Août 2014, 14h13

Une fois toutes les deux semaines environ, Leonardo allait au marché renflouer ses stock de denrées. Sa mère s'occupait de lui en donner de temps en temps, mais détestant ce côté mère poule il s'occupait de choisir ses propres fruits, légumes, viandes et poissons, selon ses envies du moment. Le tout était bien entendu acheté aux Zattere, c'était à côté et frais, que demander de plus pour quelqu'un qui en avait les moyens ?

C'était régulièrement que lors de ces escapades, Leonardo allait toquer chez sa voisine Isabella pour voir si elle avait envie de l'accompagner, ou du moins, lui envoyer un petit sms. Ils se connaissaient depuis l'emménagement de Leo, 5 ans auparavant, et s'entendaient plutôt bien. Amants d'une nuit, ils avaient à présent une de ces relations plutôt complices, tout du moins selon notre James Bond des temps modernes.  

Il lui avait envoyé un petit message, une fois près des quais, pour qu'ils se retrouvent devant un des marchands de fruits qu'ils connaissaient, depuis le temps. En attendant Isabella, il discutait avec lui du beau temps et lui acheta deux petits abricots, un de ses petits péchés. Lorsqu'il eut finit de discuter, Leo regarda son téléphone, quêtant s'il avait une réponse mais toujours rien. Il alla s'asseoir un peu plus loin, vers un muret qui lui permettait de voir tout le canal.

Ils remontait les manches de sa chemise en attendant, qu'il avait mit sans cravate ni veste par dessus - ce qui n'était pas tous les jours, lui qui aimait toujours être sur son 31. Et lorsqu'une silhouette qu'il connaissait apparut, il souffla en râlant pour se moquer.
“Eh ben, la star se fait attendre !”

Lorsque elle arrivait à chacun de ces rendez-vous, Isabella avait toujours cet air radieux, enjoué et un poil surexcité. C’était sûrement ça qui avait fait que Leo avait souhaité gardé contact avec elle, après lui. Ça, et le fait qu’il l’avait croisée au moins 3 fois en deux jours peu de temps après… Il se leva de son muret pour répondre à la bise offerte par la demoiselle et ne put s’empêcher d’ajouter : “Ah ça… Je sais à quoi m’attendre au moins, tu m’diras !” Il lui souriait et croquait dans un de ses abricots, tout en tendant l’autre instinctivement vers sa compagne de la journée.

“Tiens, hm, on échange.” Il se servit naturellement une cigarette, qu’il déposa sur son oreille en attendant d’avoir fini son grignotage. “Ca va très bien ! Pas mal de trucs fou m’arrivent au travail, mais je continue de pouvoir gérer pour l’instant. Et toi ? Pas de dialogues cochons à traduire, ou de slogan publicitaires à la noix ?” Il souriait à sa propre blague – cela ferait au moins une personne, au cas où – et se dirigea vers les marchands habituels, ce petit train-train était comme qui dirait quotidien pour les deux amis qui faisaient ces quelques courses ensemble en se racontant leur semaine. Grimpant sur un ponton, il tendit la main vers Isabelle pour l’aider à monter et cracha le noyau de l’abricot qui lui restait dans la bouche en plein dans le canal.

“On commence par quoi ? ” Il mit sa clope au bec et l’alluma avec son briquet qu’il glissa aussitôt dans sa poche une fois fait. “Parce que moi j’ai besoin d’aller là ! Viens !” Il tira une bouffée et gardant la cigarette entre ses lèvres, lui prit la main et s’arrêta à un stand d’épices. Il demanda quelques banalités comme du thym et du paprika, ainsi que du vrai cacao en poudre. Il rougissait un peu et glissa son regard vers Isabella au même moment, susurrant : “… Ouais, j’aime bien faire des tiramisus, tu le sais bien… Me brise pas ma virilité, fais comme si t’avais rien entendu, reste sur le PAPRIKA. Le piment. Tout ça.” Et il prit une bouffée de plus après avoir déboursé quelques euros de sa paye presque bien méritée.

En l'écoutant demander ses propres courses, Leonardo imagina ce qu'elle avait prévu de cuisiner ; il aimait bien faire ce genre de choses, le petit fils à papa appréciait la cuisine - surtout celle de sa môman - et les épices était en quelque sorte sont petit péché mignon. “Cumin... hmmmm.” Rien que d'y penser il en sentait l'odeur enivrante qui faisait presque perdre son goût à sa cigarette. Alors il s'empressa d'en prendre une grande bouchée.

“Un roman d'espionnage ? Tiens donc !” Il sourit intérieurement, s'imaginant le héros d'un de ces romans noirs. “Et ça te plait ? Ca te donne pas trop d'idées bizarroïdes sur comment tuer ton voisin ?” Il continua d'avancer tout en sortant son téléphone. Lui qui se voyait comme un héros était incapable de savoir de quelle trempe de héros il pourrait être. Il lui fallait l'avis de quelqu'un qui le connaissait en tant qu'espion, de quelqu'un qui côtoyait ce milieu là. Il réfléchissait, ne voulant pas non plus demander à n'importe qui.

“hmmm, légumes... On peut aller voir Giorgio ? Je l'ai vu un peu plus loin sur le quai quand je t'attendais, il avait l'air d'avoir de bon trucs.” Il venait de terminer sa clope et l'écrasa donc contre sa semelle, pour ensuite la jeter à la mer - oui, c'était mal, mais il n'était pas écolo pour trois sous. Ne trouvant toujours pas qui i pouvait embêter pour le comparer à un véritable espion, il rangea son téléphone dans sa poche. “Ca te donne jamais envie d'écrire, de faire tes traductions ?” Il regardait le ciel, comme un petit garçon pensif qui y voyait des formes extraordinaires parmi les nuages. C'était une bonne journée après tout, et avec Isa il était un peu plus libre qu'avec les autres gens ; ils ne s'étaient pas rencontrer pour le travail, ça n'était pas tous les jours que ça lui arrivait et c'était mine de rien plutôt libérateur.

“Woooow !” A force de regarder le ciel, il en avait oublié de regarder ses pieds. Et sur un quai, l'eau n'étant pas ton alliée, il était obligé qu'il se vautre comme un débutant, se retrouvant les fesses par terre. Et là, pour garder ce qu'il considérait comme sa classe naturelle, ce n'était pas gagné !