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Autour d'eux, la nature renaissait. Les bourgeons apparaissaient sur leurs branches, les oiseaux revenaient des pays chaud, et investissaient, à nouveau, Paris. C'était un jour de vie, et un jour de mort. Elles se côtoyaient, et enveloppaient ses corps réunis devant un cercueil clos, des corps qui croulaient sans un mot sous le soleil printaniers. Une odeur funèbre avait contaminée le verbe pour faire régner un silence de morbide. Un homme embrassait sa destinée d'être désespérément mortel, conformément à la logique de l'absurde existence. Autour de sa tombe, autour de son corps froid et blanc, on lui rendait un dernier hommage. L'on partageaient une peine commune, celle de la perte, que le mort ne connaîtra pas, ou connaîtra, puisqu'il n'y a, après tout, aucune raison d'espérer que la mort délivre des tourments de la vie.
Des années durant, au cours de longue conversations téléphoniques, le vieil homme avait détourné son ami du chemin du suicide. Ce chemin simple et tout puissant, cette fraction de seconde omnipotente abolissant irrévocablement toutes les autres potentielles secondes. Il l'avait détourné du chemin de la corde et du tabouret, alors que longtemps, toujours, dans ses écrits, il avait lui-même prôné la puissance du suicide. Paradoxe ? Il avait également écrit que la mort le dégoutait autant que la vie. Ce fût vrai. Mais aujourd'hui, il ne comprenait simplement pas. Le vide affectait ses pensées depuis quelques mois déjà. Il ne pensait plus. Du tout. Alzheimer émiettait son être, comme son ami s'émiettera au cours des prochaines semaines. Mais lui, était bien vivant. Son corps, en tout cas, l'était. Car de cette femme pleurant à son bras, bien que son visage lui était familier, il ignorait tout. Il avait oublié son prénom, son nom, le jour où il l'avait épousé. Dans les bons jours il se souvenait d'elle. Aujourd'hui, non. Sa mémoire échappait à la définition classique qu'on en donnait. Elle n'était plus, elle marchait vers le Néant. Le Néant.
Il lisait difficilement la date gravée sur le marbre. Celle du 28 Mars 1994. Quant au nom la surplombant, les lettres le formant n'avait plus aucun sens pour lui. Aujourd'hui son ami de toujours, ce roi sans couronne du théâtre de l'absurde, disparaissait. Le 28 1994, alors qu'hier des hommes et des femmes de confession juive partaient pour les camps de concentration nazis. Il avait lancé un paquet de cigarette à un prisonnier, il s'en souvenait. Il repensait à sa contrée natale Roumaine. A sa mère qui affirmait qu'elle aurait mieux fait d'avorter que de le mettre au monde. Alzeihmer mettait sans dessus-dessous, grignotant progressivement la moindre parcelle de son cortex cérébrale. Sa pensée, son être, son esprit mourrait à petit feu. Il ne restait que la chair, que l'ombre, du philosophe qu'il fut. Plissant les yeux comme pour mieux distinguer les lettre, et au prix d'un effort intellectuel éreintant, il déchiffrait l'épitaphe avec difficulté, mais sans la comprendre cependant.
Prier le Je Ne Sais Qui J'espère : Jésus-Christ.
En Mars 1994, au cimetière Montparnasse, Emil Cioran enterrait Eugène Ionesco. En Septembre 125, à Pelagia, Joshua Wells observait les baleines migrer, écoutant leur chant. Deux univers venaient de rentrer en collision, comme deux comètes dans le cosmos.
La cancerette s'était consumé sans que Joshua ne s'en rende compte. Trop courte, elle venait brûler le bord de ses lèvres. Il les entrouvrit sous la douleur, laissant le mégot tomber. Il l'écrasa de son pied. Hagard, les yeux écarquillés, le pessimiste continuait de regarder les baleines passer de l'autre côté du verre. Une nouvelle nuit qu'il embrassait, n'arrivant pas à dormir. Il observait le défilé des cétacés. Il avait un peu bu. Du café et du cognac bon marché. Mais ce n'était pas ce qui obstruait ses pensées. Il y avait un vide dans son flux de pensée, un passage à blanc. Il ne comprenait ce qu'il venait de voir. Qu'était-ce ? Que venait-il de voir? Ni un rêve, ni un cauchemar. Une vision d'ailleurs. Il avait vu à travers les yeux d'un autre, à travers les yeux d'un hôte. Il avait retenu de sa vision que l'épitaphe, la date, le nom du mort, la couleur du ciel et le piaillement des oiseaux. C'était comme une vision de la surface, ce monde de la terre qui ne faisait plus que l'objet de légende et de rumeur sous les eaux. Son esprit avait calé, et n'arrivait pas à démarrer à nouveau. Eugène Ionesco. 28 Mars 1994. Prier le Je Ne Sais Qui, J'espère : Jésus-Christ. Le bleu du ciel, le chant des volatiles... Il se détourna des cétacés. Il se pencha pour attrapa l'étui de son violon qui reposait à ses pieds. Il lui avait pris l'envie de jouer quelques mélodies sous la nuit des eaux. L'envie avait disparut. Les fondations de son être était bouleversé.
Le philosophe se mit à marcher, seul, à travers la cité, le dos légèrement voûté comme celui d'Atlas, un Atlas errant qui croiserait tantôt la route des créatures de la nuit : les ivrognes, les prostitués, les délinquants, les insomniaques... Ses cernes étaient creusés, ses lèvres tremblaient, et ses yeux luisaient d'une non-lueur morne. La nuit mourrait lentement, peut-être était-il quatre ou cinq heures du matin. Il la tirerait du sommeil, certainement, mais il lui revaudrait ça. Il avait besoin de parler. De préférence à quelqu'un qui ne le prendrait pas pour un cinglé.
Mars 1994, Septembre 125. Paris, Pelagia. Cioran, Wells.
L'insomniaque toqua à la porte de Clio.
« PELAGIA »
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Elle avait claqué la porte dans son dos, ôté ses chaussures sans prendre la peine de les ranger correctement. Son sac à main négligemment jeté sur le sol, son manteau abandonné sur le guéridon près de la porte d’entrée. Elle avait du sommeil en retard, du sommeil à rattraper. De doux rêves à faire. Elle avait tourné la clef deux fois dans la serrure, avait évolué dans son appartement plongé dans le noir. Plus rien ne pouvait arriver. Elle avait rempli ses heures, rangé le bar avant son départ. Elle était retournée dans son niveau, avait gravi les escaliers menant à son appartement. Et maintenant… Maintenant, elle allait dormir.
Clio avait ôté ses vêtements. Sa jupe, son chemisier traînant dorénavant sur le sol, elle avait enfilé une chemise décidément trop grande pour elle – chose logique puisqu’il s’agissait d’une taille homme, achetée sur un coup de tête dans un magasin et qui lui servait de pyjama. Elle s’était lancée sur son lit en soupirant, bercée par les petits bruits d’agitation de Captain dans sa cage. Elle relâche la pression accumulée dans ses muscles, se détend peu à peu, allongée sur le ventre, les bras serrant son oreiller. Elle est prête à se couler dans les eaux sombres du sommeil. Prête à s’endormir. Prête à…
Des coups à la porte la font sursauter. Elle met un moment à réaliser, prend du temps à se rendre compte que ce n’était pas le fruit du sommeil, que c’était réel. Elle décide de se redresser en baillant. Elle aurait presque des envies de meurtres, elle qui avait à peine passé le stade hypnagogique. Elle pose ses pieds sur le sol, passe une main sur son visage qu’elle n’a pas démaquillé, une autre main dans ses cheveux. Elle hisse sur ses jambes, se traine jusqu’à la porte d’entrée et allume la lampe dans la pièce, en même temps. La clef tourne à contre-sens dans la porte. Elle ouvre.
« Quoi ? »
Agressive pour si peu, la tête encore un peu dans le cul. Sûrement l’un de ses voisins, pour une raison quelconque. Même s’il faudrait vraiment être con pour attendre cinq heures du matin afin de la solliciter. A moins que cette personne ne soit déjà réveillée. Après tout, Clio se couche quand d’autres se lèvent. Elle bat plusieurs fois des cils, encore aveuglée par la lumière du séjour et par les brides du sommeil. Elle reconnait Joshua.
« … J’ai cru que tu étais un voisin. »
Elle glousse, un peu confuse, et s’efface pour le laisser entrer avant de refermer la porte à double tour dans son dos. Elle se dirige vers sa chambre en le priant de faire comme chez lui, de s’asseoir, le temps qu’elle aille passer un pantalon. Elle s’assied sur un fauteuil, les coudes sur les genoux. Elle sourit paresseusement à son ami.
« Qu’est-ce que tu fais dans le coin, Joshua ? Enfin… Ouais, non. Qu’est-ce que tu fais dans le coin à cette heure, Joshua ? »
« feel good inc. »
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La nuit mourrait à petit feu dans le jour. Elle était moins noire, mais tout de même obscure. Dans l'ombre, ni ses cheveux de jais, ni ses yeux mornes, ni ses cernes noires, n'émettaient la moindre lueur. Pas même la tête incandescente d'une cigarette qui se carbonisait à chacune de ses respirations. Il était là, ombre parmi les ombres, ne se détachant pas des ténèbres jusqu'à ce que la porte ne s'entrouvrit. La lumière du séjour éclaira son visage fané, sans manquer de donner au roux de Clio une luminosité à faire pâlir les réverbères. Les yeux de la jeune femme était enlisés dans le sommeil. Il la tiré du lit. Le bar ferme tard, Clio regagne son antre plus tardivement encore. Il ne dormait pas la nuit, ou très rarement. Parfois, il en oubliait que les autres s'endormaient. Il n'avait pas oublié la douceur du sommeil, non, il n'y a, après tout, que ceux qui ont déjà goûté au miel, et qui s'en retrouve privé, pour connaître toute l'étendue de sa douceur. Il omettait juste que les gens s'allongeait dans leurs lits, et n'avaient pas besoin de drogue pour s'endormir. Et que lorsqu'ils dormaient, il n'y avait pas ces terreurs nocturnes pour troubler leur repos.
Si il pouvait faire locomotive arrière, il n'aurait sans doute pas toqué à cette porte. Pas tout de suite du moins.
Dans la lumière elle apparaissait les jambes dénudées, une simple chemise pour homme recouvrant ses épaules, son torse, et le galbe de sa poitrine. Son regard mort longea discrètement les courbes de ce corps magnifique. Chaque image de Clio lui rappelait cette beauté si inspirante. Un sirène, si il en est, sous les eaux. Quel homme ne se damnerait pas pour elle? Clio, qu'importe l'heure du jour ou de la nuit, semblait réveiller quelque chose en lui. Elle semblait ranimer quelque chose en lui. Ramener à la vie quelque chose de mort. Comme une potion de Lazare qu'il consumait par la simple vu de ce roux, de ces yeux, de ce sourire. Il resserra son emprise sur l'étui à violon qu'il tenait de la main gauche. Après tout, elle avait ranimé en lui ce plaisir de jouer. Le plaisir de faire pleurer son violon. Le plaisir de la musique. Ce que sa mère avait réussis à faire devenir torture, elle lui avait redonné son lustrage d'antan, sa brillance, lui rendant beauté et douceur.
Peut-être réveillera t-elle, un jour, cette plume qui dort depuis trop longtemps..?
Le philosophe noir se délecta du gloussement de la jeune femme, qui s'efface pour le laisser entrer chez elle. Il pénétra cet appartement, pas à pas, s'habitua lentement à la lumière du séjour. Clio disparut dans sa chambre pour enfiler un pantalon. Il eut envie de lui dire que ce n'était pas la peine, qu'elle pouvait rester ainsi. Qu'elle devait rester ainsi. Qu'il voulait qu'elle reste ainsi. Mais il ne prononça par le moindre mot, se contenta d'un silence qui n'approuve ni ne désapprouve rien. Un tissu sur cet épiderme qui semblait si délicate ne changerait rien à la beauté de cette dame. Cette dame qui se faisait source d'eau clair, source d'inspiration. Il prit place au milieu du canapé, posant son étui à violon sur la table basse. L'archet, qui devait faire pleurer les cordes, n'était finalement pas encore sortis de sa cachette, rendu muet par le chant des baleines. Le chant des baleines... dans leurs migrations, elle passaient, pour la première fois depuis la construction de la cité, près de la ville sous les eaux. Joshua voulait en contempler le spectacle, en recherche d'émotion et de sentiment nouveau pour souffler sur les braises de vie qui restait, et s'éteignait à chaque minute un peu plus, au creux de ses entrailles. Mais les eaux étaient devenu ciel bleu, le chant des oiseaux avait suivit celui des cétacés, les baleines devinrent des hommes, des femmes, d'âge différent. Et il n'avait fait face qu'a une pierre tombale, dans un corps qui n'était pas le sien, un corps abîmé par la vieillesse et à l'esprit déglingué.
« Je suis désolé, je n'aurais certainement pas dû venir te voir. Pas à cette heure là. »
Il redressa son regard sur le visage de Clio, emprunt de fatigue. Il regrettait un peu plus son geste, et blâmait ce besoin qu'il avait eu de déranger la jeune femme à une heure pareille. Tout cela pour qu'elle l'écoute? Clio n'était pas qu'une oreille. C'était une âme. Une âme divine même, c'est en tout cas ainsi qu'il la voyait. Elle était une île de sérénité, et il en était dépendant. Il n'était pas qu'un simple détraqué pour elle. Il n'était pas qu'une cloche fêlée dont le son discordant répugnait quiconque de l'écouter. Elle l'entendrait, sans le prendre pour un dingue. D'autres l'auraient fait, depuis longtemps. Et avec raison sans doute. Il prit une inspiration, défit le bouton de ses manches pour les retrousser jusqu'à ses coudes. Il desserra ce nœud de cravate qui lui étranglait la gorge et empêchait le moindre de son de sortir de ses lèvres.
« Je n'arrivais pas à dormir... insomnie. Alors j'ai voulu tuer le temps, trouver une distraction, me divertir, pour oublier cette sensation du temps qui ne passe pas. Et, il est arrivé... quelque chose de bizarre, d'inhabituel. C'était comme si... »
Il entamait le début de son récit, à tâtons, hésitant. Comme un homme plongeait dans le noir, progressant dans un couloir remplis de danger et de piège. Il mit sa phrase en suspens, cette phrase qui n'aurait pas manqué de le faire passer pour un illuminé, comme l'un de ses prétendus prophètes louant, auprès de chacun, les paroles et les gestes de divinités qu'il aurait fantasmé. Mais lui n'avait rien fantasmé. Il avait vu ce ciel, ces êtres, ce cercueil, et ces mots. Pourtant, rien ne semblait réel, mais rien ne semblait fictif pour autant. Cela était vrai, et faux. Cela existait, et n'existait pas. Une vision bouleversant le binaire, le rendant abstrait, insuffisant. Il serra un instant les dents, essayant de remettre de l'ordre dans ses esprits, et ne finit par ne poser qu'une question.
« Qu'est-ce que tu connais de la surface? Qu'est-ce que tu en sais? »
Surface. Mot tabou si il en est. Il n'y avait plus que les déments pour le prononcer. Joshua l'avait fait.
« PELAGIA »
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Elle effectue un geste vague de la main pour lui épargner la peine du dérangement. Ce n’est pas comme si elle était déjà tombée endormie, après tout. Elle était prête à s’endormir. Mais elle ne l’était pas. Elle ne l’était plus. Peut-être devrait-elle prendre un café. Devrait-elle lui proposer un café. Un tonneau de café, surtout sans savoir pour combien de temps il allait l’occuper. Elle passe les mains sur son visage, abat les paumes sur son visage en deux petites tapes pour se réveiller un peu plus.
Puis elle l’écoute. Il ne pouvait pas dormir, il voulait se divertir – et l’étui du violon arrache un sourire à Clio – avant que quelque chose d’étrange ne se produise. Elle se redresse, un peu plus à l’écoute parce que ça l’intéresse, pour le coup. Elle attend que Joshua poursuive son histoire, elle veut savoir ce qu’il lui est arrivé. Mais Joshua ne poursuit pas. Il laisse sa phrase en suspens. Elle attend, quand même, on ne sait jamais. Mais rien. Que dalle. Il reste muet comme une tombe. Comme une carpe. Comme les deux.
Il lui demande ce qu’elle connait de la surface. Ce qu’elle en sait. C’est à ce moment qu’elle comprend que la discussion risque d’être longue. Clio se lève de son fauteuil, se dirige vers la cuisine, en particulière vers la machine à café, sans prendre la peine de demander à son ami s’il désire une tasse parce qu’elle a de toute manière l’intention de lui en faire couler une. Insomnie ou pas insomnie. Au point où l’on est… Elle met une dose de café dans un filtre, verse de l’eau dans le percolateur et elle met la machine en route. En attendant, elle sort le sucrier ainsi que la boîte de lait. Pas de manière entre Joshua et elle. Pas de pot à lait.
« Ce que je sais de la surface ? Je sais ce que j’ai lu à la bibliothèque et ce qu’on en a dit en cours, rien de plus. Ils ont de l’herbe. Des animaux que nous ne connaissons qu’à travers les pages des livres. De l’air sans avoir à le produire artificiellement. Du soleil et non des lampes artificielles dans les rues. Une météo qui change. C’est comme chez nous mais en mieux. Tout est toujours mieux chez les autres, de toute manière. C’est plus grand aussi. Bien, bien plus grand… »
Le café est passé. Clio sort deux mugs blancs d’une armoire, deux cuillers d’un tiroir et verse le café dans les tasses. Elle ramène les tasses puis retourne chercher le pot de sucre et la boîte de lait qu’elle dépose sur la table basse, au centre du cercle de fauteuil. Elle laisse fondre trois sucres dans sa tasse. Elle se rassied, ramène ses genoux contre sa poitrine et serre le mug dans sa main.
« Je ne sais pas grand-chose, Joshua. J’ai bien vu des photos entre les pages glacées d’un livre d’Histoire. J’ai vu des films et des diaporamas, dans la pénombre d’une salle de cours. Mais je ne sais pas grand-chose. »
Elle souffle sur sa tasse, doucement pour ne pas que ça déborde.
« Pourquoi ? »
Dernière édition par Clio Chatterton le 12.07.16 15:54, édité 1 fois
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L'éclat flamboyant de la chevelure rousse de Clio disparut un instant, se réfugiant dans la cuisine. L'évocation de la surface les avait fait se lever pour partir à la rechercher de caféine. De la caféine, pour se tenir éveillé. Joshua demeurait sur ce canapé, les yeux perdus dans les ténèbres de la nuit. Dans la ville sous les eaux, seuls les déments évoquaient la surface. Elle était devenu la source de mythe, de légende, de rumeur. La terre était effrayante, lointaine. La Ville sous les Eaux était parfaite, anti-thèse du monde où régnait les guerres et la disette. En parler, l'évoquer, la mentionner, ce n'était pas plus un sacrilège qu'une hérésie. Oui, Pelagia est parfaite. Pelagia est une ville conçu pour l'être. Pelagia est un Eden engloutis, une Atlantide coupé des affres et de la cruauté des Hommes d'en haut. Et pourtant... l'air y était naturel, en haut. Les fleurs et les plantes poussaient et faisaient resplendir l’émeraude de leur vert. Le ciel, plus clair, moins sombre, était d'un bleu moins étouffant. Et sous le soleil, ses rayons, sa chaleur, la vie semblait être une plus douce damnation...
Mais ses sens le trompait certainement. Il n'y avait aucune raison de croire que la vie à la surface était plus douce. Plus douce que celle sous les eaux. Il n'y avait pas d'espoir. Jamais.
Clio fait des allers-retours entre la cuisine et le salon. Elle explique ce qu'elle connaît de la surface, ce qu'elle a apprit dans les livres des bibliothèques, dans les salles de cours, dans les manuels d'Histoire, par des photographies et des discours orientés. Tout est là. Le principal. Ce qu'il a ressentis. La lumière. L'air. Le chant des oiseaux qui se superposaient à celui des baleines. Le soleil. Et ce monde ouvert, vaste, et non ce monde clos, restreint. L'odeur du café le tire de ses rêveries. Au son de la voix de la jeune femme, il essayait de redessiner mentalement ce qu'il avait vu, à travers les yeux d'un autre. Le bleu du ciel. Les oiseaux. Cette foule d'être de noir vêtus, à la mine triste, aux regards pleurant, devant une tombe sous laquelle reposait un certain Eugène Ionesco. Et cette épitaphe : « Prier le Je Ne Sais Qui. J'espère : Jésus-Christ. ». Mais tout était flou. Comme une aquarelle qui aurait mal vieillis, que l'on aurait mal conservé, et dont les couleurs s'estompaient, et dont les contours étaient moins prononcés, où tout finissait par se fondre dans tout, où tout se fondait dans un grand rien.
« J'ai tout ressentis Clio. Le vent qui fait danser les chevelures. Le bleu du ciel qui fait rêver les gosses. Ce bleu bien plus clair que le bleu de nos abysses. J'ai vu les bourgeons des fleurs qui renaissent au printemps, et j'ai entendu le chant des oiseaux. Il est si différent de celui que l'on nous fait écouter sur les gramophones, plus volatile, moins mécanique, plus clair... et le soleil qui réchauffe les épidermes... Ma peau en frisonne encore. J'ai froid. »
Et il y avait ces tombes aussi qui se succédaient en ligne. Comme des soldats de l'armée des morts, rangés, au garde-à-vous, devant la grande faucheuse. La surface avait des airs d'Arcadie. Une terre Édénique qui ne l'était pas, car habité par la mort. Mais il n'en dit pas un mot. Car la mort régnait en maîtresse partout, et toujours les couperets s'abattaient sur les nuques. Nul ne lui échappait. Et in Arcadia Ego.
Et puis, ce n'était pas ce qu'il voulait faire voir à Clio. Il avait comme une volonté de lui épargné le spectacle de la mort. Tant qu'il pouvait le faire.
La main de Joshua vint attraper une des tasses de café, qu'il porte à ses lèvres. Le nez au-dessus de la mare brune, il hume un instant les arômes de cette boisson qui, si souvent, le maintenait debout, comme les tuteurs de quelques pousses, comme les murs des lierres.
« Tu vas me prendre pour un fou... Ce serait peut-être justifié, sûrement même, mais j'ai vu la surface. Je ne saurais comment t'expliquer mais... c'était comme-ci, une fraction de seconde, mon esprit avait rencontré celui d'un Autre qui y habitait. Comme deux courants marins qui se rejoignent, qui, enlacés, court ensemble un instant, avant de se séparer pour continuer chacun leurs propres routes. J'ai vu de ses yeux. Peut-être a t-il vu des miens... »
Il tira une longue gorgée du café que Clio venait de lui apporter. Il était bien meilleur, plus corsé, avait bien plus d'arôme, que le sien. Depuis longtemps, il n'avait pas apprécié le café pour son goût. Il ne le buvait plus que pour tenir debout. Il reposa la tasse sur la table basse. Pas de sucre. Pas de lait. Et il releva les yeux vers Clio, assise sur le fauteuil, luttant contre le sommeil.
« Ce n'était pas un rêve. Je ne rêve plus depuis bien longtemps, tu le sais. Je cauchemarde simplement. Mais là, ce n'était pas un rêve, ni un cauchemars. Je ne dormais pas. J'étais debout, une cigarette entre les lèvres, et j'écoutais le chant des baleines... Ce n'était pas un songe... »
Il marqua une pause, esquissa une moue. Ses yeux avait la lueur de ceux qui sont perdu. La lueur funeste de ceux qui font naufrage. La lueur panique de ceux qui recherche une prise pour ne pas se noyer dans les eaux glacials de l'Arctique.
« Tu es celle avec laquelle je prends le moins de risque de passer pour un dément... »
« PELAGIA »
MESSAGES : 585 POINTS : 4079 PRÉSENTATION : www. FICHE DE LIENS : www. DATE D'INSCRIPTION : 29/07/2014
Il dit avoir ressenti le vent, avoir ressenti le bleu du ciel, avec ressenti les bourgeons fragiles et le chant des oiseaux dans les arbres, dans le ciel, sur l’herbe. Il dit avoir ressenti le soleil. Le soleil réel du monde d’en-haut. Par curiosité, Clio avait souvent rêvé au monde d’en-haut, sans avoir jamais cherché à l’atteindre. Certains devaient l’avoir tenté. Il suffirait de se cacher dans les cargaisons remontant par ces grands ascenseurs exportant et important les marchandises. Se cacher dans une caisse et attendre de monter. Pour voir. Pour savoir.
Le nez au-dessus de sa tasse, il explique qu’elle risque de le prendre pour un fou mais elle secoue la tête. Au point où elle en est. Au point où ils en sont tous. Elle frôlerait presque la paranoïa avec ce qu’elle entend dans la rue, ce qu’elle lit, parfois, dans les journaux. « De nouveaux groupements révolutionnistes. », « Fin des jours heureux », « La Compagnie frappera un grand coup » et autres cochonneries qu’elle ne voulait pas croire. Elle avait parfois l’impression d’avoir à faire à une véritable guerre civile. Peut-être que c’était mieux, en-haut. Peut-être était-ce pire. Qu’est-ce qu’elle en savait, après tout ? Ce n’est pas comme si elle avait connaissance des faits de la surface. Ce n’est pas comme si elle en aurait un jour connaissance.
« Tu es en train de me dire que tu as vu la surface à travers les yeux d’un autre. Que tu as vu… Ce qu’il voyait et… Je ne sais pas si j’ai la foi, ni même l’envie de chercher une explication rationnelle à tout cela, je… Je ne sais pas. Ça me dépasse complètement. »
Elle secoue la tête, dépose la tasse encore chaude sur la table basse et tire un plaid plié sur le dossier de son fauteuil. Elle l’enroule autour de ses épaules, autour de ses bras. La chaleur est un risque qu’elle prend, les yeux dégorgeant de sommeil. Cette histoire serait une blague de mauvais goût et ce n’est pas le genre de Joshua de faire des blagues de mauvais goût. Ce n’est pas le genre de Joshua de faire des blagues tout court. Encore moins quand sonnent les cinq heures.
« Je ne te prends pas pour un fou. Je te l’ai dit, il y a sûrement une explication à tout cela. Une explication… Médicale, peut-être. Une explication rationnelle… Quelque chose qui s’explique et… Tu veux que je demande ? J’ai rencontré un médecin, au bar. Il aura peut-être une solution, une idée. Peut-être… J’irai le voir, si tu veux ? »
Clio passe une main dans ses cheveux avant de la replonger sous la couverture.
« Dans tous les cas, je ne te prends pas pour un fou, Joshua. »
Dernière édition par Clio Chatterton le 16.07.16 20:20, édité 2 fois
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MESSAGES : 259 POINTS : 3620 PRÉSENTATION : www. FICHE DE LIENS : www. AUTRES COMPTES : The Tyrant, A.D DATE D'INSCRIPTION : 20/10/2015
Le vent, oui, son souffle dans les cheveux. Le ciel, oui, son bleu qui recouvre tout. Comme les eaux. Puis les bourgeons dans les arbres, les oiseaux dans le ciel, et la chaleur du soleil tout comme la terre sous des semelles de chaussures. Un maelström de nouvelle sensation. Il aurait voulu pouvoir poser ses mains sur les tempes de Clio. Poser les mains de chaque côté de son visage, et de coller son front au sien. Comme deux amants. Mais pas pour partager tendresse, amour, et chaleur. Plutôt comme deux aimants qui se retrouve, se polarise, échange, sans un mot. Poser ses mains sur ses tempes, fermer les yeux, et lui faire voir, par ce contact, ce que lui a vu. Lui faire ressentir tout ça. Partager sa vision, et ses sensations. Le vent qui n'était pas celui des ventilateurs, la lumière qui n'était pas celle des lampes... Il lui semblait que cette magie, ce partage de l'image, du son, des émotions, comme un cinéma ré-inventé, serait plus fiable que les mots. Le verbe avait indéniablement des limites. Le cœur et la mémoire aussi. Mais conjoint, peut-être pouvait-ils repousser les limites inhérentes aux uns et aux autres. Peut-être.
Il ne le pouvait. Il en était incapable. Incapable. Ses deux mains plaqués sur son visage, il n'aurait rien fait, si ce n'est gêner la jeune femme.
Pourtant, il lui semblait bien qu'il avait vu par contact. Oui, qu'un contact s'était crée entre lui et l'autre, celui d'en-haut. Un lien invisible, physique, ou plutôt métaphysique. Scientifique, mais magique. Comme deux particules intriquées. Deux particules intriquées dont les informations gravitaient, de l'une à l'autre, sans que l'on puisse expliquer, observer, remarquer, cet échange. De l'intrication quantique, entre deux êtres de chairs et de sang. Et si rien de cela n'était rationnel ? Les Dieux ? Joshua était un hérétique. Joshua ne croyait pas aux dieux. Mais si il se méprenait, si ils existaient, il espérait juste qu'ils avaient une bonne excuse pour tout cela. Pour ce monde, absurde. Son regard retomba dans l'étang noir qu'il tenait entre les mains. Noir comme son âme. Il en but quelques gorgées. Il but la tasse. Et se noya. La caféine coula dans ses veines, se mêlant au sang et aux essences. Et au désespoir.
« Est-ce vraiment rationnel ? Je veux dire... j'ai vu au-delà de ce que mon âme pouvait voir... »
Son âme, oui, non ses yeux. Car il voyait déjà depuis longtemps au-delà de ce que ses yeux lui laissaient voir. C'est le propre de la philosophie. Et ce qu'il voyait n'était pas rose. Rose était la couleur de la mort. Car « qui ne voit pas la mort en rose est atteints d'un daltonisme du cœur ». Aphorisme qu'il avait écrit, une nuit d'insomnie, comme celle-ci. A moins que sa clairvoyance ne soit qu'aveuglement ? Peut-être. Mais là n'était pas le sujet. Son esprit s'étiolait. Submergé par des fragments parasites. Sa pensée n'était qu'explosion sporadique. Comme ces fleurs sur lesquelles ont souffle, et dont les pétales, comme des plumes, s'envolent dans le lointain. Il s'égarait, et reposait la tasse sur la table basse. Ses mains étaient chaude de son contact. Clio s'enroulait dans un plaid. Elle lui proposait l'aide d'un médecin. Un médecin. Jamais il n'avait été en voir. Jamais il n'avait voulu. Comme-ci voir en médecin était un aveu. L'aveu que quelque chose clochait. L'aveu qu'il avait besoin d'aide. L'aveu qu'il devenait fou.
Et pourtant, ses lèvres si douces murmuraient quelques mots. Je ne te prends pas pour un fou, Joshua.
Le philosophe l'aurait embrassé. Mais la pudeur l'enchaînait là. Il aurait aimé s'en reposer contre elle. Mais la pudeur l'enchaînait là. Il aurait voulu chercher du réconfort dans ses bras. Mais la pudeur l'enchaînait là. Il aurait pu pleurer dans ses cheveux roux... Mais les souvenirs d'une mère qui ne supportait pas ces faiblesses, ces médiocrités populaires, les larmes, et les souvenirs de ses sanctions, retenaient, au fond de lui, toute larme. Son regard revint à Clio. Je ne te prends pas pour un fou, Joshua. Clio était belle à se pendre. Il l'aurait aimé, mais une pensée l'enchaînait là...
Une fille comme elle méritait mieux qu'une épave comme lui.
« Tu peux lui parler de moi. Mieux, j'irais le voir. Si c'est un de tes amis, je peux lui faire confiance. Et peut-être que tu ne seras plus la seule dans cette foutue ville à me prendre pour un détraqué... »
D'une des poches de sa veste, il tira un paquet de cigarette. Ces lèvres étaient en manque, ses poumons, son organisme, demandait du poison. Il embrassa une cancerette dont il alluma le bout de son briquet. Il inhala cette fumée, cette nicotine, ce goudron et ces cendres. Les yeux dans le vide, des cernes noirs sous ceux-ci, les cheveux en pagaille, le col légèrement remonté sur sa mâchoire, il avait des allures de poète maudit, d'artiste décadent, de génie qui n'avait pas sa place dans un monde qui s'en foutait et qui n'était pas fait pour les Hommes. Il se courba, les bras posés sur ses genoux. Le dos voûté, comme un Atlas fatigué et las. Il soupira. Une fine fumée s'envola. Il n'avait pas même demandé à Clio si il pouvait fumer ici, et il s'en rendait seulement compte. Mais il prit une nouvelle inspiration. Une grande. Tirant longuement sur la clope. Un pont de cendre suivait la luciole enflammée. Et il expira un nouveau nuage gris, les yeux clos, après avoir chargé ce nuage de ses craintes, de ses troubles, de ses hésitations. Comme pour faire table rase des perturbations, des raisons de sa présence ici, qui lui reviendrait, d'une seconde à l'autre, inévitablement...
« Je t'ai écouté tu sais. Je me suis remis à la musique. Au violon. Les plaintes du violon se marient si bien avec le chant des baleines... »
Les baleines.
Son esprit était chargé de signe. De fantasme. D'imaginaire. Et de réel. Son esprit était façonné par la littérature, par la fiction, par le fantastique, qui est parfois encore le meilleur moyen de parler du monde, de notre monde. Et dans sa tête, des liens, bien que bancals, se tissaient, comme une toile d'araignée, d'élément en élément. Les baleines. Il se leva, et ôta cette veste qu'il portait sur les épaules. Sa cigarette tombait dans les dernières gouttes de café qui restait dans sa tasse. Elle s'éteignit dans le noir, pendant qu'il attrapa la main de Clio. Le plaid tomba de ses épaules alors qu'il la redressait sur ses pieds. Il posa cette veste, trop grande pour elle, sur ses épaules.
« Il faut que l'on retourne voir les baleines ! »
« PELAGIA »
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Rationnel, elle ne sait pas mais elle peut toujours demander. Aller demander. Cette vision de la Surface, cette rêverie qu’elle n’expliquait pas, lui donnerait un prétexte pour aller voir Raleigh. Pour le revoir. Elle y pensait depuis un moment, à aller le voir ou encore à sonner au secrétariat de l’hôpital afin d’avoir son numéro de téléphone, même s’il ne s’agit que de celui destiné au travail. Elle pourrait l’inviter à aller boire un verre ou encore à aller manger quelque part. Mais pour ça, il faudrait qu’elle prenne sa soirée au bar et Clio n’envisageait que très peu les absences. Elle ne prenait congé qu’en cas de force majeure. Comme une rupture, par exemple. Elle avait pris congé pour Gil. Elle pourrait éventuellement prendre congé pour Raleigh. Elle y réfléchirait mais plus tard. Pas maintenant. Elle avait d’autres chats à fouetter. Elle acquiesce quand il parle d’aller voir Raleigh.
« Le docteur Cohen est très gentil. Et il s’intéresse à d’autres choses qu’au corps humain. Nous ne sommes pas viscères à ses yeux. Non, il est… Il est spécial. Et intéressant, aussi. Si tu en as l’occasion, vas-y. Il t’aidera sûrement. »
Elle observe Joshua tirer une cigarette d’un paquet et l’allumer mais elle ne dit rien. Ça l’importe peu qu’il lui demande la permission de fumer ici tout comme ça l’importe peu qu’il fume ici. Elle le lui permet tacitement parce qu’en fait, elle s’en fout. Si Clio fumait régulièrement, elle fumerait aussi dans son appartement et l’odeur de la cigarette ne la dérangeait pas. Elle serait vite oubliée, de toute manière. Il lui raconte qu’il s’est remis à la musique et elle se souvient qu’elle l’avait poussé dans cette direction. L’aveu tire un sourire fatigué à Clio, elle ouvre la bouche pour répliquer quelque chose, pour dire une phrase positive mais Joshua s’agite soudainement. Il ôte sa veste et l’abat sur ses épaules après l’avoir remise sur pieds. Clio ne comprend pas ce qu’il fait et son ami évoque les baleines avant de la traîner jusqu’à la porte d’entrée.
« A-attends ! Joshua, pour l’amour des Trab, arrê-Joshua ! » Clio tire sa main en arrière, manque de tomber à la renverse en quittant la poigne de son ami. La veste qu’il avait placée en équilibre sur ses épaules ne manque pas de faire un vol plané en arrière pour s’écraser sur le sol. « Mais qu’est-ce qui te prend, tout à coup ? C’est quoi, cette histoire de baleines ? Depuis quand il y a des baleines en plus ? Explique-toi. »
Elle avisera par la suite.
Dernière édition par Clio Chatterton le 24.07.16 11:58, édité 1 fois
« feel good inc. »
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Les baleines. Dérangé par un élément mystérieux dans leurs trajets migratoires, elles frôlaient cette année les parois de la ville engloutie. Et leurs chants étaient des plus beaux. Le spectacle des cétacés était d'un sublime Kantien, ce sublime qui effraie, ce sublime qui fascine, comme le sommet d'une montagne, sur lequel on se tient, au-dessus d'une mer de nuage, et qui nous invite à embrasser le vide, jusqu'à la chute, jusqu'à l’atterrissage, sur les rochers calcaires, sur les rochers pointus. Joshua avait admiré les cétacés, leurs ballets. Et il les écouta. Leurs chants fut le berceau de cette vision, la berceuse de ce songe. Et le nihiliste, qui ne croyait en rien, ni aux Dieux ni aux Hommes, tombaient dans quelques délires magiques, dans quelques délires fantasmagoriques. Comme-ci son esprit avait besoin de combler ce vide, qu'une toile d'araignée d'imaginaire et d'élucubration fantastique valait mieux que rien. Pourtant rien ne valait le rien. Il le savait. Il en était persuadé. Il se perdait. Joshua était secoué, comme un pendu se balançant au bout d'une branche de châtaignier pris dans la tempête. Jusqu'à ce que la branche ne cède. Jusqu'à ce que le cadavre ne tombe. Et pourrisse. Là, sur le sol, bouffé par les asticots.
Il consentait à voir un docteur. Il consentait à jouer de la musique. Il consentait à croire au mystique.
Clio lui résistait. Elle voulait comprendre. Elle voulait comprendre le cheminement de cette pensée qui n'avait pas connu d'existence verbal. Il lui manquait une pièce du puzzle, elle avait un train de retard, et elle se dégagea de son emprise. Le philosophe resta interdit. Il prenait conscience de son comportement, de ses pensées. Il se sentait idiot. Un sombre imbécile. Un dément, un dingue, un fou, un taré. Tellement de synonyme de la sorte lui était attribué, et tellement trouvait un écho en ces minutes. Il baissa le regard.
« Désolé Clio... les baleines, elles... Quelque chose a perturbé leurs courses migratoires. Elles passent près de la ville. On peut les observer. On peut les entendre. Et je les écoutais pendant que j'ai eu ma vision de la surface. Alors, je me disais que peut-être... »
Il eut un sourire. Un rire même. Nerveux. Il se sentait stupide. Il n'avait pas ressentit cette gêne depuis longtemps. Il ne l'aurait peut-être pas ressentit devant quelqu'un d'autre. Peut-être. Il se pencha pour ramasser cette veste qui avait chuté des épaules fines de la rousse.
« Je suis stupide, pardon, je perds pied. Je devrais souffler, tout est confus et s'agite dans mon crâne. Je comprends pas pourquoi ça me met dans un tel état. Je ferais sans doute mieux de diluer tout ça dans un éther quelconque. »
Son rire s’effaça progressivement. Il resserra sa prise sur le tissu de son manteau. Se diluer dans l'éther, Essence ou alcool qu'importe, au fond des bouteilles pour étioler son esprit. Son regard retrouva celui de Clio. Ce bleu. Non, il avait sans doute bien fait de toquer à cette porte, de la tirer du sommeil qui commençait à l’appeler. Il devait vérifier sa théorie. Vérifier si les baleines avaient quelque chose de magique. De mystique. Et si rien ne se produisait, si il n'y avait pas de nouvelle vision, si le mystère demeurait entier, il y aurait au moins une belle promenade. Elle, et lui.
La rousseur et les ténèbres. Dans la nuit, devant les baleines.
« Il faut que l'on aille vérifier. Il faut que l'on aille voir les baleines. Et si elles étaient le cœur de l'affaire ? Si elles étaient... irrationnelles ? »
Un sourire vint sur ses lèvres. Il tendit son manteau à Clio. Il avait une flamme dans le regard.
« PELAGIA »
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Peut-être avait-elle réagi trop brusquement. Et peut-être même était-ce le cas. Peut-être devrait-elle s’excuser. Ou peut-être pas. Il y avait un lien que Joshua avait fait entre cette vision et cette histoire de baleines que Clio ne parvenait pas à nouer. Elle n’avait pas envie de réfléchir parce qu’il était cinq heures du matin passé, qu’elle avait enchaîné les deux services ce soir. Ce n’est pas qu’il y avait eu beaucoup de monde à l’Opale du Chat, cette soirée-là, c’est qu’elle avait travaillé. Et qu’elle manquait sans doute de sommeil, entre sa mère qui appelait à l’aide – ou à l’argent – quand bon lui semblait, entre les horaires du boulot, les courses. Et maintenant Joshua et son histoire de baleines que Clio n’arrivait pas à relier à cette vision qu’il semblait avoir eu. Ce lien qu’elle ne parvenait pas à faire avait tendance à l’énerver. Clio n’aimait pas être énervée. Être énervée et fatiguée. Un jour, Clio apprendrait à dire non pour se consacrer à elle plutôt qu’aux autres. C’est peut-être ce qu’il lui manquait au fond.
En attendant, Joshua explique cette histoire de baleines. Cette histoire de migration des baleines, déviées au-dessus de la cité par on ne sait quel courant dissident. Il dit qu’il est possible d’observer les baleines et de les entendre aussi et ça, elle veut bien le croire. Les parois de la ville ne sont pas opaques – parfois un peu sale, parfois envie par des étoiles de mer ou autres coquillages invasifs tout au plus. Il dit les avoir écoutées avant que la vision ne le prenne au dépourvu et maintenant… Maintenant, il voulait qu’elle sorte avec lui, dehors, en pleine nuit. Pour aller voir les baleines. Alors qu’elle était censée aller se coucher. Elle devrait dire non. L’inviter à rester ici, à dormir sur le canapé. Mais elle devrait dire non. Clio soupire, pensant que cette histoire ne tourne pas rond. Joshua insiste pour aller voir les baleines, pour retourner écouter leur chant, pour comprendre. Elle ferme les yeux une minute, le temps de peser le pour, de peser le contre. Elle ignore le manteau qu’il lui tend. Qu’il le garde, elle mettra le sien.
Clio se dirige vers le guéridon sur lequel gît son manteau, abandonné. Elle attrape ses chaussures dans le coin, les enfile rapidement et attrape son sac.
« D’accord. Montre-moi. »
Dernière édition par Clio Chatterton le 05.08.16 21:56, édité 1 fois
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D'accord. Montre-moi. Clio avait ignoré le manteau qu'il lui tendait. Il le remit sur ses épaules, reprenant ses airs de poète maudit. Il l'avait regardé le dépasser, sans un regard de plus, un soupire au bout des lèvres, ce visage fatigué, épuisé. Il n'aurait pas dû venir toquer à cette porte. Il aurait dû se noyer dans le café, se noyer dans les fonds de bouteille de mauvais whisky, dans des morceaux de piano sublime, dans le gramophone, et attendre l'aube, attendre que les éclairages jettent leurs éclats crus sur la ville, pour venir toquer. Attendre qu'elle se repose. Attendre que la nuit passe, et ne pas l'en priver. Son regard se peina un instant, alors qu'elle ne pouvait le voir. Pour l'insomniaque, les heures du jour et de la nuit lui n'ont aucune différence. Elles sont similaires. Il n'y a que cette vague impression de voler des heures, de voler du temps, au néant, lorsque l'on échappe à la nuit, lorsque l'on échappe au sommeil. Une sensation qui cajole. Mais elle, elle n'était pas insomniaque. Elle dormait la nuit. Elle dormait et n'errait pas dans les rues de cette ville sous les eaux. Elle dormait, comme le font les gens normaux. Comme le font ceux qui ne sont pas fêlés. Comme lui ne le fait pas. Elle dormait, comme lui ne savait le faire.
Joshua redressa le col de son manteau sur son cou. Il commença a caresser le cartonné de son paquet de cigarette pour tirer un bâtonnet de nicotine. Il se ravisa. Derrière lui, il entendait la porte de l'appartement s'ouvrir. Les entrailles de la ville se dévoilaient à nouveau. Il se tourna vers elles, vers Clio également. Il lui adressa un sourire, sourire relevant de la moue, comme une excuse qui ne se prononce pas, et il sortit, passant à côté d'elle, le regard rivé sur ses pieds. Clio ne craquait pas. Elle aurait dû. Craquer et lui claquer la porte au nez. Craquer, et se reposer. S'occuper d'elle. Faire primer sa vie, son confort, avant autrui, avant lui, minable croulant sous le monde, détraqué de première classe, auteur et philosophe désespéré, maudit. Il était une gène. Il revint alors sur sa décision, glissa une nouvelle cigarette entre ses lèvres. Il fit claquer son briquet. La tête du bâtonnet de nicotine s'embrassa. Il inspira. L'expiration suivante, il chassa quelques pensées de son esprit. L'on ne pouvait faire locomotive arrière. C'est ainsi. Tempus Fugit Irreparabile. Il se sentait revigoré par le tabac. Il reprenait pied. Il redressa la tête.
« Suis-moi »
Le philosophe se glissa dans les rues et les ruelles de Pelagia, dans un silence tyrannique. Dans la pénombre, seulement malmener par quelques veilleuses d'une lumière blanche et sale, peu d'ombres dansaient. Même elles dormaient, s'allongeant sur les murs et les pavés. Le bout incandescent de sa cigarette était plus ou moins visible, selon ses inspirations. Chacun de ses pas étaient suivis d'un nuage de fumée, alternance des semelles et de la nicotine. Près de lui, Clio le suivait. Il s'assurait de sa présence au son de ses chaussures. Il n'y avait que les bruits de marche qui troublait le calme de ses nuits. Il se tourna vers elle. Elle ne disparut pas. Il n'était pas Orphée. L'image était pourtant proche du mythe. Mais il ne l'était pas. Et elle demeurait là. Son parfum lui venait, passant au travers des atomes de nicotine qui flottait dans l'atmosphère. Un sourire sur ses lèvres. Il appréciait ce moment. Il se sentait... bien ? En paix ? Il lui proposa son bras, et levant un instant le regard vers les hauteurs, vers ces eaux qui les recouvraient, sans qu'il ne frisonne, sans qu'il ne soit pris dans le maelström du sublime Kantien, sans qu'il ne ressente cette espèce de fascination mêlé à cette gamme de frayeur. Une baleine passa.
Ils arrivèrent face à une paroi de la sphère de la ville. Les terres Pelagienne s'arrêtaient là, si terre il y avait véritablement. De sa manche, il frotta un instant la vitre pour y enlever quelques saletés. Les eaux étaient sombres. Une lumière clignotait, éclairant quelques longues secondes, avant de s'éteindre, et de revenir. Elle les laissait entrevoir les baleines. Les cétacés qui venaient. Il avait laissé son violon chez Clio. Il s'en rendait compte maintenant, seulement maintenant, pendant que leurs chants s'élevaient.
Il tendit l'oreille. Et tourna son regard vers Clio. Les cordes de son violon n'avait pas le charme du chant des baleines. Le chant des baleines n'avait pas la beauté de Clio.
« PELAGIA »
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Elle trouve l’air dehors plus frais. La température n’a pourtant pas baissé – la température ne baisse jamais dans Pelagia. Mais Clio trouvait l’air plus frais. Sans doute parce qu’elle ne porte que des vêtements légers. Elle ne porte plus son chemisier, sa jupe. Emmitouflée dans son manteau, noyée dans une chemise et dans un pantalon, Clio avançait dans les rues sans savoir où elle devait aller. Elle suivait Joshua docilement, somnolant quelque peu en marchant. Le bras de Joshua apparaît sous ses yeux, Clio l’observe un moment avant d’accepter l’invitation et de s’y accrocher. Elle le laisse la guider jusqu’à la paroi de verre de la ville, délivrant une vue surprenante sur la faune et la flore marine. Clio observe un moment les lieux, guette quelques méduses qu’elle ne voit pas, pour son plus grand malheur, pas. Elle tâchera de revenir une autre fois. Les méduses lui manquaient.
Ses yeux croisent les baleines et Clio s’approche de la paroi jusqu’à y apposer ses paumes. Elle observe la danse des cétacés, elle les regarde se mouvoir, bouger dans l’eau. Volumineux mais gracieux. Elle observe la danse puis surgit le chant. Elle écoute les cris des baleines, hypnotisée par leur ballet aquatique. Les nageoires, si larges. Elles tournoient dans l’eau, tellement à l’aise.
Le chant, oui. La vision, aussi. Alors qu’elle contemplait les baleines, Clio ne les vit plus. A la place, elle voyait une jeune femme à la peau pâle, étendue dans l’herbe. Elle ne la voyait ni bouger, ni respirer. A proximité de sa main, une cassette dorée, ouverte, gisant sur le sol. Clio ressentit une vive douleur dans la poitrine. Comme si tout se déchirait. Elle ressentait le chaos dans son cœur. Elle avait envie d’hurler, de griffer, de mordre, de détruire, de tuer, de répandre le feu et le sang sur la terre. Et il y avait cette fille sur l’herbe – de l’herbe ! C’était elle qui déchainait la douleur dans son cœur. Le fait qu’elle soit immobile, qu’elle ait l’air… Morte. Clio porta les mains à son visage. Elle n’avait pas des mains de femme.
La vision prit fin mais pas le chant des baleines. Clio s’accroche à la vitre, profitant de la fraicheur des carreaux. Elle n'en revenait pas de ce qu’il s’était passé. Dans sa tête ou ailleurs. Ailleurs oui, mais cela se passait à la surface, sans aucun doute. Ses mains glissent sur la paroi de verre, tombent le long de ses cuisses.
« Alors c’était de cela que tu voulais parler. Le chant, la vision… C’est… Je ne sais pas quoi en penser. Peut-être me suis-je seulement perdue dans la valse des cétacés et que mon cerveau a… Je ne sais pas ce qu’a fait mon cerveau mais je ne connaissais pas cette femme. »
Dernière édition par Clio Chatterton le 12.08.16 22:51, édité 1 fois
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Dans les eaux sombres de l'Atlantique, là, sous les mers, les cétacés dansaient, frôlant les parois de la ville enfouie. Leurs tailles variées, mais toutes étaient gigantesques. Elles voguaient, elles nageaient, passaient, migraient. Une effroyable sensation de puissance se dégageait de leurs langueurs monotones. Une puissance qui faisait ployer les mers, une puissance qui pourrait les noyer, chacun d'entre eux. Un battement de queue, et les parois cédaient sous leurs puissances. Clio quitta son bras, et un frisson pris le nihiliste. Le Sublime sous ses yeux. Le Sublime. La fascination, et l’effroi se mêlant. Défiant cette hybridation singulière de sensation, il avait attrapé son violon, plus tôt, pour accompagner le chant des baleines de quelques complaintes musicales. Une vieille partition qu'il improvisait à chaque nouvelles notes des baleines. Une symphonie se calquant sur les chanteuses et leurs voix. La mélodie des baleines. Mais désormais, sans violon, sans symphonie, sans son, dans un silence seulement troublé par le chant des cétacés, il se trouvait totalement à la merci des pleures des reines océaniques. Toutes, des visages graves, des visages sages. Une prestance qui fait courber les échines. Une ondulation admirable. Un chant que l'on respecte comme l'on respecte une prière, comme l'on respecte une messe. Non. Le nihiliste respecterait moins les messes et les prières que le chant des baleines. Il lui semblait que jamais rien n'avait provoqué ces sentiments, en lui. Cette crainte mêlée d'admiration, l'horrifique rencontrant le beau. Jamais rien. Pas même les concerto de sa matriarche, pas même le sombre des abysses. Pas même son impitoyable bourreau d'Arabelle, pas même les courbes de sa libertine d'Eve. Ni l'explosion du temple, ni les meurtriers, les ruines, les essences, les havres de l'alcoolisme, les nuits interminables...
Pas non plus le roux incendiaire de Clio. Mais sa présence semblait lui faciliter les choses.
La jeune femme prit appuis sur la paroi de verre empêchant les eaux d’inonder la ville immergée. Ses prunelles quittèrent le ballet des baleines pour venir la contempler elle. Elle était un puits de Lazare. Il lui semblait être vivant quand elle était près de lui. Il lui semblait revivre. Oui, revivre. Revenir d'entre les morts. Pouvoir ressentir véritablement. Pas juste ressentir comme l'ouïe, le toucher, la vue permettait de ressentir le monde. Mais ressentir véritablement. Avec les tripes. Non, plus encore. Il lui semblait pouvoir ressentir le monde avec le cœur. Ce cœur que le désespoir, que les nuits blanches, que l'absurdité du monde, les bouteilles d'essences et les cauchemars, la cruauté de la vie et son éphémère caractère, avait plongé dans un coma profond... son cœur revenait d'entre les morts, réchauffé par les paumes de ses mains.
Clio Chatterton avait un pouvoir incommensurable.
Les pupilles de la rousse tremblaient. Le philosophe retrouva sur le visage de la demoiselle cette incompréhension qui fut sienne lorsqu'il avait vu cette tombe, ce ciel, ces hommes et ses femmes en deuil. Lorsque le chant des baleines avait cédé sa place au chant des rossignols. Les lèvres entre-ouvertes de Clio laissait imaginer des mots qui allait être prononcé. Le nihiliste oublia les baleines, oublia le chant, le sublime et les sentiments. Un instant, il les oublia. Ou plutôt il n'y pensait plus. Joshua les attendait, ces mots. Pendue aux lèvres de Clio, essayant de se hisser sur la corde à la force de ses bras pour ne pas suffoquer. Mais il avait cessé de respirer. Et plus le silence dura, plus il le comprenait. Il n'était pas malade. Il n'était pas malade. Il n'était pas malade. Il y avait quelque chose, de mystique ou de scientifique qu'importe. Il n'était pas malade. Clio avait vu. Et elle l'avoua. Elle avait vu. Il n'était pas malade.
Un instant, il encadra de ses mains le visage de son amie. Leurs regards se rencontraient. Quelques secondes, ou quelques fractions de seconde. Un sourire, grand et sincère, se dessina sur les lèvres de Joshua. Un sourire comme ce visage n'en avait plus connu depuis des années. Une décennie. Et il l'attira contre lui. La serra dans ses bras. Contre son cœur. Ses doigts glissant un temps soit peu dans le feu de ses cheveux, et sa tête rencontrant la sienne.
« Racontes-moi Clio... »
Il lui semblait alors qu'au fond de ses bras il n'y faisait plus si froid. Qu'il n'y faisait plus aussi froid qu'il n'y faisait auparavant. Qu'il y avait une certaine chaleur dans son étreinte. Une chaleur...
Son cœur n'était pas mort. Et il n'était pas malade.
« PELAGIA »
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Clio laisse Joshua la serrer contre lui. Elle n’avait pas envie de se débattre. Elle se sentait vide, à bout de force. Complètement épuisée. Au fond, elle n’avait aucune raison de refuser l’étreinte. Ça lui faisait même du bien de ne pas se sentir seule. Elle avait mal, au fond d’elle-même, dans son cœur. Elle ressentait la peine qu’il avait ressentie dans la vision.
« … Laisse-moi m’asseoir d’abord. »
Joshua lui demande de lui raconter et Clio se laisse tomber sur le sol, dans la poussière, sans se soucier de quoique ce soit. Sans penser à son pantalon, à son manteau ou à sa tenue, en général. Il est passé cinq heures du matin. Six heures, peut-être bien. Qu’est-ce que les passants allaient en avoir à faire ? Si tant est qu’il y ait bientôt des passants pour arpenter les rues. Elle s’adosse à la paroi en verre qu’elle sait suffisamment solide que pour ne pas se rompre. Si elle supportait une quantité considérable d’eau, elle pouvait supporter le dos de Clio.
« C’était une femme. Jeune, belle. A la peau si pâle qu’elle reflétait presque les rayons du soleil. Elle était couchée sur l’herbe, une cassette entrouverte à ses côtés et… Je ne sais pas, elle ne bougeait pas. Elle était morte sans doute, j’en sais rien, je n’ai pas pris la peine de bouger. De toute manière, c’était comme si j’étais incapable d’émettre le moindre son. Pourtant… Pourtant j’en avais envie. Je veux dire… J’en avais besoin. Au début, je pensais que c’était comme une rupture. Je pensais que c’était comme avec Adam, tu sais… Mais non. Non, en réalité, c’était pire. »
Clio passe une main sur son front avant de presser ses deux mains contre son visage. Elle est fatiguée. Elle est exténue et elle se sent vide par-dessous tout. Elle avait supposé que la personne, que la jeune femme, était morte mais à vrai dire, elle n’en savait rien. Elle ne la connaissait même pas. Elle ne se souvenait pas l’avoir jamais vue, un jour. Dans sa vie. Aucun niveau, jamais au bar ni au Bordel. Elle ne la connaissait pas.
« J’avais mal. C’était une souffrance horrible, Joshua. C’était le vide… Mon cœur n’était que chaos. J’avais envie de mourir avec elle et… Mais qu’est-ce qu’il m’arrive, Joshua ? Tu crois que c’est la fatigue ? C’est sûrement la fatigue… Je suis fatiguée et toi… Depuis combien de temps n’as-tu pas dormi correctement ? »
Clio sourit, suffoque un instant avant de presser une main sur son œil droit. Elle a du mal à refouler ses larmes, à se calmer. Elle est fatiguée. Et elle est bouleversée aussi. Elle ne comprend pas. Elle ne comprend rien, à vrai dire. Est-ce qu’elle voulait seulement comprendre ? Même de cela, elle n’en était pas sûre.
Dernière édition par Clio Chatterton le 02.09.16 21:59, édité 1 fois
« feel good inc. »
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Les baleines ne cessaient de chanter. Les baleines ne cessaient de défiler. De danser, de migrer, à quelques mètres à peine du grand bocal dans lequel vivait une civilisation immergée, à quelques mètres à peine du grand bocal, ce grand bocal, enfermant dans son verre ce nihiliste et sa muse qui faisait l'expérience du pouvoir envoûtant et irréaliste de leurs voix de cétacés. L'étreinte de Joshua se relâcha, se fit moins ferme, moins présente, pour laisser Clio s'échapper, respirer, s'asseoir. Durant quelques petites secondes, en une étreinte, il lui avait proposé une certaine forme de réconfort, de chaleur, un soutien silencieux, une présence discrète, instinctivement. Il ne se souvenait pas avoir fait tel geste pour quelqu'un d'autre. Non, il ne s'en souvenait pas. Il regardait Clio s'asseoir en songeant à cela, puis n'y pensa plus. Il l'imita simplement, appuyant son dos aux parois de verre qui retenaient les eaux de l'Atlantique, et en enfonçant ses fesses dans la poussière. Clio semblait déboussolé, perdue, et il la comprenait. C'était pour cela qu'il avait frappé à sa porte, à cinq heures du matin. Maintenant, il devait être six heures. Peut-être plus. Et ils n'avaient toujours pas dormis. Elle ne s'était pas encore reposée. Une nuit de dingue, une nouvelle.
Il y avait de la poussière, et des ténèbres, mais pas une âme sinon les leurs. Il y avait aussi cette lumière qui clignotait de manière aléatoire, comme piloté par un ivrogne essayant de communiquer en morse sans le connaître. C'est par intervalle que le philosophe voyait le visage décomposé de Clio. Et à chaque noir, entre deux instants de lumière, il craignait qu'elle ait disparu, qu'elle ne disparaisse, et que tout cela ne soit, au mieux qu'un rêve dément, au pire de nouveaux tourments joués par un cerveau, son cerveau, détraqué, sombrant dans la folie.
Il respirait à chaque fois qu'il la voyait.
La rousse narra sa vision. Il essaya d'en prendre note mentalement. Une femme, jeune, belle, à la peau pâle. Une femme, jeune, belle, visiblement morte. Une cassette. Et des sensations, un chaos de sensation, dans son corps. Du vide, et pourtant, du feu. Une envie d'hurler qui ne se concrétise pas, également. Et de l'herbe. La jeune femme évoqua une rupture, la compara à la déchirure provoquée par les infidélités d'Adam, cette déchirure qui avait laissé une longue cicatrice à son âme, à son cœur. Mais non, c'était pire. Il posa sa main sur son genou, le serrant légèrement entre ses doigts. Comme pour souligner sa présence. « Je suis là, ne t'en fais pas », murmuraient ses doigts. Son visage était entièrement tourné vers elle. Il voyait quelques larmes perler à ses yeux. Quelques larmes rouler sur ses joues. Comme les vestiges de ces sensations qu'elle avait ressentit face à ce corps qu'il supposait mort. Il eut l'envie de passer sa main sur sa joue, pas tant pour caresser sa peau que pour chasser ses larmes. Il se retint. Elle avait eu envie de mourir avec elle. Il comprenait cela. Et il regardait ses larmes couler, et il se faisait violence pour ne pas passer sa main sur ce visage. Il redoutait sans doute que le geste ne soit déplacé. Qu'il soit mal interprété. Il l'ignorait. Il ne connaissait que trop peu ce cas de figure.
« Je dirais une douzaine d'année, à vu de nez. »
Ainsi, il tentait une ironie, incertain, et un demi-sourire vint étirer ses lèvres, du côté que Clio pouvait apercevoir. La jeune femme avait du mal à se calmer, à retrouver une respiration stable, à sécher ses larmes qui roulaient sur ses joues. Il fouilla dans une des poches de son pantalon pour en tirer un paquet de cigarette. Il la porta à ses lèvres, l'alluma d'un briquet sortant lui aussi des ténèbres de ses poches. Il tira un souffle dessus, et recracha une volute de fumée blanchâtre qui s'éleva vers les hauteurs de la sphère.
« Ne t'en fais pas Clio, ça va aller mieux... Je ne pourrais pas t'expliquer ce qui vient de se passer, et... et je ne pense pas que ce soit la fatigue mais plutôt que nous sommes face à quelque chose qui nous dépasse. Maintenant, soit nous cherchons éperdument à comprendre, ou alors nous vivons avec. Mais quoi qu'il en soit, n'hésite pas à venir me voir si tu as besoin... »
Il y eu un silence. Pendant un temps, il avait capté son regard embué de larme. Il ressentit une pointe chagriner son cœur. Alors il tira à nouveau sur sa cigarette, et relâcha une nouvelle volute de fumée. Il regarda un instant, le chant des baleines en fond sonore, la fumée partir, s'envoler, et il retira le bâtonnet de nicotine d'entre ses lèvres pour la proposer à Clio.
« Quelqu'un a dit un jour, « Dans les épreuves les plus cruciales, la cigarette nous est d'une aide plus efficace que les encens et les prières ». Alors, tiens. »
C'était l'un de ses propres aphorismes, consigné dans l'un de ses livres publiés. Peut-être le connaissait-elle, peut-être pas. Qu'importe. Maintes fois, il avait eu l'occasion de se prouver que oui, la nicotine valait les cultes. Elles sont d'un bien meilleur réconfort. Il se redressa alors, son dos quittant la parois froide entourant Pelagia, ses fesses la poussière du sol. Il lui tendit sa main, pour l'aider à se redresser.
«Allez viens, je te ramène chez toi Clio, il faut que tu te reposes... Je te borderais et je te raconterais une histoire si tu veux. »
Nouvelle tentative d'ironie, et ses lèvres s'étirèrent, en grand. Debout, tendant sa main à la jeune femme, un sourire, véritable, sur les lèvres du nihiliste.
Dernière édition par Joshua Wells le 04.09.16 18:56, édité 2 fois
« PELAGIA »
MESSAGES : 585 POINTS : 4079 PRÉSENTATION : www. FICHE DE LIENS : www. DATE D'INSCRIPTION : 29/07/2014
La fatigue pourrait être une solution. Elle était fatiguée de ces horaires décalés, des rendez-vous qu’elle avait avant le travail et, cette nuit, après. Elle était fatiguée de courir à droite, à gauche, de sourire et d’entretenir la conversation avec les clients. Et par-dessus tout, elle était fatiguée des appels de plus en plus réguliers de sa mère. La fatigue pouvait être le facteur commun aux visions. La fatigue, la berceuse des baleines… Peut-être avait-elle seulement commencé à s’endormir en entendant les baleines. Sauf que ça ne ressemblait pas à un rêve. Mais le rêve éveillé restait une perspective rassurante. Joshua ruine ses perspectives. Il ne pense pas que ce soit là l’effet d’une fatigue quelconque. Il voit en cet évènement quelque chose de bien plus grand. L’œuvre des dieux ? L’œuvre des Trab ? Qu’avait-elle fait pour offenser les Trab au point d’avoir mal à ce point ? Elle allait au temple régulièrement, essayait de participer aux fêtes populaires quand elle le pouvait. Clio refuse la cigarette de ton ami.
« Je la connais cette phrase. Arrête de dire « Quelqu’un a dit » quand je sais pertinemment que c’est toi qui l’as écrit. J’ai lu tes livres, tu te souviens ? »
Clio dépose sa main dans celle de son ami pour qu’il l’aide à se remettre sur ses pieds. Elle ne frotte pas la poussière accumulée sur son pantalon. Il passera à la lessive, quand elle fera une lessive. Bientôt, sûrement, pour dire de continuer à s’habiller décemment afin d’aller travailler. Elle passe une mèche rousse derrière son épaule et assène une tape légère mais ferme sur l’épaule de Joshua, masquant un petit sourire, encore trop bouleversée par la vision pour en afficher un grand.
« C’est ça, moque-toi. Tu serais bien eu, si je te prenais au mot et si je te demandais réellement de me border. Tu pourrais me brosser les cheveux, aussi. T’en penses quoi ? » Elle tire la langue, se remettant peu à peu des émotions occasionnées par la vision. Elle ne s’en remettra jamais totalement mais elle s’en remettra. « Dis… Tu veux pas dormir chez moi, cette nuit ? Ou juste rester dans un fauteuil, lire un bouquin, ce que tu veux… Au cas où… Au cas où ça recommencerait. »
Ça ne recommencera sûrement pas et elle le sait. Joshua ne lui avait pas parlé d’un second épisode. Elle allait se mettre au lit, elle allait s’endormir, tomber comme une masse dans un sommeil profond. Mais ça la rassurerait de ne pas être seule cette nuit. Elle se remet lentement en marche vers son appartement. Vers son lit qui l’appelle. Vers la sûreté que confèrent quatre murs connus et reconnus comme étant les siens. Elle resserre ses bras autour de son ventre, en camisole, et continue d’avancer dans les rues.
« Tu sais dans ma vision…. Je volais. Je veux dire… Je suis descendue – ou devrais-je dire descendu – du ciel. Je me suis posée sur l’herbe… »
« feel good inc. »
MESSAGES : 259 POINTS : 3620 PRÉSENTATION : www. FICHE DE LIENS : www. AUTRES COMPTES : The Tyrant, A.D DATE D'INSCRIPTION : 20/10/2015
Des lèvres qui affichaient des sourires, des langues tirées malicieusement, une tape amicale sur son épaule. Sa main prenant celle de la jeune femme, il l’avait aidé à se tirer du sol, à se tirer de la poussière. Un matelas serait plus confortable, plus agréable, plus reposant. Ils commençaient à marcher dans les rues désertes, dans les rues nocturnes, de Pelagia. Ils semblaient, par instant, avancer, comme si rien ne s’était produit, comme si rien de mystique ne les avait perturbés. Mais les sourires étaient fins, et ils fanaient rapidement. Comme des fleurs fragiles sous les rayons ardents d’un soleil. Joshua tira à nouveau sur sa cigarette, expirant quelques volutes de fumée. Ses yeux tombaient sur le roux des cheveux de sa muse qui, suivant son humour, lui demandait ce qu’il pensait de lui brosser les cheveux. Il l’aurait fait, certainement. Délicatement, de peur de les lui tirer, lui qui n’a jamais brossé de cheveux. Incertains, sans doute, tatillons, oui, mais il l’aurait fait. Mais il ne fallait pas. Il ne le ferait pas. Et c’était mieux ainsi. Une forme d’intimité de dégager ces gestes. Et il avait peur, sans doute, inconsciemment, de profaner quelque chose de sacrée.
Le feu de ses cheveux solaires. Mais il ne pouvait lui refuser cette compagnie qu’elle lui demandait.
« Pour ce qui est de dormir, je peux essayer mais rien te promettre. En revanche, je serais là cette nuit, ne t’en fais pas. Si tu as besoin de quoique ce soit, de quelqu’un, je serais là. Même pour te brosser les cheveux, oui, ou bien pour écouter la radio, tout deux en pyjama, avec des pots de glace sur les genoux ! »
Un nouveau sourire sur les lèvres du nihiliste, alors qu’il voit les bras de la jeune femme se resserrer autour d’elle, comme pour former une bulle apaisante. Les bêtises racontées ne faisaient sans doute que souligner l’étrangeté des visions qu’ils avaient eues, tout les deux. Et en les soulignant, le désarroi, l’incompréhension, et la douleur que Clio avait ressentis n’en était certainement que plus fort. Lui n’avait rien ressentis. Il avait vu, simplement. Mais l’esprit qu’il avait habité, ce corps, ces yeux, semblaient être décadent. Il s’était sentis coquille vide, ce qui ne bousculait pas tant ses habitudes. Le philosophe passa son bras autour des épaules de la jeune femme, l’attirant contre lui comme pour affirmer sa présence. Elle n’est pas seule. Il est là. Il n’est sans doute pas la meilleure des personnes pour cela, mais il est là, ce philosophe aux allures de poètes maudit, ce penseur insomniaque drogué aux essences et à la nicotine. Et ils marchaient jusqu’à la porte de l’appartement de Clio.
« Voler… si cette citée sous-marine nous empêche bien de faire quelque chose, c’est de voler. Elle préfère que nous nous noyions dans les abysses, pendant qu’elle se fait entrainer par le fond. Dommage que tu n’es pu en profiter, de la sensation de voler. A la place, tu as eu… »
Cette peine qui a rendu tes jambes fébriles, qui fait encore trembler tes prunelles, et l’incompréhension dans laquelle nous nous enfonçons tout les deux. Une légère moue vint sur les lèvres du nihiliste, là où c’était étendu un sourire un peu plus tôt, quelques pas auparavant.
« Je suis désolé de t’avoir infligé cela Clio… »
Il lui déroba délicatement des mains ces clefs qu’elle commençait à présenter à la serrure, et lui ouvrir la porte, la laissant entrer chez elle, là où elle pourrait trouver ce repos qu’elle méritait tant. Il referma la porte derrière elle. Son regard retomba sur l’étui à violon qu’il avait laissé ici dans sa précipitation.
« Tu as besoin ou envie de quelque chose ? A boire peut-être ? »
Le philosophe se débrouillerait pour satisfaire ses besoins, ses désirs, en cet appartement qui n’avait rien du sien.