tre infiltré chez les Conciliateurs ce n’est pas un film d’espionnage. Pas de gadgets, de roulades, de combats. C’est la réalité. Ça veut dire que les jours calmes comme celui-ci, Adélaïde se retrouvait assise sur un banc, un livre en main. Évidemment, par n’importe lequel. Beaucoup de livres n’étaient pas cautionnés par l’Église à cause du sujet traité. Alors elle faisait en sorte de se fondre dans la masse sans trop en faire. Et malgré tout, ce banc était un point stratégique. Les Conciliateurs se baladant passaient forcément devant elle, s’asseyaient parfois à côté ou sur le banc voisin. Elle avait tout le loisir de faire semblant de lire et de tourner les pages de temps à autre.

Elle attendait une certaine heure, une heure creuse durant laquelle elle pourrait aller prélever quelques hosties pour Damiana. Leurs répliques se devaient d’être parfaites et, désirant ne rien devoir au hasard, la jeune femme avait préférée prendre le risque d’aller en prendre elle-même. Mais ses plans furent changés par une ombre imposante. Ne relevant pas les yeux, elle haussa simplement les sourcils face au subterfuge du papier qu’il ramassait nonchalamment. C’était surfait. Ne bougeant pas, elle serra simplement davantage le livre entre ses doigts fins, un air contrarié au visage. Elle aurait aimé lui balancer son livre, le frapper avec en lui disant qu’il était complètement débile, qu’il allait tout faire rater avec sa discrétion pareille à un hétérosexuelle lors d’une gaypride.

Mais elle ne montra rien, resta de marbre. Elle attendit qu’il s’en aille, simplement. Lisant encore quelques minutes, elle finit par se lever, vérifiant qu’il l’avait bien vue. Marchant d’un pas calme, elle se dirigea vers l’église. C’était une heure creuse, les Conciliateurs déjeunaient où vaquaient à leurs occupations. Seules les Cardinale passaient leur temps à exposer leur foi. Le reste travaillant tout le jour durant, venaient prier ici en fin de journée où tôt le matin. Se faufilant dans l’entrebâillement de l’imposante porte, elle avança avec discrétion jusqu’au confessionnal, prenant place dans l’un d’eux.

Son livre sur les cuisses, elle apprécia la fraîcheur des lieux car la chaleur à l’extérieur se faisait déjà lourde et bien présente. Tamponnant du dos de sa main sa nuque, son cou ainsi que son front, elle appuya sa tête contre la structure en bois, attendant de voir Leonardo apparaître. Quel idiot quand elle y pensait. Lorsqu’il apparût enfin, elle pu déverser sa gentillesse vipérine habituelle.

« J’espère que c’est important pour que tu oses venir ici. T’es pas censé être espion? Avoir un minimum de jugeote? Je sais pas, je trouve ça étrange pour un soit-disant espion si réputé que le seul truc que tu trouves à faire c’est faire semblant de ramasser un papier. T’es devenu éboueur entre temps ou? »

Marquant une pause, elle s’éclaircit la voix, décidant de s’arrêtait là, de se contenir un minimum. « Bref. Dis moi tout. »

onfortablement installée bien que crispée, la jeune femme haussa progressivement les sourcils lorsqu’elle entendit la confession de Leonardo. Son visage se décomposait en une expression lasse mais surtout agacée. Ses mains sur ses cuisses, elle serra ses poings, se levant d’un bond, faisant tomber son livre au passage. Le bruit résonna fortement sans pour autant l’empêcher de sortir du confessionnal pour rentrer dans la cabine où se trouvait Leonardo. Elle était furieuse, forcément. Et si elle s’était mise à sourire, il aurait eut du soucis à se faire concernant sa survie.

« T’es sérieux? Non, je veux dire, tu te fous de ma gueule? Tu viens ici, tu mets ma couverture à mal pour ça? ÇA? » Énervée, elle se mit à lui coller des petites claques, se défoulant sur le pauvre visage de Leonardo. Le lieu était étriqué et elle s’y retrouvait presque serrée, l’empêchant de faire de grands mouvements. Elle était donc limitée quant à la torture.

Lui écrasant le pied avec ses talons, elle lui prit une poignée de ses cheveux dans son poing serré au point de faire blanchir ses métacarpiens à travers sa peau pâle. Cognant quelque peu son crâne dans un mouvement brusque elle rapprocha son visage du sien, articulant furieusement dans sa colère vipérine.

« C’est la dernière fois. Tu m’entends? La prochaine fois je cours voir le père supérieur pour lui dire qu’une taupe se trouve dans les bâtiments. »

Ironique, n’est-ce pas? Le relâchant, Adélaïde passa ses mains dans ses cheveux bruns, les tirant en arrière. Restant quelques instants ainsi, elle regarda dans le vague, poussant un soupir saccadé face à la rage qui faisait battre son cœur à la chamade. Tentant de se calmer, elle respira quelques instants avant de planter à nouveau son regard dur sur l’imbécile face à elle.

« … Mon dieu qu’il est bête. » Finit-elle par dire à voix basse, faisant comme s'il n'était pas là, fermant les yeux quelques instants.

délaïde le toise depuis sa place assise, posant son regard froid sur lui. Le voilà bien amical pour se permettre un tel geste. Haussant les sourcils avec condescendance, elle le laissa terminer son petite manège, sa petite comédie menée avec talent, il fallait l’avouer. Elle s’était plus ou moins calmée. Finissant par poser son regard sur ses mains posées ses épaules, elle saisit l’un de ses poignets de Leonardo du bout des doigts, soulevant sa main avant de la faire tomber, lui montrant bien qu’ils n’étaient pas assez proches pour qu’il puisse se permettre ce genre de gestes.

« Je m’en fiche. » Finit-elle par dire d’une voix vexée. Elle n’aimait pas qu’on se joue d’elle, encore moins de cette manière. Et comme pour mettre fin à cette petite comédie, elle décroisa ses jambes, posant son pied sur le torse de Leo pour pouvoir ensuite le pousser hors du confessionnal.

Sortant calmement après lui, elle alla récupérer son livre dans l’autre cabine, le regardant tout en secouant la tête. Claquant plusieurs sa langue contre son palais, elle mit ses poings sur ses hanches. « Ah. Il est beau comme ça le GRAND espion de la F.F.O.V. » Elle souligna avec ironie « grand » avant de regarder autour d’elle. Puisqu’elle était ici, que les Conciliateurs étaient plus ou moins absents, elle était tentée d’aller chercher les hosties pour Damiana. Elle en avait besoin.

Regardant Leonardo étalé sur le sol, elle tourna les talons, se dirigeant vers le fond de l’Église. « J’ai quelque chose à faire. » Ses pas résonnants dans le lieux, elle retira ses chaussures, les posants sous un banc avant de continuer plus discrètement. Regardant la petite barrière mise en place, elle posa son bras dessus en appuie avant de la sauter, se retrouvant de l’autre côté. Une petite porte découpée dans le mur, calfeutrée se trouvait là. C’était le lieux où le prête se changeait, là où il y avait les réserves d’hosties.

L’avantage était qu’à force de traîner ici, la jeune femme avait eut le temps de faire les doubles des clefs. Sortant la chaîne qu’elle avait autour du cou, un soit disant collier offert à son baptême — excuse qu’elle sortait à chaque Conciliateur désirant le voir — Elle sortit plusieurs clefs avant de s’arrêter. Poussant la porte du bout des doigts, elle haussa un sourcil avant de coller sa main contre son front. « Mais qu’ils sont débiles. » À force de dire aide ton prochain, ne fais pas aux autres ce que tu n’aimerais pas qu’on te fasse, ils avaient une confiance naïve en l’humanité.

Et Adélaïde se sentait comme le loup dans la bergerie. Rentrant, elle ressortit aussitôt, faisant signe à Leonardo. « Rends-toi utile. Surveille l’entrée tu seras mignon, merci. » Lui adressant un rapide sourire, elle s’enfonça à nouveau dans la pièce, prête à fouiller.

uvrant les tiroirs, elle ne fit pas attention au petite manège de Leonardo à l’entrée, trop occupée à ouvrir les tiroirs, les portes de placard. Jusqu’à ce qu’elle tombe sur le dit sachet. Sortant son portable, elle prit en photo la marque pour être sûr de replacer les hosties dans le bon sachet avec le bon packaging. Elle avait ce qu’il lui fallait, ce sera plus simple d’aller en acheter et surtout moins suspicieux. Elle pourrait ainsi mettre au point son stratagème avec Damiana sans soucis. Ressortant aussitôt, elle haussa un sourcil en voyant Leonardo, esquissant un rapide sourire.

« Ce que je cherche? Ça ne te regarde pas. Je t’ai demandé de surveiller les entrées, pas ton avis ou ta participation. »

Remettant ses chaussures d’un geste souple elle se dirigea vers la sortie sans dire merci à l’espion, posant ses mains sur la lourde porte en bois. Sentant que celle-ci était fermée, elle lâcha un râle agacé, se tournant vers Leonardo avec un regard accusateur. Elle était ouverte il y a quelques minutes de cela et elle avait entendu des voix. C’était sa faute, elle en était persuadée.

« Je resterais pas ici enfermée avec toi. Ouvre cette porte. Tout de suite. »

Les églises lui donnait un sentiment d’oppression, elle s’y sentait mal. Il y avait quelque chose qui lui était insupportable, qui décuplait sa paranoïa. Alors, se retrouver coincée ici était un cauchemar et elle espérait que Leonardo comprendrait et se dépêcherait d’ouvrir la porte. Car s’il se mettait à jouer avec ça, elle savait qu’un meurtre serait commis parmi ses murs.

l désirait réellement jouer avec ses nerfs qui étaient si faciles à titiller. Restant à sa place, elle s’était vivement retournée lorsqu’il avait évoqué le fait qu’il possédait les clefs. Elle n’était pas la seule à avoir un double autour du cou alors. S’humectant nerveusement les lèvres, elle hésita. Il ne demandait qu’une réponse. Une simple réponse. Pourtant le renseigner sur ses projets bien qu’ils soient du même camp lui était insupportable. C’était ses affaires, ses projets et elle n’avait pas envie qu’il soit au courant de quoique soit. Il aurait été capable d’intervenir à tout moments, de s’immiscer dans son travail.

Lui donner matière à l’embêter au quotidien était une mauvaise idée bien que l’option du mensonge n’était pas à négliger. Mais Adélaïde n’était pas dans ses instants diplomatiques. Elle n’avait pas envie de parlementer depuis qu’il était arrivé, pas avec lui en tout les cas. Depuis son arrivé, il la rendait folle. Et la jeune femme n’avait qu’une envie, exploser. Enlevant ses chaussures, elle les lui balança, hors d’elle.

« Donne moi ses foutus clefs! Ça te regarde pas, est-ce que je vais fouiner dans tes affaires? Non. »

Faux. Elle se renseignait de temps à autre, par curiosité, savoir où cet imbécile était passé lorsque cela faisait quelques temps qu’elle ne l’avait pas croisée. Mais voilà, telles étaient les limites d’Adélaïde. Le croiser quelques secondes dans les couloirs de la F.F.O.V pour s’assurer qu’il soit vivant avec tout ses membres étaient suffisants. Mais être enfermée avec lui était déjà trop pour elle. Et bien que l’Église soit grande, sa simple présence la hérissait.

« Je veux les clefs. Maintenant. » Dit-elle sur un ton agressif, sachant pertinemment qu’elle n’avait pas les clefs de cette porte massive. Les bureaux, les petits recoins, c’était facile de s’en procurer. Mais un tel lieu, on ne le confiait pas à n’importe qui et il lui était compliqué de les demander sans être démasquée à plusieurs kilomètres. Impatiente, elle finit par marcher rapidement vers lui, se jurant qu’elle lui arracherait s’il le fallait.

« Tu risques de pas aimer quand je vais venir la chercher. » Marmonna-t-elle, saisissant une Bible oubliée sur un banc. La lançant délibérément à côté pour le déconcentrer quelques secondes — elle savait qu’il ne résisterait pas à un commentaire — elle frappa sa carotide, hésitant quelques secondes à enchaîner par une partie plus sensible. Ça aurait été déloyale. Saisissant son épaule, elle passa ses mains sur son torse pour voir sir la clef était dans l’une des poches, faisant ensuite les poches de son pantalon.

« Mais elle est où!? » Ragea-t-elle, crispant ses doigts sur sa prise, enfonçant ses ongles dans l’épaule de Leonardo.

lle se retrouvait bêtement en train de tourner avant qu’il ne lui croise les bras dans le dos, empêchant tout mouvement de sa part. C’était la position la plus frustrante. Être ainsi retenue d’une manière aussi bête. Levant les yeux au ciel, elle se raidit, un air sévère au visage. Forcément, elle n’était plus en position de s’énerver, de le frapper. Tout ce qu’elle pouvait faire, c’était l’écouter distraitement, jetant de temps à autres des coups d’œils par-dessus ses épaules pour l’apercevoir du coin de l’œil.

Elle finit par se détendre d’un mouvement brusque, une jambe tendue pour la soutenir et une autre pliée avec lassitude. La tête penchée, elle réfléchit quelques instants. L’option du mensonge était la meilleure de toute évidence. « J’avais besoin de vérifier des informations sur le prêtre qui fait les offices. C’est pas grand chose, ça fait juste partie de l’engrenage. » Conclut-elle quelque peu agacée. Elle n’avait plus ses talons pour lui écraser le pied, mais elle le fit tout de même — bien que l’effet de son petit pied sur sa chaussure ne devait pas être très efficace —, reprenant soudainement du poil de la bête.

« Et toi et moi on est pas pareils! Je tiens à ce que ça soit clair! Ça me ferait mal qu’on nous compare. » La délicatesse, la gentillesse. Tout ce qui caractérise Adélaïde voyons. « Maintenant donne moi les clefs et lâche moi. » Après un moment d’hésitation, elle finit même par rajouter « S’il te plaît. » sur un ton plaintif. On sentait que ça lui faisait mal de devoir le dire à voix haute.

Cette comparaison entre eux, la moins flatteuse qui puisse être. Et ce qui l’énervait n’était pas qu’il le dise, mais qu’elle le sache. Elle ne le savait que trop bien, qu’ils étaient deux éléments proches, sûrement trop. Et c’était ce détail qui la gênait, d’être apparenté sur le plan moral à lui. Ses actions ne l’avaient jamais gênées jusqu’ici mais en y réfléchissant bien, ils faisaient la même chose. Même travail, même comédie.

La mâchoire crispée, le regard fuyant, elle remit ses chaussures d’un air désabusé, se dirigeant vers la sortie, sans jeter un coup d’œil par-dessus son épaule. Elle n’aimait pas ce genre de lieux, elle y était mal à l’aise et encore plus lorsqu’on la forçait à y être. Trop de souvenirs remontaient à la surface. Pensant être libre une fois la porte ouverte, elle retrouva avec sûreté la lumière du jour et l’air frais.

Voyant qu’il lui tendait le bras, elle eut un mouvement de recul, une expression venant déformer son visage. Méfiante, peut-être même choquée. Elle le repoussa avec agacement, jetant un coup d’œil vers l’arc sculpté en pierre se trouvant au-dessus des larges portes en bois. « On rigole pas avec ça! » Dit-elle férocement, mal à l’aise. Adélaïde riait de tout, mais le mariage, elle n’avait plus la force de s’en moquer, de dire des horreurs dessus pour se rassurer.

Descendant les quelques marches de son côté, elle évita à nouveau tout contact visuel, semblant agacée. Et dans sa condescendance habituelle, elle faisait les choses avec insouciance. Ignorer froidement, faire comme si la personne n’existait pas. Jusqu’à qu’un déclic se fasse, jetant brusquement sa tête par-dessus son épaule, le regardant avec méfiance. « Ça dépend où tu comptes m’emmener et pourquoi. Je te fais pas confiance. »

Oh non, elle ne lui faisait pas confiance. Elle s’en méfiait. Car sous ses airs d’imbécile heureux, de don juan, elle préférait ne pas savoir ce qu’il s’y trouvait. S’il avait réussis à l’enfermer dans une Église, à lui faire articuler un désespéré s’il te plaît, il était capable de pire. Surtout maintenant qu’il avait eu satisfaction. Et elle ne désirait plus lui donner aucune satisfaction. Il était son pire ennemi et son meilleur allié à la fois.

délaïde n’avait plus envie de s’énerver, elle était fatiguée par ses vagues qui allaient et venaient de manière incessantes. Alors lorsqu’il se coupa brusquement, elle su que quelque chose se passait, se retournant brusquement vers lui. Elle n’avait pas envie que tout tombe à l’eau, pas après tout ce qui s’était passé dans l’Église. Elle n’eut pas le temps de répondre, seulement d’esquisser un bout de phrase. « Sûrement pas grand ch- » Emmenée par Leonardo elle ne dit rien, jetant un coup d’œil par dessus son épaule, le groupe de prêtres bien en vue.

Elle se contenta d’accélérer le pas, tournant sa tête en direction de leurs bruits de pas bien que le mur lui cache toute visibilité. Elle écoutait simplement, le regard changeant. Et contre toute attente, elle ne se mise pas à hurler, à le frapper, à lui faire milles et un reproches. Le moment n’était pas idéal et le plus étonnant était qu’elle ne ressentait pas l’envie de lui faire subir une énième fois son courroux. C’était machinalement qu’elle avait attrapée un pan de sa chemise qu’elle serrait entre ses mains crispées. Mais elle était plutôt tranquille, comme si la journée avait fini par la fatiguer suffisamment pour qu’elle prenne bien les choses.

« Le jour où il y aura une rafale de balles, je saurais qui appeler niveau protection. » Dit-elle à voix basse avant d’esquisser un sourire, retenant un léger rire, les sourcils haussés. Elle attendit encore quelques minutes avant d’esquisser un pas sur le côté, soupirant. « Bon. Je vais y aller de mon côté. » Elle attendit quelques secondes, comme hésitante avant de finalement être sûre que de le dire ne l’écorcherais pas totalement. « Merci. À bientôt. »

Faisant le tour, elle reprit allées pavées, s’enfonçant un peu plus dans la masse de bâtiments et de verdure accordée au lieu.