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« journey to the past » — Alba [TERMINÉ]
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 « journey to the past » — Alba [TERMINÉ]



Gil Dylman
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MessageSujet: « journey to the past » — Alba [TERMINÉ]   « journey to the past » — Alba [TERMINÉ] Empty15.07.14 18:04 par Gil DylmanCiter Editer Supprimer 

allting man kan,
tänka sig.


Il ignore tant bien que mal le bruit ambiant, en se demandant ce qui a bien pu le pousser à venir là. La curiosité ? Probablement. Autrement, il serait resté au milieu de ses vieilleries, à les regarder sous tous les angles, à rêvasser comme d’habitude aux conséquences de leur apparition sur terre. Il n’est pas vraiment du genre à sortir, encore moins à aller dans un endroit réputé pour être bruyant. Un marché couvert. Mais quelle idée… Un petit soupir lui échappe. Il aurait pu aller n’importe où, et il a fallu qu’il choisisse le marché couvert de San Polo.
Il n’a aucune course à faire, il se balade juste, au milieu des allées, entre les étals, en regardant ici et là ce qui se présente. Ce qui est sûr, c’est que le voilà dans un endroit haut en couleurs.

Qui change un peu de son petit local étriqué, il faut bien l’admettre. Il recale la bandoulière de son sac sur son épaule et continue d’errer à moitié en continuant de regarder autour de lui. Plus que ce que vantent les marchands alentours, il regarde le décor. Les détails. Il regarde en l’air, il regarde les murs, parfois il regarde aussi le sol avant de relever la tête, en continuant de marcher, les mains dans les poches.
Il chantonne, à mi-voix, une chanson qui lui traîne en tête depuis la veille. Il ne sait toujours pas vraiment ce qu’il fait là, mais ça ne fait rien. Le seul problème, c’est le bruit. Il déteste le bruit.
Il n’a pas l’habitude du bruit, c’est toujours tellement calme dans sa boutique, chez lui.

Mais à moins de partir, il ne fera pas disparaître le bruit environnant.
Il décide tout de même de continuer le tour des lieux, se remettant parfois à jeter un coup d’œil aux étals. Pas grand’chose qui l’intéresse, pas de vieux livres menaçant de partir en poussière s’ils ne sont pas mis sous vide dans l’heure qui vient, aucun volume impossible à feuilleter parce que le temps a absorbé l’encre et l’a faite disparaître. Aucun objet d’une fragilité exagérée qui trouverait sa place au milieu de tous ceux qu’il amasse déjà dans sa caverne personnelle.
Ses yeux se perdent à nouveau dans le décor qui l’entoure. Il ne sait pas vraiment ce qu’il fait là, ni pourquoi il reste. Il n’a pas vraiment de bonne raison de rester, c’est juste lui qui a décidé de ne pas partir maintenant. Mais pourquoi ? C’est une bonne question. Une question à laquelle il n’a aucune réponse satisfaisante.

Il regarde l’heure à sa montre.
Début d’après-midi. Il soupire à nouveau.
Qu’est-ce que ce lieu a d’intéressant à lui apprendre sur Venise ? Il ferait mieux d’aller dans une bibliothèque ou de s’incruster dans un cours de l’université. Ça lui en apprendrait sûrement plus que quelques décorations sur une colonne de pierre.

Il se remet à regarder les hauteurs, à scruter un détail qui lui aurait échappé. Bêtement il tourne un peu sur lui-même, continue de marcher, sans regarder où il va. Il fronce un peu les sourcils. Ce plafond n’a donc rien à lui révéler ? Il baisse de nouveau la tête, retient un énième soupir et ferme les yeux quelques secondes. Il ne les rouvre que lorsqu’il sent son épaule entrer en contact avec quelque chose.
Il cligne des yeux, ses mains sortent de ses poches et il se retourne. Quelqu’un. Il vient de bousculer quelqu’un.

« Ursäkta mig. »

Il se rend compte qu’il vient de le dire en suédois. Il se mordille la lèvre et reprend en anglais, puisqu’il ne parle pas un traître mot d’italien.

« Excusez-moi. »


Dernière édition par Gíl Dylman le 29.07.14 20:55, édité 2 fois

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MessageSujet: Re: « journey to the past » — Alba [TERMINÉ]   « journey to the past » — Alba [TERMINÉ] Empty15.07.14 20:41 par InvitéCiter Editer Supprimer 

belgian waffles

Elle aurait pu avoir été poussée par n’importe quoi. Elle aurait pu sortir de sa tanière pour une colonne vieille de mille ans, pour une mosaïque aux pièces manquantes, pour assister à la fabrication de masques colorés, pour une promenade en gondole ou pour n’importe quelle attraction touristique, pourvu qu’elle l’amène sur les traces du passé. Elle voulait sentir l’odeur de la poussière, elle voulait rentrer chez elle avec des miettes de plâtre ancien dans ses cheveux, elle voulait avoir les mains noires des choses sales depuis des siècles. C’était une réelle volupté que de voir l’eau grise et les bulles de son savon au thé vert. Elle aimait glisser ses mains sur les meubles, sur les murs. Elle passait ses doigts sur une toile avant de l’entamer. A croire que, comme une aveugle, sa vie se résumait au touché.

Oui, vraiment, n’importe quoi aurait réussi à la mettre à la porte de chez elle. Mais aujourd’hui, c’était autre chose que ce besoin antique. C’était un besoin primaire, poussé par la partie reptilienne de son cerveau. L’instinct de survie. Elle n’avait pu se concentrer d’avantage sur la toile rosée, rougie, dorée, tâchée par ses coups de pinceaux. Elle avait dû se lever, étirer ses membres endoloris, passer un jeans, un pull difforme et tricolore qu’elle avait usé au-delà du possible. Ses cheveux en vrac, son sac lourd des emballages de bonbons qu’elle oubliait de jeter, elle avait fermé la porte derrière elle, poussée par une force plus puissante que des souvenirs.

C’était la faim qui avait sorti le monstre Alba de sa caverne. La faim elle-même, sournoise, avide, qui avait tapé contre les parois de son estomac. La faim qui lui avait rappelé qu’il y avait une vie en dehors de la peinture et qu’une vie, pour qu’elle perdure, nécessitait de la nourriture. La faim, peut-être. Mais elle regardait toujours les façades de San Polo avec cet amour passionnel. Elle blâmait ces personnes qui n’en prenaient pas soin, ces touristes des quatre coins du monde qui se contentaient de trois photos, juste pour dire qu’ils y étaient. Si elle avait manqué de retenue, de logique et d’amour propre, elle aurait passé des heures, le corps en étoile, collée contre les vieux murs. Est-ce qu’un brin d’amour pouvait rendre à une antiquité une apparence nouvelle ? Elle hausse les épaules, dans le vide. Dépasse un groupe de touristes asiatiques, regroupés en meute derrière une fleur de tissu au large sourire artificiel. Une horreur.

Les pieds dans le marché, elle pourrait avancer sans regarder qu’elle retrouverait son chemin. Le laitier, marchand de fromages et de lait. Du lait, c’est tout ce qu’il lui manquait. Du lait dans ses céréales, elle ne demandait rien de plus. En vingt-sept ans, elle avait appris à connaître les personnes de ce marché, les habitués mais tout ce qui se disait n’en restait pas moins banal. Bonjour, ça va ? Elle riait à l’argot, aux compliments. Elle tourne la tête. Si elle continue sur une dizaine de pas, si elle tourne à droite après la colonne, elle retrouvera le marchand de gaufres de son enfance. Celui qui lui disait « Une gaufre de Belgique pour la mam’zelle ? ». Elle remercie le laitier et entame son périple vers le marchand de gaufres, le nez en l’air. Ce plafond, elle le connaît par cœur mais il l’émerveille toujours autant. S’il venait à disparaître, elle ne sait pas ce qu’elle ferait. Serait-ce la fin ? Elle s’entend dire « Une gaufre de Belgique » mais c’est comme si elle n’avait rien dit. Comme si le marchand ne savait pas encore ce qu’elle mangeait. C’était samedi, oui ou merde ? Elle paie, il lui rend sa monnaie. A la semaine prochaine, mam’zelle.

Elle croque trois fois dedans. C’est chaud, ça fond dans sa bouche. Elle est gourmande, elle pourrait en manger une deuxième. Elle reçoit une épaule dans la sienne. Elle aurait pu ne pas y faire attention. Après tout, c’est chose courante dans ce marché. Tout le monde se pousse mais c’est pour la bonne cause. Les allées sont étroites. Seulement, peu attentive, surprise, elle lâche sa gaufre. Gaufre dans laquelle elle avait mordu trois fois. Une moue se dessine sur ses lèvres. Elle la regarde piteusement, sur le sol. Puis, elle lève ses yeux vers l’homme, le même air sur le visage. Il a dit quelque chose, elle n’a pas compris. Il répète. En anglais, ça va mieux. Elle répond dans son anglais à elle, avec son accent de Venise.

Alba – Ce n’est pas grave. Euh…

Elle se mord la lèvre, regarde autour d’elle. Ses mains se resserrent sur la lanière de son sac, comme si elle avait peur de le perdre.

Alba – Vous regardiez la colonne, je… Ne peux pas vous en vouloir.

Sourire. Pour se rassurer elle-même comme pour rassurer l’inconnu.



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MessageSujet: Re: « journey to the past » — Alba [TERMINÉ]   « journey to the past » — Alba [TERMINÉ] Empty16.07.14 12:53 par Gil DylmanCiter Editer Supprimer 

och ingen vad
som händer sen.


Il peut partir.
Il peut sans problème faire demi-tour, partir de ce marché couvert bruyant au possible. Ou tout simplement reprendre son chemin et continuer de regarder les colonnes, sans regarder où il va. Il pourrait très bien partir sans plus d’explications, sans rien d’autre qu’une bête excuse envers la jeune femme qu’il a bousculée. Il pourrait, il en est capable.
Et il aurait pu. Seulement, il reste là. Il ne sait pas trop pourquoi. Sa main vient machinalement recaler la lanière de son sac, c’est presque devenu un tic, mais il déteste la sentir cisailler son cou ou sa clavicule parce qu’elle est mal mise. Il peut encore partir. Il peut encore s’en aller et la laisser là. Il l’écoute parler. Elle dit que ce n’est pas grave, qu’il regardait la colonne ; et qu’elle ne peut pas lui en vouloir pour ça. L’espace d’un instant, il se demande pourquoi elle dit quelque chose de ce genre.

Il incline la tête de côté, en considérant la jeune fille. Machinalement, il l’observe et la détaille. Elle est blonde, cheveux longs, ses yeux sont noisette. Elle est vêtue de couleurs, et elle serre la bandoulière de son propre sac entre ses mains fines. Il a toujours la sienne contre la lanière du sien. Ses doigts pianotent dessus, il cherche quelque chose à dire. Quelque chose d’autre qu’au revoir. Il n’est pas obligé de parler.
Après tout, il peut tout aussi bien partir et la laisser là.
Il ne sait pas vraiment pourquoi il tient à ce point à entamer la conversation avec cette jeune femme. Il la connaît à peine, il ne peut pas dire qu’elle lui servira à quelque chose un jour. Mais il lui paraît toujours injuste de partir sans rien d’autre qu’un épais silence.

Là seulement, il avise la gaufre sur le sol.
Ses dents viennent légèrement entamer l’intérieur de sa lèvre. C’est donc de là que vient la moue désolée de son interlocutrice. Une malheureuse gaufre dont la course s’est terminée sur le sol, à cause de lui. Sa main lâche finalement la lanière de son sac, il jette un regard alentour.
Il a une petite idée de ce qu’il peut faire. Il hésite simplement à approcher la jeune blonde, à la toucher. Les suédois sont des êtres tactiles, très peu attachés aux chichis qui se présentent dans d’autres pays. Il a grandi dans un monde de contacts tant physiques que psychologiques, un monde d’attentions insignifiantes pour eux. Il lève machinalement son autre main, puis la laisse retomber le long de son corps.

Il cherche des yeux le stand des gaufres. Puis son attention revient à la jeune femme.

« Venez, je vous en offre une autre pour me faire pardonner. »

Il ose presque un petit sourire. Sa façade affable, presque trop gentille, la revoilà. Celle qui avait disparu l’espace d’un bref instant, sous le coup de la surprise. Celle qui va et vient sur son visage selon l’endroit, le moment, la personne.
Il fait un pas ou deux dans la direction d’où venait son interlocutrice. Il espère simplement qu’il n’a pas une fois de plus oublié son portefeuille sur le guéridon de son entrée. Ce sera un peu tard pour faire demi-tour, ce sera un peu loin pour faire le chemin inverse puis revenir. Ce sera trop bête, surtout. Mais il ne fouille pas dans son sac, parce qu’en cherchant dans ses souvenirs proches, il sait qu’il l’a emmené. Il y a juste toujours ce doute idiot qui plane.
Lui qui est pourtant du genre organisé.

Un nouveau regard aux environs ne lui apprend pas grand’chose.
Alors il s’adresse encore à la jeune femme, encore en anglais.

« Vous me montrez le chemin ? »

Il faisait toujours plus attention aux colonnes et aux dalles qu’au reste, de toute façon.

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MessageSujet: Re: « journey to the past » — Alba [TERMINÉ]   « journey to the past » — Alba [TERMINÉ] Empty16.07.14 21:14 par InvitéCiter Editer Supprimer 

belgian waffles

A Venise, on ne s’arrête pas pour si peu. On râle, on peste, on grogne mais on ne s’arrête pas. On continue de marcher, même si une épaule percute la vôtre. D’habitude, Alba n’a pas le temps de s’excuser. Elle se retourne, l’autre a déjà disparu. Parfois, on lance une excuse dans les airs, en pensant que l’autre l’attrapera au vol. Ici, tout le monde est pressé. Ça grouille. Et de touristes, et de marchands. Et d’arnaqueurs, aussi. Des pickpockets, des mendiants, des menteurs. Elle suspectait tout le monde, gardait son sac contre elle. Non, à Venise, on ne s’arrête pas pour si peu.

Elle repousse une mèche derrière son oreille. Elle n’y reste pas longtemps, elle se rebelle. C’est sa faute, c’est elle qui l’avait mal mise. Son pied frotte le sol. Comme si elle cherchait à creuser un trou, à s’enterrer au plus profond du marché. Oh, elle pourrait partir. Elle est vénitienne de naissance, elle n’est pas censée s’arrêter. Elle ne devrait déjà plus penser à sa gaufre. Sa gaufre fait partie du passé et elle, elle y pense encore. La gaufre du samedi, c’est sacré. Sa main se décolle de la lanière de son sac, Alba resserre l’étreinte des siennes. Quoi ? Pourquoi tend-il la main ? Elle retombe contre sa hanche. Elle ne l’a pas touchée. Alba retient un soupir. Elle n’a jamais été une personne tactile. C’était trop dur pour elle. Des câlins à ses parents, pas plus deux fois par semaine.

Elle a l’impression d’être une petite fille quand il lui propose une nouvelle gaufre. Elle voudrait tellement ouvrir la bouche et affirmer avec une voix forte que ce n’est pas la peine, vraiment. Que ce n’est qu’une gaufre, que ça nourrira les pigeons et que de toute façon, elle n’avait pas faim. Mais ce serait mentir. Alors, elle se contente d’ouvrir la bouche, lancée sur son idée de départ, prête à refuser, quand elle se ravise, quand elle hoche la tête. Quand elle ose un sourire. Un minuscule sourire de gamine intimidée. Du haut de ses vingt-sept ans, ce n’est peut-être pas le sourire approprié mais il lui va tellement bien. Elle perd dix ans d’un coup quand elle sourit comme ça. Il fait quelque pas, elle le suit, en silence. Mais quelques secondes après, il se retourne pour lui demander, dans un anglais parfait, si elle peut lui montrer le chemin.

Alors, elle rigole mais elle se rattrape bien vite en plaquant ses mains sur sa bouche, l’air horrifié. C’est mal, de se moquer. Elle regarde l’inconnu. Comme tu es bête, Alba. Elle baisse les yeux.

Alba – … Pardon.

Elle pince ses lèvres. Manque de tact, de délicatesse. Elle regarde en l’air, ça la gêne. Elle devrait peut-être s’excuser une seconde fois.

Alba – Je suis désolée… C’est juste que vous aviez l’air si sûr de vous et maintenant, vous me… Désolée.

Elle baisse les yeux, passe devant lui en fixant les vieilles dalles. Elle fait comme si de rien n’était, comme si elle ne venait pas de parler comme une bécasse, comme si elle ne venait pas d’agir comme une cruche. Elle doit changer de sujet, rapidement. Elle a peur des représailles.

Alba – … Vous êtes étranger ? Vous visitez Venise ?

Elle se retourne, sourit.
Elle espère juste que ça effacera sa maladresse.



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MessageSujet: Re: « journey to the past » — Alba [TERMINÉ]   « journey to the past » — Alba [TERMINÉ] Empty17.07.14 11:43 par Gil DylmanCiter Editer Supprimer 

you're changing your heart,
you know who you are.


Elle se met à rire.
Il avouera que sur le moment, il ne sait pas tellement pourquoi elle se met à rire comme ça. Mais il ne peut pas vraiment lui en vouloir. Il incline la tête de côté, et c’est à ce moment-là que le rire disparaît. C’est dommage, pense-t-il, elle a un joli rire. Maintenant, elle a plus l’air horrifiée qu’autre chose, avec les paupières qui clignent et les mains sur sa bouche. Quand il y repense, lui, il ne rit pas beaucoup. Pour ne pas dire pas du tout. Il ricane, à la limite, quand la situation l’amuse, mais sans plus. Il riait quand il était enfant. Et depuis, plus rien.
Elle s’excuse. Et lui, tout ce qu’il trouve à faire, c’est hausser les épaules. Il ne se vexe pas pour si peu. Il a l’habitude qu’on trouve un moyen de rire de lui, il a l’habitude que son père ne fasse rien d’autre que rire à gorge déployée alors qu’il parlait de ce qu’il avait envie de faire.

Il a appris à passer outre, faire comme si de rien n’était, comme si ce n’était pas grave. Et ce n’est pas grave, puisqu’au final, il s’en moque. Alors qu’est-ce que ça change ? Il comprend qu’elle s’excuse, mais ça reste plus un réflexe qu’autre chose.
Il a fait pareil en la bousculant, il n’y a pas de quoi fouetter un chat.

Il la regarde passer devant lui, sans rien dire, et se met à la suivre. Ce n’est pas comme s’il avait grand’chose d’autre à faire, il se met simplement à sa hauteur. Il se remet à regarder les colonnes autour d’eux, parfois les vieilles dalles. De quand datent-elles, ces dalles, au juste ? C’est une bonne question. Mais de là savoir qui pourrait y répondre, c’est une autre histoire. Et ce n’est pas comme s’il avait des dizaines de contact dans Venise. Il a peut-être juste Pio qui vient toujours lui demander un introuvable lustre, à la rigueur.
Rien de bien folichon.
Et puis, elle lui demande s’il est étranger. S’il visite Venise. Et elle sourit. Il ne sait pas pourquoi, mais il sourit légèrement, plus nerveusement qu’autre chose. Il réprime un petit rire cynique. Et puis finalement, il hausse les épaules pour la seconde fois. Parce qu’il n’a pas vraiment d’autre réaction à avoir.

Il s’en fout d’être étranger, il s’en fout d’avoir l’air d’un touriste. Même chez lui, il a parfois l’air d’en être un, alors au final, qu’est-ce que ça change ?

« On peut dire ça comme ça. »

Il a bien d’autres choses à dire, non ?
Il recale encore la lanière de son sac. Elle glisse vite, peut-être même un peu trop. La bandoulière l’énerve. Finalement, il retire la lanière et la pose simplement sur son épaule. Ainsi, elle ne viendra plus lui cisailler le cou. Au pire, le sac tombera par terre. Et pour ce qu’il y a d’intéressant dedans, outre une paire de lunettes de soleil et un vieux bouquin aux pages froissées et aux coins cornés par des lectures répétées sur les années précédentes.
Pas grand’chose, en somme.

Il regarde la jeune femme, et se remet à parler avec son anglais sans accent, sans aucune trace de suédois à venir s’incruster au milieu d’une phrase.
De toute manière, les deux langues se ressemblent étrangement. On ne sait pas vraiment qui a piqué des mots à qui, mais passer de l’un à l’autre ne lui pose en général aucun problème.

« Je suis arrivé il y a quelque mois, mais je n’ai jamais vraiment pris le temps de visiter Venise. Sur le moment, ça ne m’avait pas intéressé. »

Il avait d’autres “soucis” en tête. Son père. Son père et ses éternelles remontrances, sa mère et ses yeux suppliants quand il avait annoncé qu’il partait, et qu’il avait juste laissé une adresse derrière lui sans vraiment savoir d’où pouvait venir ce geste.
Et il n’avait pas trouvé le temps de s’échapper de son antre avant aujourd’hui. Trop de vieilleries à surveiller et à examiner. Pas envie de sortir, entre autres.
Il s’attend bien à ce qu’elle demande d’où il vient. C’est une question récurrente, après tout, non ?

Alors il anticipe.

« Autrement, je suis suédois. »

Jusqu’à la racine des cheveux.

Anonymous
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MessageSujet: Re: « journey to the past » — Alba [TERMINÉ]   « journey to the past » — Alba [TERMINÉ] Empty17.07.14 22:01 par InvitéCiter Editer Supprimer 

belgian waffles

Les touristes de Venise, c’est comme les pigeons de la place St-Marc. C’est incontournable. Généralement, ils étaient facilement repérables. Appareils photos, planqués devant les étalages d’objets souvenirs. Ils se déplaçaient, des plans à la main, demandaient leurs chemins en bégayant, dans un italien de guide de voyage. Mais pouvait-on vraiment leur en vouloir ? Pas Alba, en tout cas. Elle faisait comme eux, elle s’attardait sur des statues vieilles de plusieurs siècles, sur des peintures anciennes, sur des techniques antiques. Elle était une touriste dans sa propre ville. Elle avait évolué dans tous les quartiers de Venise mais n’aurait pu se résoudre à abandonner cet instinct d’exploration qui la poussait à redécouvrir des choses qu’elle connaissait déjà.

Il n’a pas réagi à son rire. Il n’a ni hurlé, ni proféré de menaces. Il n’a rien commenté. Elle ne sait pas si elle préfère ce silence, ce manque d’intérêt, à une bonne douche froide, à l’engueulade du siècle. Elle chipote  à ses doigts, elle essaie de rester souriante. Peut-être que si elle comblait les blancs, ce serait plus facile. Pour elle comme pour lui. Il ouvre la bouche, il parle comme une personne normale. Elle tourne la tête dans sa direction, maintenant qu’il est placé à sa hauteur. Il est grand. Plus grand qu’elle – elle a hérité de la taille de sa mère, sur ce coup-là. Il a des cheveux noirs, plaqués en arrière. Il n’est pas bien gros, elle ne sait pas dire si ça lui plait ou non. Et là, elle rougit. A quoi a-t-elle pensé ? Mais qu’est-ce que c’était ? Elle a chaud, là. D’un coup. Elle ne sait pas ce qu’il lui a pris. Alors, elle détourne le regard, elle regarde les étals de l’autre côté. Elle fait tout ce qu’elle peut pour cacher la rougeur.

Elle espère juste que personne n’a rien vu. Qu’il n’a rien vu, surtout. Ce serait vraiment gênant, sinon. Déjà qu’elle a osé rire alors si maintenant, elle se met à penser ce genre de choses… Elle se mord la lèvre, il répond à sa question. Elle lui en est presque reconnaissante. Il est arrivé il y a quelques mois. Ce n’est donc pas un touriste. Un amoureux des vieilles choses, comme elle ? Elle l’imagine plus professeur de Sciences qu’autre chose, à vrai dire. Il n’a pas les mains sales et abimées. Il n’a jamais pris le temps de visiter Venise.

Alba – Venise est une ville absolument magnifique. Il y a tellement de choses à voir ! Je pense que je n’arriverai jamais à m’en lasser…

Elle sourit, sans vraiment détourner le regard de ses étalages. Elle a peur que la rougeur n’ait pas totalement disparu, qu’elle ait laissé une traînée rose sur son visage, sur son nez, ses joues. Il vient de Suède. Là, elle s’en fout de la rougeur, elle retourne vivement la tête dans sa direction.

Alba – Vous venez de Suède ? C’est incroyable… Comment c’est, là-bas ? J’imagine que c’est vert, plein de forêts, de promenades, que ça sent les biscuits aux épices dans les maisons, ce genre de choses, non ? Je me trompe ?

Elle a retrouvé sa langue. Et petit à petit, ils arrivent devant le stand de gaufres du vieux monsieur de son enfance. Elle désigne le stand d’un geste de la main.

Alba – C’est ici. Mais… Il ne parle pas anglais. C’est un vieux de la veille, je le connais depuis que je suis toute petite. Dites juste « due cialde Belgio, per favore »… Ça ira ? Goûtez-en une, elles sont extraordinaires. Il fait la pâte lui-même la veille au soir et il les vend le lendemain.



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MessageSujet: Re: « journey to the past » — Alba [TERMINÉ]   « journey to the past » — Alba [TERMINÉ] Empty20.07.14 15:21 par Gil DylmanCiter Editer Supprimer 

so let's no give
the game away.


Il sourit, légèrement, mais sincèrement, quand il entend la jeune femme parler de Venise. Il comprend tout à fait qu’on puisse à ce point être fasciné par quelques façades et des canaux, il l’est lui-même, malgré sa flemme latente d’aller découvrir ces nouveaux paysages, malgré une pointe de désintérêt pour certaines choses, certains aspects de la ville qui lui paraissent ne valoir le coup que la première fois où on les voit.
Une sorte de détachement.
Il continue de regarder, ici et là, les mêmes éternelles colonnes, les étals, et les couleurs qui vont et viennent au fur et à mesure qu’ils avancent. Il ne se dit pas que c’est étrange, qu’il n’aurait jamais fait ça, avant. Qu’en Suède, il se serait contenté de passer son chemin et de laisser la personne se débrouiller, de l’abandonner là, sans même un au revoir. Sans un regret, sans un remord. Il aurait simplement rayé cette personne de sa mémoire et serait retourné à ses vieilleries sans âge, au fond d’un appartement presque trop petit.

Sauf qu’ici, il n’est pas en Suède. Il est à Venise. Est-ce que ça change quelque chose ? Non. Pas tellement. Il se contente d’entretenir ce masque affable et à moitié énigmatique qui le rend un minimum sympathique aux yeux des gens. Une sorte d’assurance, une garantie que tout le monde ne lui en voudra pas à mort le moment venu.
Quelques personnes, c’est déjà trop. Il devrait peut-être arrêter de jouer, de temps en temps.

Et il regarde de nouveau la jeune femme, parce qu’elle lui parle. Elle lui parle à propos de la Suède, des petites idées qu’elle peut avoir sur ce morceau du monde dont tout le monde sait que les gens ont des goûts étranges en matière de bonbons ; et il doit avouer qu’il aime toujours autant la tête des gens quand il leur propose les petits carrés de réglisse salée.
Il sourit un peu, un peu plus, un peu plus sincèrement. Comment c’est, la Suède ? C’est pas très grand, c’est couvert de forêts et de lacs, c’est habité par des ours, des lynx, des loups et des élans, quelques frelons et guêpes, des écrevisses au fond des lacs et des choucas dans tous les arbres. Ça lui fait un peu bizarre, de devoir parler de la Suède. Il n’a encore jamais abordé ce sujet avec qui que ce soit, même pas Pio, surtout pas Pio. Tout ce qu’il a appris à cet homme, c’est à prononcer son nom de famille correctement. Parce qu’en suédois, les y se prononcent u.

Il continue de sourire en répondant aux questions de son interlocutrice.

« C’est très vert, couvert de forêts et de lacs dans lesquels on peut se baigner en été, faire du patin à glace l’hiver. Dans les forêts, il y a des lynx, des loups, des ours. On peut cueillir des myrtilles et des framboises au bord des chemins, entendre les choucas bavarder dans les arbres… »

Il est presque nostalgique, rien qu’à l’idée de parler de son pays natal, sans s’avouer que ce dernier lui manque. Ça lui manque, de s’échapper de la maison le soir pour aller piquer une tête dans le lac d’à côté, ça lui manque d’errer le long des chemins forestiers en espérant ne pas tomber sur un ours ou un élan, avec la bandoulière du fusil à l’épaule.
Dans la campagne suédoise, tout le monde sait se servir d’un fusil. Et on ne part pas en forêt sans, à moins d’être suicidaire.

Et puis finalement, les voilà devant le stand des gaufres. La jeune femme, il ne connaît pas son nom, d’ailleurs, il s’en rend tout juste compte, lui explique que le vendeur ne parle pas anglais. Et lui, il ne parle pas italien, à part bonjour, au revoir et merci. Son seul avantage, c’est que les suédois roulent déjà les R.
Il est tenté par l’idée de prendre une gaufre.

Par contre, il n’a rien compris de la partie en italien. Il ricane un peu, nerveusement.

« Je n’ai absolument rien compris… Du tout. Je vais vous laisser faire, je pense, ce sera moins risqué. »

Evitons les cafouillages en tous genres.
Mais c’est toujours lui qui paie, naturellement.

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MessageSujet: Re: « journey to the past » — Alba [TERMINÉ]   « journey to the past » — Alba [TERMINÉ] Empty28.07.14 19:30 par InvitéCiter Editer Supprimer 

belgian waffles

Pour Alba, la Suède de résumer aux pages glacées des manuels de géographie, des magazines qu’elle feuilletait dans les librairies, aux clichés et aux photos qu’elle regardait sur Internet, de temps à autre. Elle n’avait jamais mis les pieds hors de l’Italie. Pas spécialement par manque de moyens. Par manque de motivation, sans doute. Pas accrochement à son travail. Par manque de repos, sans doute. Elle ne s’accordait que peu de pauses, peu de temps libres, peu de sommeil. Elle aimait son travail, ça lui suffisait. Puis, pourquoi aurait-elle quitté l’Italie ? Il y avait tellement, tellement de choses à voir, à découvrir, à apprendre ! Elle écoute l’inconnu. Vert, forêts. Elle était dans le bon, n’est-ce pas ? Quand ça sort de ses lèvres, c’est féerique. Elle reconnait une pointe d’amour dans sa voix, de la mélancolie. Elle sourit, les mains accrochées à la bandoulière de son sac.

Alba – Je crois que j’aimerais voir un lynx. Ou même un ours.

Ailleurs que dans une cage, cela s’entend. Et un ours aussi. Elle rigole, naïve jusqu’au bout des ongles. Bien sûr qu’elle sait que c’est dangereux, blablabla. Elle hausse les épaules, pour elle toute seule, pour chasser cette voix qui la réprimande sur ses envies de gamine attardée. Elle penche la tête quand il n’avoue n’avoir rien compris. Elle arque un sourcil.

Alba – Vous ne parlez pas italien ?

Et elle s’avance vers le marchand de gaufres, qui la regarde avec des yeux ronds avant d’oser un sourire en coin. Elle hausse les épaules, timide. La rougeur picore ses joues. « Amante ? ». Elle sourit, rentre la tête dans ses épaules, secoue la tête négativement. Les yeux du marchand brillent d’un air narquois.

Alba – Come di solito. Due cialde Belgio, per favore.

Elle ne s’explique pas sur le due. Il pourra se faire toutes les idées possibles, attendra une semaine pour la harceler de questions. Allons, elle ne connait même pas son nom. Elle se hisse sur la pointe des pieds, tend les bras pour recevoir ses biens, s’écarte d’un pas pour laisser l’autre payer. Comme il l’a promis. Qui casse paie, de toute manière. Non ? Elle hoche la tête en remerciant le vieux et se retourne, tendant la gaufre chaude à l’inconnu.

Alba – Vous aimeriez apprendre ?

Apprendre à faire des gaufres belges. Apprendre à peindre. Apprendre à faire du tricot, à marcher avec des talons aiguilles, sur les mains. Apprendre à faire un massage, apprendre à coudre. Apprendre à cuisiner, apprendre à chanter ou encore même à nager. Apprendre une chose utile, une chose futile. Elle se rend compte que quelque chose cloche quand elle s’assied sur un banc, pas loin. Elle baisse les yeux, rougit. Elle rit doucement, nerveusement, tout bas. Elle rit d’elle-même, de sa propre bêtise.

Alba – A parler italien, bien sûr.



Gil Dylman
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MessageSujet: Re: « journey to the past » — Alba [TERMINÉ]   « journey to the past » — Alba [TERMINÉ] Empty28.07.14 23:32 par Gil DylmanCiter Editer Supprimer 

min tanke kristalliserar
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Il secoue simplement la tête à la question de la jeune femme.
Non. Il ne parle pas italien. Pas un mot d’italien, alors qu’il est là depuis un moment. Il se borne à parler anglais, à jurer en suédois pour être sûr que personne ne comprendra, à part un hypothétique touriste suédois, finnois ou norvégien qui passerait par-là, mais les probabilités sont faibles. Il la regarde s’avancer vers le stand, ne comprend absolument rien de ce qu’elle lui dit. Il n’a même pas noté le regard amusé du marchand. Il regarde un peu les colonnes, se demande pourquoi il a la voix d’Annika Herlitz en tête, pourquoi il regarderait bien Millénium pour la sixième fois au moins.
En VO s’il vous plaît.

Il ne revient sur terre qu’au moment de payer, récupère tranquillement sa monnaie et remercie l’homme d’un signe de tête parce que ce n’est pas à lui qu’il pourra dire « tack så mycket ! » avec un sourire. C’est ce qu’il faisait au glasscafé du village près du sien. Ce qu’il faisait aux caissières d’Ica dans la ville la plus proche. Comment s’appelait-elle, déjà ? Il a un trou, sur le moment, il ne se souvient pas vraiment. Le nom lui échappe, bizarrement, il se rappelle juste du parc aquatique auquel il avait invité un ou deux copains de fac une fois.
Il range son portefeuille dans son sac, continuant de réfléchir.

Et puis, son interlocutrice le sort de ses pensées, en lui parlant et en lui tendant la gaufre qu’il vient prendre d’une main. Est-ce qu’il aimerait apprendre ? A parler italien ? L’idée lui a traversé l’esprit sans toutefois le séduire vraiment, même si le côté pratique n’est pas niable. Ça lui sera toujours plus utile que de vouloir retrouver au parc aquatique de Sunne. Ah, oui, voilà. La voilà, cette ville. Enfin, ville. Petit village d’une petite commune du même nom paumée dans le Värmland près d’Östra Ämtervik.
Plein de noms suédois défilent dans sa tête et il hausse les épaules le temps que son cerveau repasse en anglais, histoire que la conversation ne prenne pas de dimension dialogue de sourd.

« Ça me serait plus qu’utile, c’est un fait. »

Il marque une pause, ose mordre dans la gaufre. La pâte est épaisse, moelleuse, un océan de volupté. Il savoure la bouchée, pas mécontent d’avoir proposé de les payer. Il aurait pu manquer quelque chose d’aussi bon en décidant de passer son chemin, et même s’il lui serait venu à l’esprit d’aller s’en chercher une, il n’aurait pas été capable de caser deux mots et se faire comprendre.
Il se remet à regarder la jeune femme.

« Vous m’apprendriez ? »

Il sourit légèrement, avant de se rappeler qu’il ne connaît pas son nom. Il cligne un peu des yeux.

« Au fait, excusez-moi, je ne me suis pas présenté. Gíl Dylman, enchanté. »

Il était tout de même temps de penser à cette petite banalité, surtout s’il doit apprendre l’italien.
Non mais, quand même.

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MessageSujet: Re: « journey to the past » — Alba [TERMINÉ]   « journey to the past » — Alba [TERMINÉ] Empty29.07.14 12:13 par InvitéCiter Editer Supprimer 

belgian waffles

Il n’a rien craché. N’a pas vomi, n’a pas eu de mal à avaler. Donc, elle avait raison. Elle a toujours eu raison. Les gaufres du vieux monsieur sont exceptionnelles. Après, elle n’a jamais été jusqu’en Belgique pour en goûter une vraie. Elle n’a jamais demandé au vieux si lui y avait été. Ce n’est pas son genre, de s’immiscer dans la vie privée des gens. Elle part du principe que rien de ce qu’elle a fait ou a pu faire ne regarde le monde et que ce que fait ou a pu faire le monde ne la regarde. Elle laisse les rumeurs suivre leur cours, elle les efface d’un geste de la main. Elle fait comme si elle n’entendait rien, comme si elle ne voyait rien. Alors si le vieux était un mafieux en Belgique, qu’est-ce que ça peut lui faire ? Alba est curieuse, d’accord. Mais elle n’est pas envahissante. Elle a appris à gérer sa curiosité, à la pousser vers les bonnes choses. Vers le passé des objets, des œuvres, des villes. Pas spécialement celui des gens.

Elle mord dans sa gaufre, comme elle l’avait fait pour feu sa précédente. Le même goût envahit sa bouche, ses dents croquent une perle de sucre. Elle repousse des mèches, pour ne pas les manger à la place de la friandise sucrée. Oui, c’est un fait. Parler italien, quand on habite en Italie… Ça lui semble logique mais elle ne peut pas vraiment le blâmer. Elle, si elle partait s’exiler en Suède, elle parlerait aussi une langue étrangère au pays. Elle serait même dans l’incapacité de dire bonjour, au revoir et merci. Il lui demande si elle le lui apprendra. Elle avale de travers, s’étouffe. Toussote, crachote. Elle porte une main à sa gorge en attendant que la quinte de toux passe son chemin. Et quand elle a fini, elle pose les yeux sur lui, écarlate. Une main sur le nez pour cacher la rougeur, elle bat des cils. Elle hésite entre le faire répéter, rire ou faire comme si elle n’avait rien entendu.

Alba – … Moi ?

Oui, toi. Elle rit, nerveusement.

Alba – Je ne suis pas sûre d’être la personne la plus qualifiée pour l’enseignement…

Mais pour parler italien… Oui, sans aucun doute. Elle ne sait pas. Elle suppose qu’une personne sûre d’elle, qu’une bombe latino aurait répondu dans un sourire plein de sous-entendus « Seulement si vous y tenez » d’une voix pleine de chaleur. Elle, elle ne sait pas. Elle ne peut pas répondre avec l’assurance des autres, des belles. Elle tord ses lèvres, déchire un morceau de gaufre de ses dents. Elle ne sait même pas par où elle devrait commencer. La phonétique ? Les nombres ? Les formules de base, peut-être… Gíl Dylman. Il se présente sous ce nom. Elle lui tend la main, prie pour ne pas trembler. Encore sous le choc du « Vous m’apprendriez ? », sans doute. Elle se fait sans doute des idées. C’est ça, des idées.

Alba – Alba Verziero, ravie.

Allez, souris.
Tu seras mignonne. Ses yeux évitent les siens. Elle détourne la tête, fait semblant de s’intéresser à un étale.

Alba – Euh. Vous étiez sérieux… ? Pour l’italien ?

S’il te répond par la négative, tu pourras toujours rire comme s’il s’agissait d’une blague.




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