BOYS DON'T CRY. – Kamelia

• feat. Gabriel NOSCHESE •

En ce moment, je suis exténuée, fatiguée. J’ai hésité aujourd’hui à faire faux plan à la salle de boxe mais je dois avoir la motivation, je ne peux pas me permettre de laisser tous ces sportifs qui n’attendent plus que l’ouverture. Je sors du boulot avec une odeur de pizza qui me colle à la peau, je fume une cigarette pour supporter les quelques mètres que j’allais devoir faire. Je m’attarde sur la porte avec une lenteur destructrice.  Ce mardi est sûrement le pire samedi que j’ai vécu depuis des mois. Je vais quitter le boulot demain, dire au revoir à la bonne odeur de nourriture, de la pâte qui gonfle dans le charbon, les tomates qu’on tranche, le fromage qu’on râpe, les différents produits qu’on disperse, les clients heureux, les clients fatigués, les clients hautains, dire au revoir aussi au patron. Je compte passer parfois le voir pour lui rendre visite et qui sait, peut être que je travaillerais le samedi si je n’ai vraiment pas assez d’argent pour la faculté. Pour la faculté qu’Adrianna veut me payer. Je ne devrais pas refuser, c’est une occasion en or mais me dire que c’est elle qui va s’occuper de moi comme si c’était son devoir alors que ce n’est qu’une amie. Elle ne devrait pas faire ça, n’empêche que je compte la rembourser jusqu’au dernier centime, je n’ai qu’à rien lui dire et le moment venu, je rassemblerais la somme exacte pour la lui apporter. Elle n’aura pas le droit de refuser ces sous, je lui interdis. Je dis ça mais malheureusement, je suis accablée de dettes. Les choses ne s’arrange jamais et c’est vrai que c’est un gros coup de pouce ce qu’elle fait pour moi. Je me sens mal, j’ai l’impression de voir partir en éclat toutes mes réussites dans la vie.

Ce n’est pas la seule raison de ma conduite d’aujourd’hui, non. Il y a bien trop de chose en ce moment que je n’arrive plus à les accumuler. C’est le bocal qui se remplit trop vite au point de déborder et maintenant j’ai peur qu’il tombe du buffet, j’ai peur d’être ce poisson qui manque d’eau aplatit sur le sol. Vous connaissez ce regard qu’il fait lorsqu’il n’a plus accès à son élément? C’est ignoble, je déteste cette image. Puis l’image de Gabriel la dernière moi se rejoint, j’avais la même tête que le poisson agonisant quand il s’est mit à me crier dessus et c’est bien la raison principale du pourquoi je traîne les pieds aujourd’hui. Et tous les mardis précédents en faite, car je redoute de le voir. Je n’ai pas envie de le voir, son regard me tue à petit feu, c’est en me rappelant de son regard que j’ai réussi à rester calme avec Adrianna lorsqu’elle m’a annoncé ces deux nouvelles. Je ne m’en serais pas prise à elle comme Gabriel l’a fait avec moi mais j’aurais eu dû mal à bien réagir tout de suite, et heureusement, j’ai réussi.

J’arrive donc à la porte et je me glisse à l’intérieur poser mes fesses sur la chaise du bureau. Il faut que j’arrête de rester là, à ne rien faire. Aujourd’hui il faut que je retrouve ma force et ma motivation. Je me lève alors d’un bond rapide et m’en vais dans le vestiaire pour me changer et enfiler mes gants. Quand je ressors, je tombe nez à nez avec Gabriel qui se trouve au pied de la porte. Il n’y a que nous pour le moment, la dernière fois qu’il était c’était de la même manière. En avance, serrant sa main. Cette fois-ci ce n’est pas la bandoulière de son sac qu’il tient mais celui d’un chien.

« Salut. »

Je le regarde sans bouger, je ne m’attendais pas à le revoir mais je comprends qu’il ai envie de faire de la boxe qu’importe s’il est entourée d’une personne qu’il n’aime pas. Nous restons comme ça, face à face. Je me mordille la lèvre comme à mon habitude. Cela montre que je suis beaucoup anxieuse en ce moment car je n’arrête pas de répéter le geste depuis quelques jours.  

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© Skank

• feat. Gabriel NOSCHESE •

Gabriel s’occupe de son chien, il laisse passer quelques secondes même quelques minutes avant répondre le même ‘ salut ’ que je venais de lui balancer. Il y a toujours cette même distance que nous nous efforçons de garder le plus possible, aucun de nous deux n’avons fait un pas en avant. Il s’arrache machinalement la peau morte de ces doigts. Je pense fortement que c’est un tic nerveux, c’est presque le même que le mien. Au moins, il m’a répondu. J’ai l’impression que c’est un exploit qui vient de sortir de sa bouche de m’avoir adressé la parole. Signe de politesse, sûrement. Son chien a l’air excité mais il arrive à le calmer. Sa présence me perturbe, j’ai l’impression qu’il n’est pas venu pour faire de la boxe, peut-être qu’il s’est juste dit qu’il allait lui faire faire un tour et hop ! Comme la salle de boxe est sur le chemin, peut être que je viendrais voir. De toute manière, ça ne m’intéresse pas et puis je m’en fiche qu’il y ait un chien dans la salle, tant qu’il pisse nulle part ça me va. Je ne vais pas commencer à faire la police, la profession que je hais le plus quoi.

« Je voulais m’excuser pour la dernière fois. »

Cette phrase résonne dans ma tête. Je ne m’attendais vraiment pas à ce qu’il me fasse des excuses. Je pensais même qu’il était encore énervé contre moi. Bon, c’est vrai, cette histoire date de plusieurs semaines mais il est quand même là, devant moi, à me présenter des excuses. Je ne suis pas rancunière, mais j’ai encore les images de lui me criant dessus et les paroles, je les ai bien avaler une par une, n’oubliant aucune goutte dans le verre, tout est parti dans ma mémoire. Je déglutis et arque un sourcil. Ma bonté me perdra.

« Désolé aussi de m’être mêlée de ce qu’il ne me regarde pas. »

Voilà. Comme ça on est quitte. Nous n’aurons plus de compte à se rendre, les excuses sont faites. Je ne m’occuperais plus de ses problèmes et il n’aura plus jamais aucune occasion de me crier dessus. Je n’attend plus rien de lui maintenant. Le temps se faufile, on rencontre des gens, on les idéalises puis on se rend compte qu’on s’est trompé. Et au lieu de regretter ou de rester choqué devant cette nouvelle image, il faut savoir se débarrasser de l’ancienne et faire avec la nouvelle.

« Je peux mettre ton chien dans le bureau si tu veux, s’il reste là, il va être trop excité quand tout le monde va arriver. »

Il faut bien que l’un de nous parle tout de même, et je me dévoue pour le faire. Montrer que cette histoire et derrière nous bien que je vais avoir du mal à ne pas y penser de temps en temps.  

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© Skank