pas rester en place ? Hein ? »
De nouveaux clients entre dans le bar. La sonnette tinte. Elle les salue, de son énorme sourire, de sa voix qui chantonne. Et elle se désintéresse d’eux aussitôt, abattant ses mains sur les épaules de son collègue et ami. Sans doute l’un des meilleurs. Elle le pousse légèrement, d’une légère pression.
« Allez ! C’est à ton tour de te vendre ! Et tâche de les faire revenir ! »
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